Archive pour la catégorie ‘XIXe siècle’

Petite Histoire du quartier du « Bas de la Rivière St Denis » avec Mr David Huet, historien et Ecrivain pour « les Amis de l’Histoire »

« Histoire du bas de la Rivière St Denis » avec Mr David Huet et Mr Patrice Dijoux

Une ville divisée en quartiers …

Pendant longtemps la ville de St Denis fut divisée en quartiers par ses habitants. Au cours des années 1930, il ne faisait pas bon lorsqu’on était un « étranger » de l’un ou de l’autre de ces lieux bien circonscrits de s’y aventurer. Sauf être prêts à affronter les « gabiers » qui se considéraient comme les défenseurs de ces portions de territoires. Une espèce de chasse gardée où la simple déambulation prenait des allures de provocation, surtout lorsque d’escortes jeunes filles s’y trouvaient. Il n’était alors pas rare que semblable témérité se payât ar de bonnes raclées, bien dissuasives.

Ces quartiers périphériques avaient pour noms : Lataniers, Camp Ozoux, Butor et pour ce qui nous intéresse ici, le Bas de la rivière avec une zone sensible, celle de la « petite ile ».

Tout comme aujourd’hui, cet espace était délimité par les remparts de la partie haute de l’agglomération principale, qui longe l’actuelle rue lucien Gasparin, le boulevard Lacaussade d’une part, la mer, le Cap Bernard et le lieu dit « La Colline » d’autre part.

Dans le même temps le centre de St Denis s’étendait entre la rue Dauphine, le Barachois et le Pont du Butor. Les zones de Chateau Morange, de la Providence, du verger Duparc et de Champ Fleuri étaient bien distinctes du reste et faisaient figure de « banlieue »

A St Denis, le quartier du Bas de la Rivière est l’un des plus anciens et a connu de par ses origines plusieurs sortes d’activités tant artisanales qu’industrielles. Pendant très longtemps, elle rassembla nombres de bâtiments, fabriques ou ateliers dont les vestiges subsistent de nos jours

Le premier jardin public de la ville

C’est au bas de la Rivière, à l’emplacement de l’actuel collège Reydellet que se trouvait le premier jardin public de la ville. A l’origine, le terrain appartenait à la Compagnie des Indes. Puis, il devint propriété du roi en 1764, avant d’être concédé sous l’occupation anglaise à un certain Telfair, lequel obtint aussi une portion de terrain située entre le canal des moulins et la rue de la boulangerie. Avide de biens, il acquit aussi, le 12 Juillet 1812, la partie située entre ce canal et le rempart. L’endroit était pauvre et souvent, en période de pluies, le canal débordait et inondait les alentours. La prise d’eau l’alimentant se trouvait à la hauteur du quai Est et de la route Digue., là où il y a aujourd’hui un petit restaurant. Cette prise d’eau a été supprimée, il n’ y a pas longtemps, et lors du cyclone Jenny elle a déversé un volume important dans la rue de la République actuelle. L’ancienne digue, elle, n’a pas résisté aux coups de boutoir que plus tard la furie des eaux du cyclone Hyacinthe lui a assénés. Elle fut rompue et dût être reconstruite. Mais le petit étang qui à l’époque existait en amont a depuis définitivement disparu pour laisser la place à un mince filet d’eau, dans lequel il serait vain d’essayer d’aller pêcher, les « mombrins » comme les marmailles le faisaient autrefois.

L’escalier  » ti quat sous »

Concernant ce même Telfair, propriétaire, on l’a déjà vu, de la plus grande partie des terrains situés sur ce secteur il faut croire qu’il était un homme qui recherchait le profit à tout prix. C’est ainsi qu’il aurait l’idée de faire payer le passage sur son terrain à toute personne désireuse d’utiliser l »escalier qui se trouve en face de l’actuelle rue Pasteur, permettant d’accéder au haut de la ville. La redevance qu’il exigea  » p’tit quat sous » car à l’époque, on comptait en petits et gros sous. Celà peut paraître dérisoire aujourd’hui, aussi, il est bon de rappeler que le petit sou qui valait cinq centimes et le gros sou, dix centimes, représentait déjà un sacrifice pour beaucoup de ceux dont la journée de travail n’était rémunérée qu’à un franc.

Celà dura jusqu’en 1928, année où le gouvernement français, déniant à un sujet britannique le droit de disposer de terres à la Réunion, mis en demeure de déguerpir, l’ayant-droit de Telfair, lequel n’était autre que Gilbert Demolières, qui plus tard sera maire de Saint Denis. Cependant une transaction interviendra le 13 Mai 1830 et les deux terrains resteront propriétés de Démolières.

Au pied de ce même escalier « Ti quat sous » se trouvait la « boulangerie du roi » laquelle utilisait du blé préparé par ce qui était alors appelé « les étuves » et occupait l’emplacement qui deviendra en 1886 le grand bazar avant d’être actuellement une vitrine de notre artisanat local.
Enfin, sur une placette restaurée il n’y a pas si longtemps se dressait déjà la charmante petite fontaine appelée « fontaine Tortue » laquelle a donné son nom à ce petit bout de quartier, ainsi qu’à une rue voisine. Une fontaine qui offre la particularité d’ouvrir son bâti et sa vasque façonnés dans du métal.

Pendant toute cette période de nombreuses fabriques vont fleurir le long du canal des moulins.
Il y aura notamment des tanneries qui longtemps, et surtout pendant toute la durée de la guerre 1939-1945 fourniront aux cordonniers de toute la Réunion le couir indispensable pour la confection des chaussures.

Le quartier du Bas de la Rivière est composé de deux parties situés de part et d’autre du lit de cette même rivière. Pendant longtemps, en période de pluie le franchissement de ce cours d’eau sera un handicap qui va contrarier les riverains. En effet, le premier pont qui permettait de passer d’une rive à l’autre était en bois et reposait sur des fûts de canon de récupération. Sa solidité laissait beaucoup à désirer et il s’effondra plusieurs fois lors de crues importantes. Aussi, la construction d’un autre ouvrage beaucoup plus solide fut décidée. Ce nouveau pont, subsiste encore de nos jours sous sa forme originelle. Il fut inauguré en 1913 par le gouverneur Garbit dont il porte le nom. Rénové récemment, c’est un des plus anciens du genre restant en service à la Réunion. A ce propos, il est assez regrettable que la petite plaque en cuivre qui rappelle cet évènement soit très peu visible là où elle se trouve placée.

Au bas de la Rivière, il y aura aussi en une période plus proche de nous, là où l’établissement SOREG s’est installé, une fabrique de chocolat. Le fondateur de cette petite entreprise était un certain Frédéric Adam de Villiers lequel était aussi un passionné de l’aviation naissante. Il fût surnommé « fou fou » en raison de sa témérité qui l’amena plus d’une fois à atterrir brutalement et un peu partout alors qu’il pilotait un des appareils de sa fabrication, si petit qu’on l’avait appelé « le pou du ciel ». Puis cette fabrique devint propriété de Mr Paul Chatel. Il convient de dire que ce chocolat qui avait pour nom ‘Chocolat le Meilleur » a longtemps fait le délice des petits et des grands. Une entreprise qui employait une dizaine de personnes mais qui dût cesser son activité » face à la concurrence du chocolat importé après la guerre. Près de ce même endroit, sont encore visibles actuellement des restes de machines et de générateurs d’une très ancienne usine, Eux aussi témoignent de ce passé.

Maintenant que l’on est arrivé dans les années 1900, il faut également rendre hommage aux hommes qui ont voulu que Saint Denis sorte du fénoir, ceux-là qui ont pensé à éclairer la ville autrement qu’avec de l’huile de coco, puis du pétrole alimentant les réverbères supportés par les fameux « poteaux fanals »

C’est en 1921 qu’une première usine de fourniture d’électricité, celle de Monsieur Baron, verra le jour au Bas de la Rivière, à peu près au même endroit où de nos jours se trouvent des installations de l’EDF. Certes, le courant produit était quelque peu faiblard et à l’origine peu de particuliers se feront raccorder. Puis au fur et à mesure et après que le nouveau propriétaire, Monsieur Rambaud « en aura augmenté les capacités les abonnés à l’électricité seront de plus en plus nombreux. En 1933 cette usine améliorée produire trois fois plus d’électricité qu’à ses débuts.

La première piscine de la Réunion

Et puisque nous sommes dans le secteur, restons-y pour ajouter que ce même Monsieur Rambaud est aussi à l’origine de la construction de la première et pendant longtemps seule piscine de la Réunion. Là où se trouvent les cours de tennis du B.O.T.C-piscine inaugurée en 1932 par son créateur et en présence de Mgr Mondon et du gouverneur Repiquet.

Une piscine que seule fréquentait la « gentry » car bien évidemment elle était payante et il fallait des tenues de bain adéquates pour y être admis. Aussi le petit peuple ne s’en approchait que pour se rincer l’oeil devant le spectacle des charmantes naïades qui s’y jetaient. Montés sur les murs ou perchés dans les branches des badamiers voisins, leurs sifflements d’admiration, n’étaient absolument pas feints. Puis, eux se dirigeaient vers l’eau limpide du « Bassin la Vierge » tout proche pour à leur tour goûter à la fraîcheur d’une baignade dans une eau non tarifée. Bassin la Vierge ainsi appelée à cause de la petite statue de la Vierge Marie protégée par une petite niche qui le surplombe. Bassin où certains jours se réunissait tout un groupe de laveuses de profession qui venaient frotter là les ballots de linge sale qui leur étaient confiés par leurs « pratiques ».

Le premier stade de football

Mais il y avait aussi autre chose qui se passait en cet endroit : le sport roi de cette époque, le football. En effet, là se trouvait aussi le « Stade Roland Garros ». Le seul qui pendant longtemps servit de terrain de rencontre pour les équipes locales tant dyonisiennes que des autres quartiers lorsqu’elle avaient la chance d’arriver en finale. « La coupe » comme on l’appelait se disputait alors toujours au stade Roland Garros. Et il y en eût d’épiques. Pourtant là également, bon nombre de spectateurs n’avaient pas à débourser un seul sou pour y assister.
Il leur suffisait d’arriver à temps pour s’accrocher tout en haut de la falaise entourant le site assister aux matchs sans avoir à payer.

Pour les amoureux des vieilles pierres il est bon de signaler la maison qui fait le coin de la rue de la République et du Pont, une bâtisse construite en 1832, toute en pierres taillées. En cette même rue du Pont, un peu avant le magasin SOMECA on peut toujours voir un tronçon du fameux canal des moulins dont le débouché est aussi visible sur la rue des Moulins avant l’immeuble Fleurié.

Plus loin, sur le côté droit de la rue de la Boulangerie; d’autres vieilles constructions confirment, s’il en était besoin, que cet endroit fut bien le berceau des premières activités de la ville. L’une des pus connue, qui servit de magasin d’intendance militaire à l’armée lors de la dernière guerre, est occupé par des services annexes de la Banque de la Réunion.

Au bout de cette rue de la boulangerie et sur la fin de la rue des Moulins subsistent des restes de deux culées du pont de chemin de fer sur lequel le petit train franchissait la rivière. Témoins de ce temps, cachées sous les herbes, les deux autres se trouvent en face et de l’autre côté. Enfin pour terminer avec le petit train il convient d’ajouter qu’il se dirigeait en pente douce vers le tunnel en passant devant la caserne Lambert d’un côté et le vieux cimetière de l’autre. Cette caserne, la seule de la Réunion pendant très longtemps, fut construite en 1848. Vingt deux ans plus tard, elle sera baptisée du nom du général Lambert, héros de la bataille de Bazeilles, près de Sedan, en 1870. Bataille de Bazeilles qui est chaque année commémorée avec tout le faste militaire qu’elle mérite.

Puisque nous faisons de l’histoire, il faut aussi mentionner l’usine à engrais qui existait tout près du Cap Bernard. Une usine malodorante, certes ! Mais une installation qui fut bien utile pour transformer en produits agricoles une matière première qui était peu ragoûtante. Mais dans ce même périmètre il y avait aussi la distillerie du Cap Bernard où se fabriquait un rhum réputé, appelé « rhum soleil »

Pour poursuivre cette évocation du passé, remontons vers la plaine de la Redoute. En passant est à signaler le petit monument du souvenir qui se trouve place Verdun à la Petite Ile. A l’instar du monument au Morts érigé en haut de l’Avenue de la Victoire, ce mémorial renferme une parcelle de terre de France recueillie sur les champs de bataille de Douaumont lors des combats de Verdun durant la guerre 14/18.

La « Petite Ile » qui fut longtemps le fief des costauds et redoutés moringueurs dont les combats ont longtemps défrayé les conversations.

Une redoute au toit pyramidal

Surplombant cette place d la « Petite Ile », une forteresse carrée, une redoute au toit pyramidal est cachée dans les tamarins qui l’environnent. Construite en 1756 par Bouvet de Loziers elle était dotée à l’origine de pièces de canons et commandait tout un quartier allant du chemin pavé qui descendait de la montagne ainsi que l’accès à la ville de saint denis par le fond de la rivière. Ses fondations, en pierres de taille, ont à leur base une épaisseur de 2,50m et un mur d’enceinte haut de 5 mètres l’entoure.

C’est ce petit fort qui a donné son nom à la grande plaine qui s’étend jusqu’aux lacets de la route de la Montagne. Une redoute appelée aussi poudrière car la poudre pur les fusils et canons de la Caserne Lambert y fut entreposée. De même vers 1767, elle servit aussi de prison pour des militaires indisciplinés et beaucoup plus tard, en 1866, ce fut le tour de plusieurs lycéens en révolte contre un proviseur particulièrement sévère, Mr Drouhet, d’y être enfermés. Des lycéens qui tirèrent quelque gloire d’avoir passé quelques jours à l’intérieur de ce qui était alors un sinistre cachot.

L’invasion anglaise

Ce fortin connut son heure de gloire les 7 et 8 Juillet 1810, lorsque les troupes anglaises envahirent l’Ile Bourbon. C’est lui qui servit d’appui et de place forte aux 300 soldats réunionnais qui combattirent les Anglais, trois fois supérieurs en nombre. L’histoire de cette bataille est inscrite dans la pierre des deux mausolées qui aujourd’hui se font face sur le promontoire qui domine le quartier du Bas de la Rivière. Le premier fut élevé par les Anglais peu après la bataille et curieusement ne signale que le nom d’un officier tué au combat : John Graham Munro, 22 ans tout en rendant hommage aux autres sans en préciser le nombre. Ce premier mausolée a longtemps occupé le centre de la plaine de la Redoute. Lorsque en 1963, celle-ci prit le relais du stade Roland Garros en devenant stade officiellement homologué pour les rencontres de football, il fut enlevé pour être replacé un peu en contrebas de celui élevé à la mémoire des combattants réunionnais. Si l’on en croit certains historiens, ce mausolée aurait été construit beaucoup plus tard, en 1860, soit 50 années après les combats et ce sur l’initiative d’un des survivants qui s’appelait Delon. Ces mêmes sources précisent qu’il aurait fallu attendre pour qu’à l’instigation de l’historien Gilles Crestien une plaque de marbre rappelant le sacrifice de ces jeunes défenseurs de l’ile y soit apposée. Parmi eux, est à retenir le nom du jeune lieutenant Patu de Rosemont à peine âgé de 20 ans. En réalité, sur la plaque de marbre qui s’y trouve on peut lire : monument érigé en 1857 par Mr Hubert Delisle, gouverneur, Mr Edouard Manès, directeur de l’Intérieur et Mr Charles Desbassyns, président du Conseil Général. Ce mausolée est plus élancé que l’autre et domine le quartier. On y accède par une rampe en pente douce, coupée de plusieurs paliers qui, il est agréable de le souligner, est tenu constamment fleuri, ce qui en fait un charmant lieu de promenade et de méditation.

Mais cette plaine de la Redoute fut aussi et très longtemps le théâtre de courses de chevaux.

Une distraction que les dyonisiens vivaient chacun à sa manière. Il y avait ceux qui possédaient des chevaux et une réelle connaissance du sport hippique. Eux se tenaient sous les tribunes officielles couvertes qui se trouvaient exactement à l’emplacement de celles encore existantes. Mais il y avait aussi une autre catégorie qui campait sous les tamariniers des rampes de la Montagne toute proche et appréciaient surtout les courses de bourriques. Des malheureux animaux que l’on bâtonnait ferme lorsque très souvent ils ne voulaient pas courir. Des animaux qui s’échappaient parfois et qu’il fallait essayer de rattraper dans les fourrés épineux qui bordaient la piste de course, laquelle faisait alors tout le tour de La Redoute.

Ces jours de courses étaient les bienvenus pour toute une ribambelle de petits vendeurs de « pistaches », mangues carottes au piment, sucreries et bonbons de toutes sortes. Il faut signaler que certains vendaient aussi de l’eau. Une eau bien utile, car il n’existait aucune fontaine dans les environs et le piment des mangues mettaient les gosiers en feu.

Il faut maintenant parler de ce qui constitue le pôle le plus important du Bas de la Rivière : l’Eglise Notre Dame de la Délivrance.

En 1857, Mgr Maupoint, 2e évêque nommé à la Réunion rejoignait son siège épiscopal à Saint Denis. Il avait pris place sur un navire à voiles bien évidemment. Au cours de la traversée une affreuse tempête se leva et le bateau menaça de sombrer. Tous les passagers sont affolés, poussent des cris et hurlements déchirants. Le prélat se met en prières et de son coeur monte un appel au secours adressé à la Vierge Marie. Il lui demande d’intervenir pour que la vie de toutes ces personnes soit épargnée. Il promet de lui élever un sanctuaire si elle les délivre de la menace qui pèse sur eux.

La tempête se calme. Aussitôt débarqué Mgr Maupoint va tenir sa promesse. Le 8 Septembre 1858, Mr Florance, trésorier du conseil de fabrique, aujourd’hui on diriat de l’association paroissiale, fait l’acquisition de 2 terrains contigus appartenant aux époux Douyère et aux consorts Leroy. En ce même endroit où se trouve l’église actuelle, il fait construire ce uqi au début ne sera qu’une modeste chapelle, avec une seule allée centrale au bout de laquelle sera installée une statue de la Vierge.

33 ans plus tard en 1891, le père Berthomieu, curé de la paroisse décide d’agrandir cette chapelle et de la transformer en une grande et belle église. Les travaux commencèrent en 1893
et durèrent 5 ans.

Le 14 Avril 1898, Mgr Fabre consacrait ce qui est devenu depuis « l’Eglise de la Délivrance » Il convient de dire que la statue qui du haut de l’église veille sur tout le quartier est celle là même qui à l’origine se trouvait au fond de la nef de la chapelle primitive.

L’intérieur fut décoré par le Père Fulbert, un spécialiste de la peinture polychrome. Parmi les prêtres qui ont officié dans cette église, il est bon de rappeler celui qui est né à Saint Denis et deviendra par la suite vicaire général de Mgr Cléret de Langavant, Mgr Mondon. Lequel, bien que décédé à Paris est enterré sous le monument qui se trouve à gauche en dehors de l’église.
Est il besoin de rappeler que La Délivrance a sa fête le 24 Septembre ?

Autre point historique à rappeler : lorsque Galliéni séjourna à la Réunion, il occupa la maison qui se trouve juste à l’angle de la petite rue qui porte son nom et la place de l’église. Il était encore, alors, lieutenant d’infanterie de marine.

Le quartier du Bas de la Rivière aujourd’hui

L’histoire n’étant qu’un perpétuel recommencement aujourd’hui le quartier du Bas de la Rivière a renoué avec ses traditions. Des entreprises de transformation s’y sont de nouveau implantées. La plus ancienne fut la SOREG, société des eaux gazeuses de la Réunion, suivie de près par « les Brasseries de Bourbon » suffisamment connue avec sa bière « dodo » pour n »avoir pas besoin d’être présentée. Dans un autre registre, la SOAR, elle, fut longtemps le seul point d’approvisionnement en fourniture de soudage telle que l’oxygène et l’acétylène. Dans le domaine commercial, on y trouve aussi des établissements prestataires de services ayant pour nom, la SOMECA, la SIPR, Rank Xerox, la Caisse de Congés Payés des ouvriers du bâtiment ainsi que le siège central de l’organisme bancaire « l’Ecureuil » à l’architecture pour le moins curieuse.

Enfin, il convient d’ajouter que ce quartier est en pleine reconstruction et que son aspect moderne n’a plus rien à voir avec les « cours des miracles » que constituaient autrefois ses nombreux « calbanons » insalubres et d’une promiscuité insoutenable.

Une réhabilitation de l’Habitat qyui a commencé il y a bien longtemps avec la livraison des premiers logements de la SIDR

A la Petite Ile justement.

Sortie animée par Mr David Huet, historien, écrivain

jaya, engagée indienne est arrivée…

Jaya, Engagée indienne est arrivée après mille péripéties…

Hebergeur d'image

La BD sera en vente dans les ruelles derrière la Cathédrale pendant les 4 jours du festival de la BD de jeudi 1er/12 à dimanche 4/12 tous les après-midi de 14 h jusqu’à 20 h (voire 23 h samedi).

Darshan FERNANDO le dessinateur de Jaya et Sabine THIREL sommes seront sur place pour dédicacer leur ouvrage.

PL

« NAUFRAGE AU CŒUR DE LA VILLE »…de ST DENIS

En pleine ville de Saint-Denis, échouée sur une hauteur, une belle nef se déglingue, se démantibule, s’apprête à partir sur le côté de tantôt (1)… Le beau bâtiment d’autrefois gît dans un espace envahi de verdure ; sur sa poupe et sur ses flancs sa peinture, beige et ocre du temps de sa splendeur, grisaille et s’effrite…La superstructure toute envahie de carias a déjà été abattue…La carcasse, elle-même, ne tient plus que grâce à de puissants étais de bois fixés à l’intérieur comme à l’extérieur… L’effondrement est pour bientôt !….Cette ruine, c’est tout ce qui subsiste aujourd’hui de la Chapelle Saint-Thomas des Indiens, à l’angle de la rue Monseigneur de Beaumont et de la rue Montreuil.

Hebergeur d'image

Jadis pourtant son intérêt architectural et historique était tel que l’on a trouvé bon, dès octobre 1998, de l’inscrire à l’Inventaire supplémentaire des Monuments historiques. Dans une notice de présentation l’A.B.F. D’Oriola ne mentionnait-il pas, après avoir décrit le bâtiment, que « Saint-Thomas des Indiens est un petit édifice qui participe pleinement à la structure urbaine de la ville ancienne de Saint-Denis » ?

Cela pouvait laisser supposer que les services de l’Architecture et l’Architecte des Bâtiments de France, Jonquères d’Oriola allaient faire en sorte que le site et le bâtiment soient protégés et qu’une restauration en bonne et due forme, en partie financée par l’état, soit mise en œuvre. Or que c’est-il passé depuis douze ans ? Bien peu de choses … Certes chaque nouvelle journée du patrimoine était l’occasion d’un branle-bas médiatique : on s’intéressait alors au bâtiment et à son histoire, on déplorait vivement que rien ne fût fait, on laissait espérer une action rapide et déterminée et, une fois la journée du patrimoine passée, le soufflé retombait, l’inertie reprenait le dessus, l’oubli se faisait encore plus pesant qu’auparavant.

Hebergeur d'image

Pour quelle raison laisse t-on ce bâtiment tomber en ruines ?

L’Etat a-t-il d’autres priorités ? Sans doute ! Ainsi, pour la Cathédrale et pour l’église de la Délivrance des travaux de restauration ont été réalisés ou sont en cours. Mais il est vrai qu’elles appartiennent à l’Etat pour la première et à la Commune de Saint-Denis pour l’autre, alors que Saint-Thomas n’est que propriété du Diocèse.

Est-ce uniquement une question d’argent ? Si tel était le cas, ne peut-on imaginer faire appel à d’autres contributeurs ? Car l’intérêt du projet dépasse assurément celui du seul Diocèse.

Quel projet pour Saint-Thomas ?

Peut-être n’y a-t-il pas de projet convaincant pour l’utilisation future de la chapelle? Il nous semble pourtant qu’un projet très intéressant avait vu le jour et que la chapelle après avoir été au départ conçue comme outil pour la conversion des Indiens, pouvait en ce XXIème siècle répondre à d’autres aspirations : souvent les gens qui viennent de l’extérieur s’émerveillent de la tolérance qui caractérise la société réunionnaise, ne tarissent pas d’éloges quant à la bonne entente qui règne entre nous. (Mais au fait cette tolérance ne serait-elle pas trop souvent ignorance de ce qu’est l’autre et de ses valeurs ? Ne serait-ce pas une sorte d’indifférence qui a pris le relais du mépris voire de la répression d’autrefois ?) Cette bonne entente ne devrait-elle pas plutôt reposer sur une meilleure connaissance de l’autre ? Ne devrions nous pas engager le dialogue et l’échange pour plus de compréhension mutuelle en nous débarrassant de tout prosélytisme ?

Saint-Thomas pourrait dans ce cas devenir un centre de recherche, de réflexion et de dialogue, à l’instar de ce que fait le Groupe de dialogue inter-religieux de La Réunion, en élargissant toutefois les perspectives à l’histoire, à la sociologie, à la philosophie.

Histoire de la Mission indienne et de la chapelle Saint-Thomas (2)

- 1852 Une mission des Indiens est créée sur l’impulsion de Mgr Desprez, premier évêque de Saint-Denis et le soutien financier de l’Association pour la Propagation de la Foi.

- 1855 La mission démarre réellement avec le père Laroche, jésuite parlant le tamoul. Son action durera jusqu’à son décès en 1868.

- 1860 : acquisition du terrain appartenant à la famille Vergoz

- 1860 à 1865 : construction de la chapelle Saint-Thomas des Indiens suivant les plans de Louis François Schneider.

- La mission ne rencontre pas le succès escompté : peu de baptêmes, peu de conversions. Devant l’immensité de la tâche la mission finit par se limiter aux seuls Indiens christianisés, originaires des districts catholiques de l’Inde.

- L’aide financière de L’association pour la Propagation de la Foi sera effective de 1852 à 1899.

- Jusqu’en 1900 un instituteur était encore chargé à Saint-Thomas de l’instruction d’une quarantaine de jeunes Indiens.

- En1952-1953 : La presse réunionnaise signalait que la messe y était encore célébrée le dimanche en langue tamoule.

- 1951 L’installation des sœurs de l’ordre des Réparatrices (qui ont en outre des activités comme le catéchisme et la soupe populaire) donne un nouvel élan à Saint-Thomas.

- 1970, Au départ des Sœurs la chapelle est désaffectée et servira épisodiquement comme salle de sports pour le Collège Saint-Michel ou pour des expositions temporaires.

Hindouisme et catholicisme à La Réunion

Origine géographique de la population « Tamoule » de la Réunion.

La présence d’Indiens à La Réunion remonte aux premiers temps de la colonisation (Qu’on se souvienne entre autres des 13 Indo-portugaises de Goa qui firent souche à La Réunion), mais c’est après l’abolition de l’esclavage en 1848 qu’il a été fait massivement appel à des engagés, en particulier Indiens. Alors qu’en 1848 il n’y avait que 3440 Indiens recensés sur 110.000 habitants, leur nombre atteignait en 1858 plus de 36.500 sur 167.000 habitants.

C’est dans ce contexte que s’inscrit la Mission des Indiens : il s’agit de convertir les Indiens; ce n’est pas chose aisée pour de multiples raisons (dispersion des engagés sur les plantations ; un seul prêtre parlant tamoul, et surtout les Indiens n’avaient pas du tout envie de se convertir : en 1900 Mgr Fabre estime en effet que sur « 45.000 infidèles, 40.000 sont Indiens ». Claude Prudhomme (3) explique ainsi l’attachement des Indiens à leur religion : « la religion devenait pour les engagés le dernier lien avec le pays et les ancêtres et l’ultime moyen de préserver et d’affirmer leur identité ».

Le XIXème siècle consacre l’échec de la politique de conversion. Tout change à partir de 1887 lorsqu’une dépêche ministérielle impose l’application du décret de 1881 par lequel les enfants des immigrants nés dans la colonie ou qu’ils avaient amenés avec eux, reçoivent la nationalité française ; de là découlent la possibilité de travailler hors des plantations, de devenir éventuellement propriétaires. Beaucoup d’Indiens « adoptent, nous dit Cl. Prudhomme, la langue, les vêtements et les mœurs créoles » et le nombre de baptêmes augmente considérablement (4) La demande de baptême correspond assurément à une volonté de s’intégrer encore davantage à la société réunionnaise… « L’intégration n’entraîne pas cependant rupture avec la religion indienne dont de nombreux éléments sont transportés dans le catholicisme »…Mais ceci est une autre histoire !

(1) Expression créole qui signifie « mourir »

(2) Pour les caractéristiques architecturales de la chapelle Saint-Thomas : Cf. « Monuments historiques – Saint-Denis de la Réunion » ; notices de B. Leveneur ; impression Graphica ; sept.2005.

(3) « Histoire religieuse de La Réunion » de Claude Prudhomme paru en 1984 aux Editions Karthala.

(4)Alors que le XIXème siècle consacre l’échec de la politique de conversion des Indiens, les deux premières décennies du XXème verront «l’adhésion » de ceux-ci au catholicisme.

(5)La chapelle porte le nom de Saint-Thomas, l’un des douze apôtres qui aurait converti les populations indiennes du Kérala au 1er siècle de notre ère.

Article issu du site dpr974.worldpress.com avec leur aimable autorisation

les KERVEGUEN, une grande famille esclavagiste du sud

Compte rendu de la sortie culturelle des « Amis de l’histoire » du 25/06/2011

animée par l’historien-guide, écrivain Enis ROCKEL sur : « la famille KERVEGUEN,

une grande famille esclavagiste du SUD »

Hebergeur d'image
Enis ROCKEL, historien et guide conférencier avec le groupe

Cette rencontre s’est située dans la salle du conseil municipal de ST PIERRE où les frères KERVEGUEN se sont livrés à des débats fratricides, ainsi que dans l’estuaire de la rivière d’Abord, terrain de jeu dans la prime enfance de Gabriel Kerveguen.

< »Hebergeur d'image

Estuaire de la rivière d’abord : terrain de jeu de Gabriel K/veguen

Elle donna lieu à une vidéo conférence captivante. Lire la suite de cette entrée »

l’activité maritime réunionnaise du XVIIe au XIXe siècle

L’activité maritime réunionnaise du XVIIe au XIXe siècle
par Olivier FONTAINE

Hebergeur d'image

C’est en 1738 que Mahé de la Bourdonnais a transféré en 1738 la capitale de l’île de St Paul à St Denis. Les entrepôts de café allaient de la préfecture à l’actuel siège d’Air France.

Au niveau de St Paul, l’urbanisation a depuis détruit tout ce qui existait en front de mer-autrefois dévolu à la défense et à l’activité maritime.

Lire la suite de cette entrée »

le « chateau morange  » sur la sellette

Une lourde réhabilitation du « Chateau Morange » vient d’être entreprise par la Mairie de St Denis afin de la « remettre au coeur du quartier » et de lui redonner « sa vocation d’équipement culturel »

Un peu d’histoire

De style néo-classique, comme le Musée Léon Dierx, Le Château Morange a été construit par Jean Baptiste Prosper Morange au milieu du XIXe siècle. Au départ le terrain était de 15 ha en périphérie de la ville. Au fur et à mesure des successions, il est tombé à 7 ha.

Constitué de plusieurs corps avec portique à colonnade formant varangue, les bâtiments sont en lave, brique, enduit et moellon devant, en bois derrière avec couverture métallique.

Entre 1926 et 1929, il a servi de résidence forcée au raïs marocain Ab Del Krim, lors de son exil réunionnais par les aurorités françaises lors de la guerre du Rif.

Devenu MJC après son achat part la ville à la famille Nas de Tourris en 1966, ce site a accueilli de nombreuses représentations cinématographiques, des festivals, des rencontres sportives (Hand et basket notamment)

Il héberge de nombreuses associations et propose des
animations culturelles et sportives.

Le projet de rénovation prévoit d’agrandir les salles de chant, danse ainsi que la salle de spectacle qui passerait de 106 à 118 sièges, de créer une salle d’arts plastiques et une salle et un studio de musique.

PL

Aimée Pignolet de Fresnes, une religieuse de coeur et de talent

C’est au XIXe siècle que naquit une femme réunionnaise de coeur : Aimée Pignolet de Fresnes devenue « Soeur Marie Madeleine de la Croix »

Upload image

Aimée Pignolet de Fresnes dite Marie Madeleine de la Croix

Née le 2/06/1810 à St André dans une famille aisée. Elevée seule, gâtée successivement par deux de ses oncles, elle fait preuve dès son enfance et malgré ses origines nobles

d’une grande piété , tapissant sa chambre de photos de la Vierge.

Parallèlement, elle témoigne déjà d’une grande générosité : offrant par exemple une vache à l’abbé pour aider au financement de l’Eglise de St André.

Introduite dans le milieu mondain par sa tante, sur la « plantation de Niagara », si elle préfère la lecture, elle apprécie pourtant danses et fêtes. Courtisée, elle en devient même coquette.

Dès son plus jeune âge, elle fait preuve d’une grande compassion face aux souffrances du monde. Proche des pauvres, des vieillards, des infirmes, elle n’en délaisse pas pour autant les nouveaux affranchis… Forte de caractère et d’une grande indépendance d’esprit, elle ne craint pa de braver les tabous sociaux de l’époque embrassant par exemple en public sa servante esclave pour lui témoigner son affection.

Upload image

Pourtant sa santé est défaillante. Dès 20 ans, elle ressent des migraines, démangeaisons, palpitations, suffocations… Elle suit d’ailleurs un régime alimentaire strict qu’elle vit comme une épreuve de purification.

Quelques années plus tard, elle rompt totalement avec les mondanités.

Suite à la saisie de la plantation de son oncle pour cause de mauvaises récoltes, elle part toujours sur la région st andréenne, chez un autre oncle à « la plantation du désert ». Elle soutient moralement son père et vit le décès douloureux d’une nièce. Son état de santé se dégrade, et elle souffre d’une grave maladie de peau.

Upload image

maquette de la « plantation du désert »

couvent de la Providence

En 1835, elle rencontre le père LEVAVASSEUR à Hell Bourg.

Toujours basée sur « la plantation du désert », elle transforme salon et chambre en oratoire. Elle y chante des cantiques en compagnie de sa famille mais aussi des esclaves. D’ailleurs, elle accueille les pauvres du quartier sur l’ »hôpital de la plantation, leur offrant un abri et une bonne paillasse pour la nuit. Elle soigne avec tendresse et compassion sa tante puis son père, visite des malades chez eux..

Frédéric LEVAVASSEUR, ordoné prêtre en 1842 devient son guide spirituel.

Déjà, elle nourrit un certain nombre de rêves et souhaits qu’elle va tenter de mettre en oeuvre tout au long de sa vie :

1) construire une grande maison, qui sera un refuge pour les exclus de la société,(infirmes, lépreux, aveugles) et celà au tournant de l’abolition de l’esclavage où les besoins seront immenses.

2) créer une congrégation ouverte aux esclaves affranchis.

C’est le site de La Rivière des Pluies qui va être choisi sur un terrain offert par Charles Desbassayns. Sur ce terrain va être financé un premier couvent par les familles blanches, couvent qui sera construit le Dimanche par les esclaves volontaires.

En Mai 1849, elle quitte « le désert » et s’installe avec 12 jeunes filles au couvent de la Rivière des Pluies (presqu’en face de l’Eglise), prononçant ses voeux le 19/05/1849 et devenant Soeur Marie Madeleine de la

Croix. Cette communauté sans existence légale verra l’opposition des Soeurs de St Joseph de Cluny …Pourtant, elle obtient tout de même une autorisation provisoire en 1852

Upload image
maquette couvent de la Rivière des Pluies

Debout à 4H 30 du matin, sa journée ne se termine que vers 20H 30.

-Elle recueille les enfants pauvres et apporte de l’instruction auxx orphelins et jeunes affranchis.

Upload image

-Elle visite les malades et apporte son assistance aux personnes âgées et infirmes.

Après 10 ans de mission à la Rivière des Pluies, elle ouvre le 8/09/1859, le couvent, beaucoup plus grand de la Providence.

- Elle y installe un orphelinat et un hôpital destiné aux vieillards et infirmes

- Elle y organise une école professionnelle pour les jeunes affranchis

- Dès 1870, elle y rajoute une maison de retraîte pour les soeurs âgées et malades.

Sa fin de vie :

-en 1861, elle assiste sa mère malade jusqu’à sa mort.

- en Avril 1868, elle perd sa soeur qui était sa confidente et son soutien

- en 1870, elle est réélue Supérieure Générale de la Congrégation

- en 1882, Mort du père LEVAVASSEUR

- en 1888 sa santé s’aggrave. Elle attrape le paludisme

- en 1889, elle décède à l’âge de 79 ans. Elle repose aujourd’hui dans le cloître. Près de sa tombe a jailli une source « miraculeuse » qui guérirait en particulier les maladies de la peau…

Patrice LOUAISEL

le cimetière marin de St Paul

LE CIMETIERE MARIN DE ST PAUL

Upload image
vraie ou fausse tombe de la Buse ?*

Grande Fontaine, Le Tour des Roches, le Bout de l’Etang, Sans-Souci, Monplaisir, le Bernica, la Caverne, Rocquefeuil, Bruniquel, Petite France… il y a à travers la commune de St Paul des lieux qui présentent non seulement une incontestable beauté esthétique, mais sur lesquels souffle aussi « l’Esprit ». Parmi eux, le cimetière de la Caverne, plus connu sous le nom de cimetière marin est peut être le lieu le plus saisissant car il combine simplicité et noblesse dans son architecture générale, passé et présent dans son contenu. Il est le témoin le mieux visible de cette situation très particulière qu’occupe la commune de St Paul dans l’ensemble réunionnais.
Saint Paul est encore la plus vaste commue du département mais c’est surtout ici qu’a commencé l’histoire plus que tricentenaire de la Réunion. Pendant près d’un siècle, St Paul a été le point d’arrivée, la base de mise en valeur, la seule vraie capitale de l’île Bourbon. Tout celà, on peut le mesurer en visitant le cimetière marin. Fichées en plein coeur de la « baie du meilleur ancrage », séparées de l’océan par de vieilles pierres passées à la chaux, surmontées de fleurs aux couleurs éclatantes, les tombes d’anciens colons de bourbon côtoient celles de forbans, de grands propriétaires terriens, d’engagés indiens, de commerçants chinois, de poëtes, d’humbles inconnus, de marins au long cours, d’hommes politiques… tous dormant là par les hasards de la vie, par le hasard des années ou des travées, sans aucune
 » géométrie » préconcue. C’est une image, oh combien symbolique de la Réunion.

A l’entrée du XVIIIe siècle, le quartier de Saint Paul compte environ un millier d’habitants répartis sur 37 000 hectares allant du Boucan de Laleu à la Possession du Roy comprise. Il doit faire face en 1729 à une terrible épidémie de vérette, la variole saturant rapidement l’unique cimetière situé prés de l’église paroissiale. Il fallut alors enterrer en quelques semaines des dizaines de morts dans un cimetière provisoire aménagé en bord de mer. Mais c’est seulement à la fin de la période de prospérité liée à la culture du café – la population dépassait 7 000 personnes- qu’on envisage le transfert de l’ancien cimetière. Un nouveau lieu de sépulture est ouvert en 1788 sur les pas géométriques, à l’extrémité Sud de la ville, en face de la « Grande Caverne », un peu avant le Cap de la Marianne, qu’on appelait en ce temps-là la Pointe de Bourgogne.

Upload image
une ancienne tombe

D’une superficie d’un hectare et 44 ares, le cimetière de la Caverne a failli avoir une destinée bien peu civique, comme on le constate en parcourant les registres de délibérations du Conseil Supérieur de Bourbon. Pendant la séance du 7 Avril 1788 sous la présidence du commandant de l’île, Charpentier de Cossigny, le Conseil Supérieur doit répondre à une pétition de quelques habitants de St Paul demandant que le nouveau cimetière soit réservé uniquement aux blancs et l’ancien, à côté de l’église paroissiale pouvant servir à l’usage des noirs décédés. La réponse du Conseil fut cinglante : « Cette distinction nous parait tout à fait révoltante, comme si nous n’étions pas tous égaux et que la poussière de l’homme blanc et de l’homme noir ne serait pas la même. C’est vouloir étendre les prérogatives de l’orgueil au-delà même du tombeau »

 

Cette mauvaise polémique réglée et malgré le transfert du cimetière sur le bord de mer, on conservera encore longtemps une coutume locale qui consistait une fois la messe des morts terminée en l’église paroissiale, à déposer les cercueils des défunts sur une énorme roche plate se trouvant sur le côté droit de l’église, pour une ultime prière et puis on prenait « le chemin des morts », le sentier menant au cimetière. La roche disparait après le décès de Jean Antoine Davelu, prêtre lazariste. Le père Davelu, curé de St Paul, de 1767 à 1815, avait souhaité être enterré sous cette pierre pour continuer à accompagner ses fidèles dans l’au-delà. Son souhait sera exhaucé, mais la vieille roche remplacée par un monument funéraire, justement en forme de table, qui assurera l’usage coutumier jusqu’au début du XXe siècle.

Avec les années, certaines tombes du cimetière marin sont devenues complètement anonymes ou alors des inscriptions bien mystérieuses, telles celles-ci :  » Vernant, bourreau le 16 Février 1822″ ; D’autres sont sujettes à interrogations, telle la tombe du pirate  » La Buse ». Olivier Levasseur, dit « La Buse » est certes bien mort pendu sur la place de l’église paroissiale de St Paul, mais sa pendaison remonte au 7 Juillet 1730, cinquante huit ans avant la création du cimetière…
Upload image

Et puis, à l’époque on inhumait pas en terre chrétienne des bandits de grand chemin.

C’est aussi au cimetière marin que s’est terminé le bref passage à Bourbon, d’Eraste Feuillet, mort « victime de sa générosité ». Ce capitaine de marine marchande, natif de Saint Malo, âgé de 28 ans, arrive à St Paul, via le Cap de Bonne Espérance en Février 1830. Le temps de l’escale, il prend pension à l’hôtel de Lassays sur le front de mer, en face du débarcadère principal. Comme c’est partout le cas à l’époque, l’hôtel ne possédait ni électricité, ni eau courante, ni salle de bain, la toilette se faisait dans les chambres à l’aide d’une cuvette et la coutume voulait que les clients balancent par la fenêtre les eaux usées.
C’est ce que pratique notre marin lorsque besoin se fait sentir. Malheureusement le 16 Février 1830, le liquide crasseux tombe sur la tête d’un passant irascible qui provoque le capitaine en duel. Pendant l’affrontement qui a lieu le lendemain sur la grève, l’arme du saint paulois s’étant enrayée. Feuillet lui propose un de ses pistolets avec lequel il sera tué. Parti de St Malo le capitaine Feuillet repose depuis le 18 Février au cimetière marin, sur sa tombe est gravée l’épitaphe suivante : « victime de sa générosité, l’arme qui devait le défendre lui donna la mort ».
Au milieu du XIXe siècle, c’est le poëte Eugène Dayot qui rejoint le cimetière marin. Joachim Laurent Dayot dit « Eugène Dayot » est né lui à St Paul où il passe son enfance puis son adolescence, fréquentant les cours du célèbre collège privé Raffray dans lequel il acquiert le goût des Belles Lettres. Les études terminées, il entre en 1828 dans l’administration des Ponts et Chaussées et fait alors un séjour de deux ans à Madagascar en y contractant une terrible maladie : la lèpre. Elle explique probablement qu’en parallèle à ses activités dans l’administration, Dayot se soit lancé dans la poësie et le journalisme. En 1839, il fonde à St Paul son propre journal « Le Créole » qui fera faillite pour cause de propagation d’idéaux abolitionnistes et de campagne contre la peine de mort. Après la déroute du « Créole », il reste dans la presse comme feuilletoniste au « Courrier de St Paul », puis au « Bien public » dont il sera rédacteur jusqu’à ce que la lèpre l’emporte en 1852, dramatiquement mutilé et en train d’écrire un roman historique « Bourbon pittoresque »
En 1890 et 1891, le cimetière marin accueille 2 éminentes personnalités de la vie politique et culturelle de St Paul. Jean Milhet Fontarabie et Gilles François Crestien. Jean Milhet Fontarabie est né en Dordogne en Novembre 1828, médecin de formation, il a exercé quelques années à Madagascar, en particulier à la cour de la reine Ramanavaloa 1e. Installé à St Paul, devenu maire en 1872, puis Conseiller Général, il parvint à persuader le Directeur de l’Intérieur de l’époque, Monsieur Laugier, de l’intérêt d’une voie de circulation terrestre entre La Possession et St Denis au pied de la falaise. Une expérience tentée au début de 1873 se révélant positive, les travaux officiels de construction d’une route, ou plutôt d’une piste sont entrepris et achevés cette même année. Le maire-conseiller peut ainsi en Septembre 1873 se rendre à cheval de St Paul à St Denis en passant par le littoral, faisant une entrée très remarquée au siège du Conseil Général. Milhet Fontarabie laissera à sa commune d’autres routes et plusieurs fontaines publiques, mais à partir de Juillet 1882, on le verra de moins en moins, car il réussit le tour de force de se faire élire sénateur de la Réunion malgré la candidature à cette prestigieuse fonction du poëte Leconte de Lisle. Il siègera au palais du Luxembourg jusqu’à sa mort, le 13 Juin 1890, et sera enterré selon ses dernières volontés au cimetière marin de St Paul.

Gilles François Crestien a vu le jour le 15 Septembre 1828 dans une vieille famille de St Paul. Devenu à son tour notaire et notable dans sa ville natale, il effectue, en 1862, un voyage en Europe. Il découvre alors à Rome, les vertus du télégraphe électronique; Revenu dans son office notarial, il monte le projet d’équiper la côte Ouest de la Réunion avec ce fabuleux outil de communication. C’était d’autant plus utile qu’on mettait alors au moins 3 jours pour se rendre en diligence de St Denis à St Pierre. Des pesanteurs administratives et des rivalités au Conseil Général paralysant son initiative, Crestien en arrive à la solution de créer en 1869 sa propre entreprise : « la Société Anonyme du Télégraphe de la Réunion », au capital de 60000 francs, forte de 212
actionnaires et dont il assure la présidence. La Société du Télégraphe finit par obtenir les autorisations nécessaires, installe des poteaux, des fils, fait venir des appareils d’Allemagne. En Juillet 1870, la première communication électrique est établie entre St Paul, La Possession et St Denis. Le réseau de la société s’étendra à tout le tour de l’île au moment du décès de Gilles Crestien, le 12 Août 1891. Son entreprise continuera à fonctionner jusqu’en 1907, date à laquelle elle sera absorbée par le service public des Postes et Téléphones.

Le cimetière marin porte aussi témoignage de drames de la mer, comme le naufrage du navire « le Ker Anna » en Décembre 1894. Le Ker Anna était un solide voilier trois mâts français, construit à St Nazaire, commandé par Aubain Delahaye, capitaine au long cours, aidé par quinze hommes, tous marins expérimentés, enrôlés dans les ports bretons. Le bateau avait été affrété en 1894 par un armateur nantais pour amener aux Comores et à la Réunion du charbon, des madriers, de l’essence, du goudron, des bougies, du vin, des boites de conserves, du lard, de la farine, de la poudre, des tapisseries et 2 cochons vivants qui sont d’ailleurs sortis indemnes du naufrage puisqu’ils ont été vendus, vifs, aux enchères en même temps que les marchandises récupérées. Le Ker Anna arrive en rade de St Denis le 7 Décembre 1894. Le jour même le Capitaine Delahaye descend à terre pour accomplir les formalités douanières et préparer le déchargement des marchandises. Dès le lendemain le temps s’aggrave sur la Réunion en raison de l’approche d’un gros cyclone tropical. Si bien que le 8 décembre à 3H 30 de l’après midi, le second du Ker Anna reçoit du lieutenant du port l’ordre de s’éloigner de la côte.

Dans la nuit opaque, emporté par une mer déchainée et de violents courants, le Ker Anna se retrouve à 4 heures du matin en fce de la Pointe des Aigrettes. Là il heurte un récif, cassant l’arrière du navire qui coule en quelques instants. Dans la journée du 9 décembre 1894 la mer rejette entre le Cap La Houssaye et la Pointe de Aigrettes de nombreux débris, ainsi que les corps de cinq matelots bretons noyés au large de St Gilles. Ils reposent depuis, à l’intérieur d’un carré spécialement aménagé dans la partie Nord-Ouest du cimetière.

Le personnage le plus célèbre du cimetière est sans conteste le poëte Leconte de Lisle installé en place d’honneur sur l’allée centrale, tout près de sa cousine Elixène Delanux qui lui aurait inspiré un de ses plus beaux poêmes : « Le Manchy »

Upload image
tombe de Leconte de L’Isle au cimetière marin

Charles Marie René Leconte de Lisle est né le 22 Octobre 1818 à l’entrée de la rue St Louis, en pleine ville de St Paul dans une maison en bois à étage qu’avait acheté son père, ex-chirurgien major des armées napoléoniennes, arrivé à la Réunion en 1816. Le fondateur de l’école poëtique du Parnasse, titulaire de l’Académie Française à partir de 1883, officier de la Légion d’honneur en 1886 n’a passé qu’une dizaine d’années à St Paul et à St Gilles les Hauts où sa famille possédait une maison de vacances mais des années qui l’ont beaucoup marqué. On retrouve les souvenirs de jeunesse dans de nombreux poëmes : « le Bernica », la « Ravine St Gilles », Midi », « Si l’Aurore…et m^me le souhait d’n repos éternel sur la grève de St Paul « dans le sable stérile où dorment tous les miens, que ne puis-je finir le songe de ma vie ! » Décédé à Louveciennes près de Paris le 17 Juillet 1894, Leconte de Lisle est d’abord inhumé au cimetière Montparnasse, son voeu sera quand même réalisé, en Septembre 1977, avec le retour au pays natal des restes mortels du poëte et une réinhumation au cimetière marin de St Paul

A quelques pas de Leconte de Lisle, en bordure de l’allée centrale, repose Paul Julius Bénard, pharmacien de profession et maire de St Paul. Paul Bénard a eu, partir de Mars 1965 la lourde tâche de conduire une commune qui après un siècle de léthargie se réveille brusquement sous l’effet de la départementalisation, de l’ouverture de la route en corniche et du tourisme naissant. Il est à l’origine d’une transformation profonde du paysage saint-paulois avec la réhabilitation du front de mer de la ville, du marché couvert, la construction de la gare routière de la Chaussée Royale, d’écoles, de collèges, de lycées, de gymnases, de piscines, d’un stade olympique, d’une médiathèque et d’un parc de loisirs, d’un port de pêche et de plaisance à Saint Gilles…Régulièrement réélu, Paul Bénard assurera quatre mandats de maire, deviendra sénateur de la Réunion en 1981, en pleine « vague rose » et c’est un décès brutal en 1987 qui seul mettra fin à ses fonctions.

Dans l’allée latérale parallèle à la route nationale, un imposant caveau tout blanc, en forme d’obélisque est depuis 1997 la demeure de Jacques Lougnon, le « vieux tangue de la petite france ». Descendant des familles K/anval et Lougnon fondatrices du hameau de Petite France par la route du Maïdo. Jacques Lougnon est né le 29 Octobre 1920 a été tour à tour professeur au Lycée Leconte de Lisle, paysan, historien et surtout ardent défenseur du patrimoine de St Paul, particulièrement des hauts de la commune. On lui doit quantité de chroniques, d’articles de presse dénonçant les destructions de l’héritage de nos ancêtres, pourfendant les administrations de toutes sortes. Il était aussi bâtisseur, construisant lui-même des maisons, des pistes, des radiers, des églises, des clochers. Lorsqu’il est mort le 11 Novembre 1997 dans un accident de la route, c’est tout naturellement qu’il a rejoint l’espace d’Eugène Dayot et de Leconte de Lisle.

A la fin du XXe siècle, Jacques Lougnon est le dernier « illustre saint-paulois » inhumé au cimetière marin. En fait dès la deuxième moitié du XIXe siècle, , après la période de prospérité permise par le développement de la canne à sucre, il était à son tour devenu trop petit. La municipalité envisage alors de l’agrandir, mais se heurte au refus des familles Aubry et Ferrer de vendre leurs terrains attenants et surtout au veto du ministère de la marine qui ne veut pas céder la parcelle nord-ouest sur laquelle se trouvait autrefois une batterie de défense cotière. La situation étant bloquée, le conseil municipal décide d’ouvrir en 1864 un nouveau cimetière cette fois au nord de la ville sur un terrain vague dans le quartier de l’Etang. D’autres lieux de sépulture suivront à la fin du XIXe et au début du XXe : Saint Gilles, Le Guillaume, Saline, Bois de Nèfles … A partir de ce moment les concessions libres au cimetière marin seront réservées aux habitants du centre ville, du quartier de la Caverne, aux familles souhaitant renouveler une concession et à quelques défunts d’exception comme Leconte de Lisle ou encore le père Guillaume, breton d’origine qui fut curé& de St Gilles les bains de 1976 à 1986 puis curé de la paroisse de St Paul de 1986 à 2002

Le temps passant, le cimetière marin avait fini dans les années 1970 par se retoruver dans un état lamentable d’abandon, d’autant que plusieurs catastrophes naturelles ont accéléré son délébrement : raz de marée lié à l’éruption du volcan Perbuatan sur l’île de Krakatoa le 27 Aout 1983 qui emporta bon nombre de tombes et cercueils loin au large dans la baie de St Paul, cyclone de 1932, de 1948, cyclone Jenny de 1962… Aussi nous nous devons de signaler que la sauvegarde et l’aménagement actuel sont l’oeuvre de Jean Marie Lacouture, à l’époque président du syndicat d’initiative de St Paul et de Jean Louisin, responsable des cimetières de la commune, puis Marc Acaste. Avec leurs équipes, ils ont veillé pendant plus de 20 ans à la réhabilitation et à l’entretien de ce lieu incontournable de la mémoire réunionnaise. Qu’ils en soient ici vivement remerciés.

Bernard MAREK
Juillet 2005

*la pierre tombale de la tombe de La Buse aurait une inscription faite par un colon en hommage à une esclave affranchie qui aurait peut être été enterrée là. (selon Bernard MAREK)

[color=green] A l’heure où nous diffusons ces lignes, Bernard Marek, vient de mourir d’une crise cardiaque. Historien d’une grande culture , sagesse et simplicité, c’est notre dernier hommage que les « Amis de l’Histoire » sont heureux d’effectuer à son endroit. Toutes nos condoléances attristées à sa famille[/color]

domaine Panon -Desbassayns : lieu de rencontres inter-culturelles

[color=green]Trois ans avant l’abolition de l’esclavage, à St Gilles le 20 Juin 1845,
Mme Desbassayns rédige son dernier testament à l’âge de 90 ans. Ce document nos donne à voir une description des esclaves attachés à la propriété de St Gilles les Hauts. Aujourd’hui devenu le musée historique de Villèle et le métissage qui en résulte.[/color]

Henri Paulin Panon-Desbassayns et son épouse Marie Anne Thérèse, Ombline ont fait construire un domaine sur leur ancienne propriété, à partir de 1755. Cette riche famille de planteurs y a vécu presque 50 ans. Ce domaine fut majoritairement consacré à la canne à sucre cultivée par un grand nombre d’esclaves originaires d’Afrique, de Madagascar et d’Inde.

En effet, le testament déclare 295 esclaves attachés à la propriété de St Gilles dont la répartition par type est la suivante : 224 esclaves de type créole, 41 de type cafre, 17 de type malgache, 12 de type non identifié et un de type indien. Ils sont désignés par leurs prénoms, castes, âges, professions et une indication de la prisée faite par des experts y est précisée. A partir de 1843, les mariages furent l’occasion d’attribuer officiellement des patronymes aux esclaves auparavant désignés, pour la quasi totalité par des prénoms tirés du calendrier chrétien ou del a littérature classique. Cette attribution arbitraire montre la volonté de Mme Desbassayns de donner une identité française à ses esclaves mais aussi de les ancrer dans la foi catholique.

Le seul indien « Ozone, indien, soixante sept ans, cuisinier, estimé mille francs » témoigne du précoce métissage sur le domaine. On lui attribue la paternité de plusieurs enfants répertoriés comme créoles car nés dans l’île. Tel est l’exemple de sa fille Léocadie qui reçut un patronyme indien signifiant « domestique », fonction qu’elle exerçait effectivement chez Mme Desbassayns et qui fut mariée à Paulin, fils de Véronique, une créole âgée de 71 ans.  » Paulin, créole, charpentier et sa femme Léocadie, domestique, invalide, et leurs 4 enfants Marie Gertrude, Pierre St Lys, Pierre Paulin et Alfred, le tout estimé à six mille francs ». C’est certainement aussi en raison de son origine indienne que l’esclave Dominique est décrit comme « malabare ».

« Dominique, malabare créole, âgé de 38 ans, charpentier, sa femme Daride créole, âgée de 38 ans, pioche, , leurs enfants, Adèles, âgée de quatorze ans, Marie Jeanne, douze ans, Marie Laurencine, dix ans et Marie Nathalie, dix ans, estimés cinq mille francs.

Par ailleurs ces esclaves, suivis par les engagés étaient logés dans un ensemble de petites paillottes. Aujourd’hui, un grand nombre de leurs descendants habitent encore au village nommé Camp Villèle. Le Camp Villèle est par conséquent un lieu de mémoire et de métissage. Cependant le brassage de la population est si ancien dans ce village qu’il serait impossible aujourd’hui d’établir une répartition ethnique basée sur des critères patronymes.

Nous remarquons aussi qu’il n’y a pas de distinctions entre les communautés dans le Camp Villèle mais plutôt un véritable métissage culturel. La présence de l’Hindouisme n’a pas entraîné le rejet du catholicisme et d’ailleurs, aujourd’hui un grand nombre d’habitants a la double appartenance religieuse. Celà résulte tout d’abord de l’attitude de Mme Desbassayns qui, après la mort de son mari, prit soin de ses esclaves en leur donnant une éducation, notamment religieuse. Ainsi en témoigne la construction en 1843 de la chapelle pointue sur son domaine dans laquelle les mariages furent fréquemment célébrés à partir de cette date. Le catéchisme leur était aussi enseigné dans des salles que Mme Desbassayns avait mise à disposition. Le domaine devenait donc un centre de diffusion de la religion catholique qu’on imposait à toute la population esclave, qui lui a été rattachée, malgré les fonds culturels et religieux que les premiers esclaves d’Afrique, de Madagascar et d’Inde possédaient à leur arrivée à la Réunion. A cette époque évangéliser les esclaves était un devoir important des colons. En 1860, Henri-Frédéric de Villèle installa aussi une statue de la Vierge rapportée de France. Cependant par la suite, les cultues se déroulant au Camp Villèle s’adresseront aussi bien à la Vierge qu’aux déesses Marliémin et Karli (avec la fondation de la chapelle « La Misère » en 1967 à l’intérieur du Camp. qu’aux St Michel et St Expédit
(tous 2 assimilés par certains à Karli), ainsi qu’aux ancêtres.
La maison de la famille Panon-Desbassayns peut donc être considérée comme un lieu de résidence typique des riches propriétaires de l’époque mais aussi comme un lieu de rencontre entre les cultures provenant de l’Europe occidentale, de l’Inde, de l’Afrique et de Madagascar. Cette interculturalité se retrouve aujourd’hui au Musée de Villèle, au Camp du même nom et plus évidemment à travers la diversité culturelle réunionnaise.

Mylène Catouaria
article issu de la revue SANGAM n°27 de Juillet 2008 avec l’aimable autorisation du Dr Chanemougame

Sources bibliographiques :
Alexis Miranville : Villèle, village réunionnais 2001 Edit L’Harmattan
Revue « l’Oeil » Hors-série Avril 2004 Edit Artclair
Testament de Mme Desbassayns de 1845
Recueil de documents et travaux inédits pour servir à l’histoire des îles françaises de l’Océan Indien, 3e série N°3 Archives Départementales de la Réunion Juillet 1971

Charles DESBASSAYNS, un pionnier de l’industrie sucrière

Pendant tout le XVIIIe siècle, Bourbon ne sert que de « grenier » alors que son île-sœur obtient le monopole de la culture industrielle de la canne à sucre. Soucieux de préserver les intérêts des guildiviers (lieu de fabrication du jus de canne à sucre) de l’Isle de France, les gouverneurs successifs de l’île Bourbon paralysent toute velléité de changement.
Upload image

Mais après le passage des Anglais, la production de canne à sucre ne suffit plus. Charles, 2e fils de Mme Desbassayns comprend qu’il y a un marché à prendre, étudie à Paris et aux États-Unis et après sa formation, monte une sucrerie sur sa propriété du Chaudron.

Après avoir couvert le quartier du Chaudron de champs de canne à sucre, en 1815, il y monte une nouvelle usine et commande en Angleterre un moulin mécanique en fer à engrenages. En 1817, très en avance sur son temps, il l’équipe d’une pompe à feu d’une puissance de 6 Chevaux. Le Chaudron est donc par sa mécanisation avancée, la première usine sucrière de l’île.

Charles Desbassayns emploie sur son domaine une centaine d’engagés indiens. Le contrat des indiens leur donne droit à fêter pendant 3 ou 4 jours le « Pongol » cérémonie correspondant à la fin de la moisson en Inde et à la fin de la coupe de la canne à sucre à la Réunion et d’ériger de petits temples ou koylous, les fameux « koils ». Un des premiers semble avoir été celui du Chaudron 1858.
Aujourd’hui, la « fête des moissons » s’est vue remplacée
par les « marches sur le feu » qui se déroulent dès lors principalement en Décembre de chaque année.

Il est vrai que pour les colons, accorder à cette époque un « break » à leurs engagés ne les dérangeaient nullement
d’autant que de leur côté,car Décembre c’était à la fois la fin de la « coupe canne » et la préparation de leurs fêtes de Noël.

Pour faire face au manque de courant d’eau, source habituelle d’énergie pour les moulins, il importe de Londres une batterie de trois moulins verticaux en fer, mûs par un manège entraîné par des mulets, un usage jusqu’alors inconnu à l’île de La Réunion. Au cours de l’année 1817, son frère Joseph introduit les machines à vapeur qui permettent aux moulins de produire encore plus de sucre.

À partir de 1822, le domaine est administré par Charles, malgré qu’il réside à Sainte-Marie) et géré sur place par un régisseur. Celui-ci est toujours un blanc, généralement un membre, un proche ou un ami de la famille des maîtres.

Au fil de sa carrière politique, Charles Desbassayns est nommé en 1820 membre du comité consultatif d’agriculture et de commerce de Bourbon. Il devient conseiller colonial à partir du 23 octobre 1826. Il se présente au conseil municipal de Sainte-Marie en 1854 où il est élu, et devient conseiller général du même canton l’année suivante. En 1854, il devient le premier président de la chambre d’agriculture, et deux ans plus tard, président du conseil général. Trois ans avant sa mort le 5 juillet 1863, il est fait officier de la légion d’honneur.

On sait aussi que Charles DESBASSAYNS, monarchiste convaincu a été un des rares colons de l’élite à promouvoir la foi chrétienne catholique. C’est ainsi qu’il a offert une partie de son domaine aux jésuites qui y édifièrent le fameux centre de « la Ressource » pour y former le ferment de la colonisation chrétienne de Madagascar sous forme de jeunes malgaches-garçons et filles- dûment formés au Christianisme et destinés à être envoyés sur « la grande terre » pour y essaimer le catholicisme.

A partir de 1860, la Réunion va passer d’une extraordinaire euphorie à un moins extraordinaire marasme financier. En effet 1859 marque la première baisse des prix du sucre. Cette chute est due au développement de l’industrie betteravière, la betterave à sucre en France, combinées à l’ouverture du canal de Suez qui court-circuitait l’itinéraire du cap de Bonne-Espérance. De 130 en 1858, le nombre d’usines tomba à 90 dix ans plus tard, 55 en 1893, 35 en 1903, 20 en 1915. L’usine du Chaudron ne résiste pas à cette crise.

Catégories
Archives