« Henri Paulin PANON DESBASSAYNS : autopsie d’un gros blanc réunionnais du XVIIIe siècle »
L’intervenant : Claude Wanquet est professeur émérite d’histoire à l’Université de la Réunion. Il a été Président de « l’Association Historique Internationale de l’Océan Indien » jusqu’en 2009. Il a écrit de nombreux ouvrages et articles sur l’histoire des Mascareignes et de l’océan indien occidental au XVIIIe siècle et pendant la révolution française.
Il est l’invité en ce samedi 22 Septembre de l’Association réunionnaise : « Les Amis de l’Histoire » pour une sortie-conférence.
Si le terme de « gros blanc » est aujourd’hui plutôt péjoratif, il s’agissait d’une simple dénomination au XVIIIe siècle.
Henri Paulin PANON est né le 11/02/1732 à St Paul. Il était le petit fils d’Augustin Panon, charpentier de marine, surnommé » L’Europe », originaire de Toulon. La branche maternelle remonte à Françoise
Chatelain de Crécy, surnommée la « grand mère des Réunionnais » car elle était la 1e femme émigrée sur l’ile.
Il se distingue très tôt par ses exploits militaires et embarque vers l’Inde en 1751 pour combattre avec les « volontaires de Bourbon » et y réside jusqu’à la chute de Pondichery. Il en revient avec le bras droit fracassé.
A son retour, il est nommé Major de la milice de St Paul et » Chevalier royal et militaire de St Louis » et en tant que tel titulaire de « l’Ordre de St Louis., titre qui pouvait conférer un tremplin vers la noblesse.
Il se marie en 1770 avec Thérèse Gonneau Montbrun dont la mère est morte à la naissance. Fille unique, il en a hérité de la fortune. Quand il se marie, il avait 38 ans et Ombline 14…
Sur ses 13 enfants, 9 sont arrivés à l’âge adulte. 2 de ses filles ont épousé 2 frères De Villèle.
Il a possédé jusqu’à 4 maisons dont une à Trois Bassins et de nombreux terrains de St Gilles à Trois Bassins.
De 390 esclaves en 1793, il en avait déjà 417 en 1797 et 451 à sa mort en 1800.
Il a surtout cultivé des denrées vivrières (haricots) et du maïs qui étaient la nourriture principale des esclaves, le riz étant réservé aux malades
Bien entendu, il a produit des denrées d’exportation telles que le café et le coton. Il ne s’est pas trop engagé sur cette dernière production pour des raisons de maintenance des machines rendu difficile vu l’éloignement.
A côté de ces productions fort rentables, il a fait beaucoup d’import-export faisant venir via ses contacts en Métropole tout ce dont l’ile et les colons manquaient, -car négligée par la « Compagnie des Indes »-
Ainsi, vin (notamment de bordeaux), tissus, vaisselle, livres et même quincaillerie étaient revendus localement avec des bénéfices considérables.
Ce sont ses gendres De Villèle qui ont fait la transition sur l’exploitation du sucre après sa mort et à partir du XIXe siècle..
Malgré son bras droit fracassé, il écrivait beaucoup, jusqu’à y passer des demies journées entières. Il a notamment écrit des « journaux de voyages » lors de ses 2 seuls voyages, à vocation familiale en Métropole de 1785 et de 1790 à 1792. Ces textes ont permis de mieux cerner le personnage et d’avoir de précieuses informations sur l’époque.
Il avait en effet envoyé ses 3 fils très jeunes en Métropole poursuivre leurs études secondaires et supérieures dans un collège tenu par des Bénédictins à Sorrèze.
Si ses séjours consistaient surtout à voir ses enfants, il aimait aussi visiter et s’intéressait beaucoup aux techniques et aux manufactures.
Malgré un appétit consistant, il bénéficiait d’une excellente santé.
Soucieux de la bonne éducation de ses enfants, il accompagna 2 de ses filles à Paris, pour leur trouver des cours. Or, on est alors en pleine révolution et les ordres monastiques ont été abolis par la Constituante.
Il emmène ses filles au théâtre, à l’opéra, achète livres et partitions musicales (piano, harpe), et était particulièrement féru de Voltaire dont il avait acquis toute la collection. Il s’intéressait beaucoup aux journaux politiques et à l’histoire.
Pourtant, sa formation de base était très rudimentaire, son style très pauvre et répétitif, mais notoirement curieux il cherchait constamment à apprendre et à se cultiver et à en faire profiter ses enfants qu’il adorait.
Il est catholique -comme tout le monde- assiste à quelques messes- pour l’Art et la musique, déteste les moines…il considère les couvents comme des repaires…et de façon générale condamne tous les excès.
En bon franc-maçon, il déteste tout fanatisme, prône la tolérance et quand on sent venir la guerre il espère qu’il y ait en Europe « suffisamment de gens éclairés pour préserver la paix »
Il aurait refusé l’extrême onction chrétienne.
Très patriotique, il admirait la noblesse. Il était modéré politiquement après avoir été -comme tout le monde- royaliste. Avec les années, il prend ses distances avec la monarchie.
Au quotidien, il aimait le spectacle de la rue, l’Opéra, le théâtre…
Il veut tout voir car « c’est là que l’on connait le peuple »
Il n’a toutefois jamais mis en question l’existence de l’Esclavage.
Il meurt en 1800 sans doute suite à un A.V.C
Synthèse de la conférence proposée par Mr Claude Wanquet effectuée par Patrice LOUAISEL et corrigée par le conférencier.
Pour en savoir plus … l’ouvrage : Henri Paulin Panon : autopsie d’un « gros blanc » réunionnais de la fin du XVIIIe siècle écrit par Mr Claude WANQUET. Collection patrimoniale Histoire publié par Océans Editions