L’histoire de Savannah St Paul

 

Les premiers habitants de l’île se sont installés autour de l’étang Saint-Paul au pied de la montagne qui surplombe la ville. La savane aride s’étendait du « bout de l’Etang » jusqu’à la rivière des Galets. Cet espace était appelé « Parc à Jacques » du nom de son premier concessionnaire : Jacques Fontaine.

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Usine Defaud – Grand Pourpier-

Au XVIIIe siècle l’île Bourbon est le grenier des Mascareignes, la plaine de Savannah est recouverte de rizières et de vivres. Ce n’est qu’après la livraison, du canal Lemarchand en 1829, dont la construction a duré 15 ans, que les terres arides se transforment en champs de cannes. Ce canal alimente la plaine Chabrier jusqu’en 1976. C’est à partir de là que les usines du Piton, du Grand-Pourpier et du Bout de l’Etang (Savanna) ont été construites. La production de sucre est acheminée vers les quatre Marines nouvellement construites dans la baie de Saint-Paul.

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En effet, Olive Lemarchand achète le domaine à Lacaille au début du XIXe siècle qu’il nomme : Domaine Sucrier de Savanna et installe la première usine en 1820. Des ruines noircies, en pierres de taille et moellons, surmontées d’une cheminée rognée par le temps se trouvent à La Perrière sur le Chemin du Tour des Roches(image 2). Ces ruines correspondent-t-elles à cette première usine ?

A cette époque, la main d’œuvre repose essentiellement sur l’esclavage.

 
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Usine de Savanna

D’ailleurs l’Abbé Macquet, curé de la paroisse de Saint-Paul de 1844 à 1860, écrit : « La messe terminée (…) un grand rassemblement se forme à la porte de l’église : j’entends des soupirs et des gémissements poussés par une famille d’esclaves que l’on va vendre (…) Il fallait entendre leurs supplications pour déterminer les (riches colons) à les acheter tous ensembles (…) A un signal donné, ils se dépouillent de leurs pauvres vêtements : on les fait monter sur les tables ; on les examine comme des bêtes, pour s’assurer s’ils ont bon pied bon œil ; et cette révision se fait devant la foule assemblée. Puis vient la mise à prix (…) C’est un honnête et riche colon qui fait une offre pour le groupe entier : la foule applaudit, la vente est conclue. » (cf.A.Miranville)

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La Grande Maison

Lors de l’Abolition de l’esclavage en 1848, les affranchis à majorité indienne, s’installent aux alentours des villes et des sucreries.

La Société du Domaine de Savanna constituée en 1876, passe aux mains de La Hogue puis à celles d’Eléonore Hoareau-La Source. En 1897, les héritiers Hoareau-La source propriétaires de l’Etablissement et des terres environnantes, créent la Société Anonyme Agricole et Industrielle de Savanna. Comme toutes les propriétés de l’époque, les habitants du domaine vivent en autonomie. La nourriture et les vivres sont produits sur la propriété. Ce qui évite de dépendre des autres et surtout des navires peu nombreux.

En 1902, Savanna emploie 151 engagés, soit 45 Malgaches, 43 Indiens, 32 Africains et 31 chinois.

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Habitation des engagés-

Longère Rachetée en 1916 par la société Anatole Hugot et Charles Maureau, la propriété passe aux mains de Frédéric de Villèle et Adrien Lagourgue. Enfin, en 1948 Savanna rejoint La Mare, l’Eperon, Stella et Grands-Bois pour former les Sucreries de Bourbon dont le PDG est Emile Hugot.

La Grande Maison située derrière l’usine appelée aussi Château ou Maison Blanche est un édifice du XVIIIe siècle. Elle abritait le propriétaire puis le directeur de l’usine jusqu’en 1935. Par la suite elle a servi de dépôt de sucre. Très sobre, elle se dresse face à l’étang situé à quelques centaines de mètres par une allée de cocotiers. Cette maison de maître à un étage, a aussi servi de lazaret, c’est-à-dire de lieu d’isolement pour les nouveaux arrivants espérant ainsi éviter la propagation des maladie dont ils seraient porteurs, mais il sert aussi de lieu de soins.

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Savanna-Photo Brice Basson-

Témoins architecturaux et mécaniques de l’industrie sucrière de La Réunion Lorsque le directeur habite dans la Grande Maison située face à l’Etang, les techniciens et employés sont logés autour de l’usine. Les engagés vivent sur le chemin du Tour des Roches au lieu dit Jardin La Perrière. Des bidonvilles se sont montés le long de la longue Allée des Palmiers, à l’entrée de l’habitation, dans le quartier Bonaparte. C’est là, derrière les épaisses haies de bois de lait que s’installent les manœuvres, les travailleurs occasionnels. Les journaliers en fin de contrat rejoignent également l’endroit.

Une première distillerie est créée dans les années 1870.

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Savanna – Réserve de Sucre

Les petites usines de l’Ouest fusionnent entre elles. Celle de Bellemène est la première à fermer en 1904 ; précédant Petit Bernica de 4 ans à peine. L’usine de Villèle arrête de produire en 1920 et l’Eperon en 1935. Vue Belle et Savanna brassent la totalité des cannes du territoire Ouest. Alexis Miranville apporte les précisions suivantes : « Le rhum produit à Savanna et à Vue Belle était vendu en gros en ville de Saint-Paul. Le dépôt de rhum se trouvait dans les bureaux des Contributions Indirectes. L’employé de ce service prélevait ainsi, à la source, toutes les taxes dues. Ce dépôt fut supprimé au début des années 1970. »

A partir de 1970, Savanna broie l’ensemble des cannes de l’ouest. Alors que la centralisation est lancée depuis presque qu’un siècle, en 1982 la distillerie de Savanna se dote d’un équipement performant dans le but de fabriquer du rhum léger destiné à l’exportation. « Cette acquisition a été, pour Distillerie de Savanna, le fait générateur du développement de sa technologie rhumière, qui a multiplié, à partir de cette année là, la diversification et la qualité de ses productions. » En 1992, la distillerie est transférée à Bois-Rouge, Saint-André, concentration oblige.

Henri Odile, septuagénaire, rencontré sur le chemin du canal Lemarchand raconte volontiers, avec nostalgie, avoir travaillé avec M. Roger à Savanna. Il était « manœuvre-chaudière » jusqu’en 1985 date de sa retraite et de la dernière campagne sucrière de l’usine.

Le domaine de Savanna s’est adapté à sa population de plus en plus nombreuse et diversifiée, installant des lieux de culte, un temple indien dans la cour de l’usine transféré à l’Allée des Palmiers et une église sur le chemin départemental. Une boutique « chinois » s’installe aussi face à la balance.

 

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Balance sur la plateforme.

L’usine de Savanna ferme ses portes en 1986. Son dernier directeur Roger Thirel, qui a succédé à son père Jules Thirel 30 ans plus tôt, rejoint l’usine de Grands Bois, dernier bastion des Sucreries de Bourbon devenue Industrielle Sucrière de Bourbon. Une grande partie du personnel y est également déplacée.

Aujourd’hui, Savanna se transforme en zone commerciale et regroupe de nombreuses grandes enseignes.

Sabine THIREL

Sources :

Saint-Paul, Histoire et mutations d’une petite ville coloniale. Alexis Miranville-L’Harmattan-2001-

Le Lazaret de la Grande-Chaloupe – M.Marimoutou-Oberlé

Distillerie de Savanna

L’Abbé Macquet, Six années à l’Ile Bourbon, Editions Cattier, 1993

Témoins architecturaux et mécaniques de l’industrie sucrière de La Réunion- Amicale du personnel de la culture à La Réunion

10 réponses à to “L’histoire de Savannah St Paul”

  • HOAREAU:

    Bonjour,
    Je recherche une carte de saint-paul Réunion réalisée par CHAMPION d’avant 1725.
    Cette carte ou plan précise le lieu et l’emplacement des habitations des habitants de saint-paul. Il s’agit pour moi d’inclure cette carte dans ma généalogie. Mes ancêtres ont débarqué à Saint-Paul et s’y sont installés. Merci si vous avez des renseignements sur ce plan
    Cordialement

  • Bonjour Monsieur

    Vous devriez joindre Daniel Vaxelaire qui recherche et publie tous les dimanches des documents historiques sur les différentes communes de l’ile dans le JIR
    Coridalement
    PL

  • réponse d’un de nos membres des « amis de l’histoire », Mr André Robert DESPLOMBINS :  » pour pouvoir consulter le plan du quartier de Saint-Paul établi d’après celui dressé par Estienne De Champion en 1720, vous devez vous diriger vers les Archives Départementales de la Réunion, côte B 92…  »

    selon Bernard MAREK : il s’agit du plan de Saint-Paul de l’ingénieur Etienne de Champion dressé en 1719 ou 1720 et qui se trouve à la BNF cote ptf 218 div. 13 pièce 3.
    Nous vous envoyons le plan par mail direct.
    cordialement
    P.L

  • Merci Patrice pour vos réponses. Bien reçu le plan de St-Paul d’époque. J’ai donc rendu les numéros des « cases » des habitants de Saint-Paul plus lisibles. Après une retouche avec un logiciel de photo j’ai obtenu une très belle carte qui peut être imprimée sur papier glacé en format A3 et encadrée. Pour ceux à qui ça intéresse je leur enverrai les fichiers ( bien sur gratuitement) par mail ; plan original et
    plan avec numéros lisibles. Cordialement.

  • DAMBREVILLE:

    Je demande à HOAREAU (13 juin 2010 à 14 h 54 min) de m’envoyer, si cela ne le dérange pas, et avec tous mes remerciements, la carte de Champion, en plan original et en plan avec numéros lisibles ayant, moi aussi des ançêtres ayant eu leur habitations à St Paul vers 1700 -1710.
    Encore merci de l’aide que vous m’apportez.

  • ariapoutry virin:

    Bonjour

    Article intéressant de Sabine THIREL. Concernant la remarque de Hoareau, je suis moi même enseignante et cette carte de Saint-Paul d’époque en format A3 me serait très utile pour mes cours d’histoire.
    Serait-il possible que vous me la fassiez parvenir ? :
    Cordialement

  • DAMBREVILLE:

    Serait-il possible d’avoir la carte de Champion, répertoriant les habitations de St Paul, dans le courant des années 1720, comme proposé par Hoareau (13 Juin 2010 à 14 h 54 min)? Avec tous mes remerciements anticipés.

  • PARMENTIER:

    Bonjour à tous
    Article très intéressant.
    Je tiens à mettre en réserve la phrase suivante parue dans l’article
    « Lors de l’Abolition de l’esclavage en 1848, les affranchis à majorité indienne, s’installent aux alentours des villes et des sucreries ».
    Il me semble que les engagés indiens sont arrivés après 1848 pour palier au manque de main d’oeuvre dû à l’abolition de l’esclavage, car les esclaves devenus libres refusaient pour la plupart travailler sur les plantations de leurs anciens maitres.C’est pour cela que les indiens sont venus libres avec un contrat d’engagement pour travailler la terre.
    Comme la famille DAMBREVILLE,Je suis moi aussi intéressé par la carte de Champion car je suis aussi à la recherche d’une habitation ayant appartenu à ma famille dans le vieux Saint Paul près de l’église.
    Merci d’avance

  • Si ce que vous dites est strictement exact, il n’en est pas moins vrai qu’il y a eu de 7 à 15% des esclaves qui étaient d’origine indienne dont certains ont pu être affranchis par leur maitre…

  • hoareau:

    quelqu’un connaît il l’origine du lieu dit « la perrière » ?
    a t il à voir avec la famille de launay de la perrière?

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