Histoire du ti-train lontan

La construction d’un chemin de fer, moyen de transport en commun de personnes et de marchandises, s’impose à La Réunion du XIXe siècle. En effet son économie, essentiellement basée sur la production de canne à sucre, demande de nouveaux moyens de communication. Le sucre est jusqu’alors acheminé par des moyens archaïques à dos d’hommes, par charrettes et bêtes de trait, par les chaloupes des marines installées tout autour de l’île.

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un relief accidenté…

 

Plusieurs gouverneurs comme Vauboulon et Henri Hubert Delisle et des élus s’intéressent au chemin de fer dès 1858, puis 1865 mais les projets jugés trop onéreux, sont abandonnés. En 1872, Pallu de Labarrière et Lavalley qui a travaillé sur le chantier du Canal de Suez, prennent le relais. Les négociations et les accords avec le Conseil général et les Conseils municipaux durent 5 ans.

En 1878, La Réunion est toujours privée de port et de voies de communication suffisantes. Cette situation n’avantage pas le développement économique de l’île. Le Port de Saint-Pierre commencé depuis 1851, n’est pas encore livré et ne sera jamais adapté aux nouveaux navires à vapeur à fort tonnage qui veulent accoster à La Réunion. L’île connait une crise économique et ne peut s’en sortir qu’en exportant ses productions.
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La construction de ce moyen de communication présente de grandes difficultés dues au relief particulièrement accidenté de l’île, d’autant que les exploitations et les usines sucrières sont réparties sur toute l’île. Les chantiers du chemin de fer de Saint-Pierre à Saint-Benoît, couplé avec celui du port de la Rivière des Galets, sont déclarés d’utilité publique le 19 août 1876. La constitution de La Compagnie du Chemin de Fer et du Port de La Réunion (CPR) est établie le 28 février 1878. Les travaux commencent alors. M. Blondel ingénieur dirige les travaux, les ingénieurs marquent le trajet, de Saint-Benoît à Saint-Pierre, la construction du port et du chemin de fer bénéficie de concessions gratuites, pour 99 ans, à prendre sur les terrains des pas géométriques, réserves du domaine publique.

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Il longe le littoral, passe sous la Montagne par un tunnel de 12 kilomètres sous le Cap de la Marianne (3 m de large), surplombe, la Rivière des Galets, l’étang de Saint-Paul, la Petite Ravine, la Grande Ravine, la Ravine des Colimaçons dont nous pouvons encore voir l’ouvrage d’art, la Rivière Saint-Etienne (le plus long 520 m) et la Ravine des Cabris à Saint-Pierre. Vers l’est, le chemin de fer passe sur la Rivière des pluies, la Ravine des Chèvres, la rivière du Mât, la Rivière des Roches, et par un tunnel sous le Phare de Sainte-Suzanne. Le trajet total est de 126 km.

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un viaduc

La main-d’œuvre nécessaire à ces travaux gigantesques est de 15000 ouvriers créoles et des mineurs et artificiers italiens du Piémont spécialement engagés. Ces hommes travaillent jours et nuits. En plus des gares, des quais de voyageurs, des voies de garage et d’évitement , des leviers d’aiguillages, et des logements de chefs de gare,… les viaducs de pierres, les ponts métalliques et en maçonnerie, les aqueducs et tunnels entrecoupées de lignes droites ou courbes se succèdent. Les rails croisent souvent les voies de circulation existantes. En ville, le chef de gare précède le train, drapeau à la main pour signaler le danger.

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Locomotive et gare de la Grande Chaloupe

Un mètre sépare les deux rails alors qu’en France la distance est de 1,44m. Même si cette particularité du Chemin de fer local, limite le développement du train qui restera un petit train, le transport des marchandises et des récoltes gagnent en rapidité et en tonnages de plus en plus importants. La locomotive roule à une vitesse moyenne de 18 km/heure, elle peut pousser des pointes de vitesse à 28 km/h. Les déraillements réguliers dûs à l’étroitesse de ses rails et aux courbes trop brusques, ainsi que les visages recouverts de suie à la sortie des tunnels deviennent une part folklorique des voyages en « ti-train ».

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Entrepôt et gare de St-Denis

Le trajet de la Possession à Saint-Denis passant par le tunnel, percé de trous d’aération, est inauguré le 9 août 1881. Fin 1881, les gares de Saint-Leu et de Saint-Paul voient arriver la locomotive. Les Entrepôts et magasins des marines poursuivent leurs rôles pendant la période du « ti-train » qui amené par une locomotive à vapeur Schneider ou de type « Creusot » désenclave les écarts de l’île et permet de rejoindre Saint-Benoît à Saint-Pierre en 4 heures.

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Gare de Ste-Suzanne

Treize gares marquent l’itinéraire du chemin de Fer Réunionnais, un arrêt par ville au minimum de Saint-Benoît à Saint-Pierre, avec des haltes intermédiaires selon l’étendue géographique de la commune. L’inauguration par le gouverneur Pierre Etienne Cuinier se fait sur 2 jours, le 11 février 1882 pour la partie est de Saint-Denis à Saint-Benoît, et le lendemain le 12 février, pour la partie ouest jusqu’à Saint-Louis, le tronçon Saint-Louis – Saint Pierre, non terminé, est prévu quelques mois plus tard.

Ainsi, 4 ans de travaux (1878-1882) ont été nécessaires pour la mise en place de ce moyen de transport révolutionnaire. Son coût important de 9 millions de francs était en rapport direct avec la géographie particulière de l’île, 3 millions ont été utilisés uniquement pour le tunnel de la Montagne. Pendant 80 ans, il servira l’île et sera incontournable. Cependant, au fil des années, devenu vétuste, le tronçon ouest est fermé en 1957. La fermeture du tronçon Saint-Denis-Saint-Benoît est simultanée à la livraison de la Route du Littoral en 1963. Ce n’est qu’en 1976 que la liaison Saint-Denis-la Possession par les 11 km de tunnel est à son tour supprimée.

Sabine THIREL

Source : « Le petit train longtemps » par Éric Boulogne.

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