lettre ouverte à Mr Martin HIRSCH

Vous atterrissez aujourd’hui sur une île qui a successivement connu l’esclavage, l’engagisme, le colonat et aujourd’hui, plus que jamais, l’assistanat. Les différents hommes politiques nationaux ont systématiquement et largement distribué de l’argent et des promesses, relayés localement par nos élus locaux
qui plutôt que de promouvoir l’acquisition d’un emploi stable et de solutions durables, achètent les voix du peuple, en particulier avant les échéances électorales, en distribuant : feuilles de tôles, un « petit CES ou emploi jeune », des festivités gratuites…au point de revendiquer auprès de l’Etat le financement d’emplois aidés temporaires en échange des voix de nos concitoyens. De même, la population en arrive à croire qu’il suffit d’aller voir Mr le Maire pour trouver une aide financière ou un « petit boulot… ». Le problème, c’est que nous développons du coup l’assistanat et le développement d’une précarité durable.

Puisque vous semblez demander aux Réunionnais de vous donner quelques pistes, c’est en tant que responsable humanitaire, depuis plusieurs décennies, que je m’adresse à vous aujourd’hui et voilà donc l’état de mes réflexions. L’idée fondamentale est qu’il faut remettre tout le monde au travail, et sur des emplois durables afin de permettre de vrais projets de vie pour tous. Vous n’ignorez pas que nous avons içi 75 000 érémistes- soit l’équivalent de 4 départements français- que près d’un jeune sur 2 est sans travail, et que l’alcoolisme et la délinquance sont en forte hausse. Or, il y aurait beaucoup de travail si on voulait s’en donner les moyens : accompagnement de personnes agées, éco-gardes, entretien des rues, plages et sentiers de randonnées, soutien scolaire, animateurs de rues etc…

Je préconiserai donc :

- l’inscription de tous les érémistes comme « demandeurs d’emploi ». Il semble en effet que certains soient découragés de le faire ou croient à une allocation délivrée à vie.

- la nécessité pour chacun d’eux de travailler 3 heures/jour au service de l’Etat du département ou des communes. Juste contrepartie de l’allocation dont ils bénéficient, celà leur permettrait de préserver leur dignité, leur savoir-faire, et de ne pas tomber dans l’errance, le découragement, et pire le travail au noir, l’alcoolisme ou la délinquance.

- de la même façon, il faudrait faire rembourser par nos délinquants le fruit de leurs exactions, en les faisant travailler dans des « ateliers protégés » au service de la collectivité jsqu’à remboursement intégral de leurs dettes : sanctions à la fois justes, humaines, pédagogiques et dissuasives qui éviteraient en partie l’engorgement désastreux des structures pénitentiaires.

- la mise en place et le financement rapide de structures d’accompagnement -à la fois collectives et personnalisées- à la réinsertion de nos chômeurs et érémistes. l’ANPE, engorgée, ne peut suffire, il faut promouvoir et financer d’urgence des organismes de formation et de réinsertion compétents.

- le rétablissement du subventionnement et d’aides financières au bénéfice de la mobilité accompagnée : l’ANT et le CNARM, qui s’ils sont critiqués en raison de quelques bévues, n’en sont pas moins nécessaires pour permettre à ceux qui veulent tenter leur chance de le faire de façon moins risquée. La mobilité est indispensable à l’acquisition de formations qualifiantes et d’ expériences réussies en CDI, leur permettant de choisir entre « l’expatriation »
et le retour au pays dotés d’une qualification sérieuse qui leur assurera des postes stables auprès des employeurs.

Nous recevons au quotidien un public abandonné, « au bord du chemin », en désespérance : sur le C.V : rien ou presque rien : une formation lointaine ou oubliée, et une multitude de petits boulots au noir pour la plupart. Comment ces gens pourraient ils retrouver un emploi stable sans formation qualifiante sérieuse et un accompagnement suivi et efficace à l’emploi içi ou ailleurs ?

La désespérance locale est donc essentiellement dûe à une précarité institutionnalisée, comme s’il devenait aujourd’hui impossible d’avoir une famille, des enfants et un emploi stable pour les faire vivre hors de toute angoisse. Arrètons d’acheter ces pauvres gens, de jouer avec leur vie et responsabilisons-les. Nous en sortirons tous grandis.

Patrice LOUAISEL
RESPONSABLE HUMANITAIRE

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