Comment accompagner psychologiquement et spirituellement une personne en fin de vie et sa famille ?

Intervention du Dr Benjamin GUY, médecin en équipe mobile de soins palliatifs à l’hôpital de Saint Denis (974), au colloque de l’ARADP du 17 avril 2011 sur le thème :Comment accompagner psychologiquement et spirituellement
une personne en fin de vie et sa famille ? »

J’ai choisi de débuter mon exposé par un arrêt sur le mot spiritualité.
Il me semble que si on s’arrête un peu sur ce mot, si on le laisse agir en nous, nous verrons se dessiner petit à petit, des aspects importants de l’accompagnement de la personne en fin de vie.

Qu’est ce que la Spiritualité ?
La spiritualité, je l’entends ici comme cette quête de sens de tout être humain, tout au long de sa vie, son travail pour tenter de répondre aux grandes questions de l’existence.
Quand on parle de spiritualité, on entend déjà qu’il s’agit de quelque chose d’important
(d’une certaine valeur) et quelque chose d’intime aussi. Important car la spiritualité concerne tous les êtres humains, les êtres humains en relation entre eux mais aussi en relation avec un au-delà qui les dépasse.

La recherche d’un sens

Et pourtant il s’agit de quelque chose d’intime, qui ne se partage pas facilement.
La spiritualité est la recherche d’un sens à ce qui nous arrive. Or le mot sens est un mot polysémique : nous pouvons l’entendre comme

· le fondement, ce qui nous ancre.

· la recherche de la chose juste ou bonne, la direction à prendre, ce qui renverrait à la
question « quel serait le bon chemin pour une vie heureuse ? »,

· le sens comme signification ce qui renverrait à la question « qu’est-ce que ça veut
dire ? pourquoi ? »,

· et enfin le sens comme sensorialité, ce que je sens ou pas, comme si le corps et ses
perceptions avaient quelque chose à en dire eux aussi.
Ainsi l’être humain est dans une quête spirituelle quand il se pose les questions suivantes :

· d’où est ce que je viens ?
· Pourquoi suis-je là ?
· pourquoi je souffre ?
· Que dois-je réaliser en ce monde ?
· Comment vivre en relation ?
· Y a-t-il quelque chose après la mort ?

Se libérer de la peur

Or pour l’ensemble des traditions religieuses ou philosophiques qui tentent d’apporter une
réponse à ces questions existentielles, quelque soit la voie proposée, l’être humain peut être pleinement heureux s’il parvient à se libérer de la peur.

La question de la peur me parait aujourd’hui très liée à la question du sens.
Comme si notre vie pouvait devenir insensée si nous n’avions pas de points de repères
rassurants dans l’existence.

Les peurs de l’être humain quelles sont-elles ? Peur de perdre, peur de souffrir, peur d’être différent, de ne servir à rien, d’être seul.

Ce travail de libération de la peur se fait souvent accompagné, par la communauté
d’appartenance, par des rituels ou des pratiques, par un maitre… Or la maladie grave et le fait de savoir que notre vie peut prendre fin bientôt, nous met face à nos peurs les plus profondes. La maladie grave va poser plus fortement peut être que toute
autre situation de crise existentielle, la question du sens.

Etre accompagné pour se liberer de nos peurs

L’accompagnement trouve ici sa place, en permettant, quand il est de qualité, une mise à distance des peurs et l’ouverture d’un possible.
Avant de poursuivre je voulais préciser que le regard d’un médecin sur la question n’est pas tout à fait neutre puisqu’il s’inscrit dans une relation particulière.

La personne malade ne donne pas à voir la même chose, à un médecin, à un proche ou à la personne qui va réaliser sa toilette tous les jours d’une hospitalisation.

Une lecture différente selon votre statut

Enfin vous n’aurez pas la même lecture de mes propos selon que :

· vous vous intéressez à la question d’un point de vue intellectuel par curiosité
personnelle,
· ou bien parce que vous êtes dans un cheminement par rapport à votre propre fin de vie,
· parce que vous accompagnez actuellement un proche,
· parce que vous vous destinez au bénévolat,
· parce que vous êtes un professionnel du soin…

Que génère une maladie grave pour le patient ?

Mais entrons dans le vif du sujet.
Plutôt que de parler de fin de vie tout de suite, il me parait nécessaire d’évoquer ce que peut représenter le fait d’être confronté à la maladie grave.
Quand on demande à des personnes malades ce que la maladie représente pour eux, voici ce qu’ils répondent :

· Il y a interruption du « cours normal des choses », perte de contrôle
C’est ce qui peut faire que d’abord on ne veut pas le voir, on n’y croit pas, c’est probablement bénin, tout va redevenir comme avant….. Ce qui peut faire que des personnes, par peur de ce que l’on pourrait découvrir vont banaliser les symptômes voire vont les négliger.

· Diminution de ses « pouvoir être », perte de la liberté d’agir.
Ce que la personne pouvait faire avant est remis en question. Les questions qui se posent peuvent paraitre triviales à l’observateur extérieur mais deviennent extrêmement importantes pour celui qui vit la maladie.

• Se déplacer ?
• Manger ? Boire ?
• Ne pas avoir mal ?
• Contrôler ses émissions d’urine ou de selles ?
• Avoir des revenus ?
• Avoir quelqu’un à la maison ? Ne pas être seul ?
• Pouvoir parler à quelqu’un de ce que l’on vit ?
• Dormir ?
• ….

Il va falloir une grande énergie pour :
• Pour trouver des compensations à ses incapacités
• Penser l’organisation du quotidien.
• Avant de pouvoir poursuivre ses projets dans le monde… quand c’est possible…

· La troisième dimension de la maladie grave est le vécu de menace, de perte des
certitudes. D’ores et déjà, nous pouvons constater que ces trois dimensions touchent non seulement la personne malade, mais aussi ses proches.

Pour la personne qui n’est pas un soignant, ces considérations peuvent apparaitre comme une chose évidente. Mais le soignant, lui, risque d’être focalisé sur l’endroit où il peut agir, c’est-à dire la maladie. Il peut perdre de vue la finalité qui est de permettre à l’autre de vivre sa vie le mieux possible, dans la situation qui est la sienne.
Donc, en parlant d’interruption du cours normal des choses avec menace, nous introduisons la notion de crise (voire de crise existentielle).

L’importance du regard pour l’accompagnement

Et le regard que l’on peut porter à ce moment-là va être important pour
l’accompagnement.

Il existe une vision de la santé, je dirais celle qui a le plus cours actuellement dans notre
société, qui considère, la maladie et plus généralement la situation de crise, comme une
effraction, la perturbation d’un équilibre.

Cet équilibre antérieur, que l’on pourrait appeler la santé, il convient de le retrouver le plus complètement et le plus rapidement possible, et parfois de faire comme si rien ne s’était passé.

Cela va avec une certaine vision de la société qui fait l’éloge de la beauté, et de la jeunesse, de l’efficacité, du bien portant. Dès qu’on s’éloigne de cette vision normative de la vie on entre dans quelque chose de subi, quelque chose dont on pâti.
Dans cette conception linéaire de la vie, toute rupture est régression, perte, non sens.
Il nous manque quelque chose. Et la tentation est grande de vouloir effacer, combler ce manque, soit par la guérison rapide (tout redevient comme avant), soit en faisant comme si tout était comme avant alors que tout a changé.

C’est cette épouse qui va tout faire pour son mari malade, le protéger de tout, l’empêcher de faire le repas parce que çà le fatiguerait. Elle veut bien faire, elle veut que la vie soit le plus normale possible…

C’est aussi la fonction nourricière. Compenser combler satisfaire apaiser… C’est faire à la
place de…

Le problème c’est que cette attitude, si elle se veut aidante et attentionnée, peut aussi
empêcher quelque chose qui viendrait de la personne malade elle-même.

Accepter l’idée d’un changement

Alors il existe une autre façon de comprendre la crise, qui est de considérer qu’elle fait passer d’un état à un autre, d’accepter l’idée qu’elle amène un changement.
Il y a alors possibilité de « vivre la crise », la rupture d’équilibre, comme occasion de
changement.

Si l’on porte ce regard sur la personne malade, on va bien sûr lui apporter un soutien, une assistance, mais aussi lui permettre de vivre une expérience qui peut faire sens et dont il peut rester acteur. Il est d’autant plus important de pouvoir rester acteur que l’on subit beaucoup quand on est malade. (la maladie que l’on n’a pas choisi, l’hôpital, les traitements médicaux, l’attente….).

Ce regard introduit la nécessité de prendre en considération le temps nécessaire au
changement. Ce regard permet aussi une compréhension des comportements régressifs, de déni, des moments de doute, car il apparaît qu’ils sont effort non pas pour revenir à un état antérieur mais pour un changement.

Je vous donne un exemple : une personne vient d’apprendre qu’elle a un cancer grave. Elle reste dans son lit une grande partie de la journée, quand elle croise un soignant elle dit qu’elle ne peut pas commencer le traitement tout de suite, qu’elle a besoin de comprendre, elle pose toujours les mêmes questions… On ne comprend pas qu’elle ne fasse pas sa toilette elle-même. C’en est même angoissant pour ses proches.
Quelle est alors leur réaction : « allez bats toi, il faut que tu sois forte…tu ne devrais pas te laisser aller… »

Et puis comme ils voient que rien ne se passe, ils vont l’assister à tout bout de champ….
On oscille souvent entre l’exhortation à se battre et le comblement de ce qui semble difficile. On voit là que les proches sont dans une tentative de supprimer ce qui leur fait peur, ont très envie qu’elle revienne comme avant. Mais cette personne-là, avait en fait besoin de temps, le temps de vivre la crise pour pouvoir mieux faire face après, ce qui fut le cas.

Un changement pour une transformation salutaire

Même chez des patients qui nous demandent à toutes forces un retour à l’état antérieur, à la guérison il y a ce langage là qui est présent pour qui sait le voir.
Et si nous refusons de le voir soit en comblant tant bien que mal le manque, soit ne
laissant pas la place au temps du changement, nous risquons de ne pas donner au
malade la possibilité d’une transformation.

Par contre, si nous regardons les personnes malades avec cette vision et cette confiance, nous nous facilitons les choses, nous entrons dans la dimension d’accompagnement. La fin de vie est inévitablement le lieu d’une crise, mais notre responsabilité est uniquement d’accompagner le changement qui s’opère chez celui qui nous demande cet accompagnement.

Il s’agit, d’apprendre à créer par nos compétences et notre savoir faire, les conditions de
l’autodéveloppement, de l’autotransformation de l’autre. Cela enlève un peu de notre toute puissance. Tout ne nous appartient pas. Et cette vision du soin est applicable à toutes les situations de demande d’aide. Ainsi le véritable accompagnement se situe entre une assistance et un effacement pour laisser advenir un changement chez l’autre.

Une expérience difficilement partageable

Le deuxième point que je voulais aborder est le suivant :

Il est que la personne qui vit la maladie grave vit une expérience présentant
une dimension d’impartageable. Certaines personnes malades nous disent qu’elles ne peuvent pas parler de certaines choses avec leurs proches.

De plus, de nombreux accompagnants familiaux témoignent du sentiment qu’ils ont que leur relation avec la personne malade a changé avec la maladie. Elles sont déçues, elles auraient attendu plus d’échanges, des échanges profonds, etc…

Il y a plusieurs explications à cela :

· La plus évidente est probablement relative au fait que dans le chaos, le grand
bouleversement qu’est la maladie grave, les personnes touchées veulent se protéger les
unes les autres.
· L’autre est à mon sens, que la personne malade peut avoir le sentiment de vivre une
expérience difficilement partageable même avec les plus proches, parce que cette
expérience est trop différente de ce qu’on a connu jusque là.

Elle peut avoir peur que les autres, se voulant rassurants, banalisent, ne les comprennent pas, donnent trop de conseils. Cà pourrait être plus facile avec un bénévole (çà l’est parfois) mais a-t-on toujours envie de créer de nouvelles relations quand nous sommes déjà si fatigués, peut être à la fin de notre vie ?

Vous allez me dire alors, à quoi sert-il d’accompagner si on ne peut pas partager.
Bien sûr quand je parle de cette dimension d’impartageable je pense à ce qui relève de
l’approche la maladie elle-même, de ce qui relève d’une dimension très intime.
Il existe plusieurs manières de s’en sortir. Une de celle-ci est de faire exister la fonction du récit, permettre à l’autre de raconter qui il est, son histoire. Cela permet parfois de faire connaissance, de dire des choses importantes mais.de manière moins directe….
A votre imagination…

Le troisième point que je souhaitais aborder est le suivant :

Etre gravement malade n’est pas toujours se préparer à mourir.

Je peux témoigner en tant que soignant du fait que très rares sont les personnes qui
s’inscrivent dans un travail visible de préparation à la mort.
Elles tentent surtout de vivre le mieux possible de très grands bouleversements.
En tant qu’accompagnant il conviendrait de ne pas être trop obnubilé par la mort à venir.

Cette idée de la mort à venir peut être difficilement supportable pour celui qui y est confronté pour de vrai. Une part de lui l’envisage, essaye d’apaiser un peu l’angoisse majeure provoquée par cette idée mais cela ne peut pas être à l’oeuvre tout le temps.
Certaines personnes affichent à un moment donné une grande confiance en leurs ressources et allèguent une absence de peur pour ce qui pourra arriver « à la fin ». Ces personnes-là sont celles qui allument en moi un signal d’alarme. Combien de fois ai-je pu constater qu’elles pouvaient nous surprendre par un effondrement et une réactivation anxieuse à un moment où on ne s’y attendait pas. Ces personnes-là nous rassurent faussement, nous amènent à évoquer la mort à venir plus facilement et nous ne rendons pas compte que l’on mobilise trop fort leurs défenses.

La première vertu d’un bon accompagnant est d’être humble par rapport à ce que pourrait être sa propre façon d’aborder une situation de vie menacée parce que tout préparé qu’il pourrait être, il ne l’a jamais expérimenté. Ainsi il ne sera pas dans le jugement face aux capacités de celui qu’il accompagne.

Une idéologie particulière dans les milieux de soins

Robert William Higgins, psychanalyste dénonce une idéologie très présente dans la société et dans les milieux de soins et qui concerne les patients relevant de soins palliatifs.*

Dans cette pensée, le constat que la mort est inévitable dans l’évolution de la maladie,
implique une transformation de toute la clinique et de l’approche de la personne.
Le mourant parce qu’il est mourant, justifie un statut et des soins particuliers, une pratique particulière.

Le mourant est à part, différent des autres patients, il met plus mal à l’aise aussi.
Et l’on peut voir naître chez les soignants une sorte de pitié, de surinvestissement affectif, on en fait plus pour celui qui est tellement vulnérable, tellement différent de nous …

Il y a des patients qui sentent quand nous sommes dans cette disposition d’esprit. Je pense à cette personne qui disait: « toute ma vie j’ai été seul, alors ce n’est pas maintenant que j’ai besoin de votre guimauve relationnelle ».

Ne pas enfermer le malade dans un statut

Quand toute notre attention porte sur son statut de mourant, on fige le patient dans un
état, on l’exclut de ce qui fait sa vie, on l’enferme dans le présent, il ne peut plus être renvoyé qu’à lui-même et à sa maladie

Dans cette idéologie, il y a aussi une attente de la part des soignants. Ce serait que le patient devienne conscient de son état, qu’il ait réalisé sa mort prochaine et qu’il en parle avec les soignants.

Il n’est pas si rare d’entendre des soignants dire : « J’ai l’impression qu’il ne comprend pas, il est dans le déni, il faudrait lui faire comprendre ». Cette idéologie est mal à l’aise avec celui qui dénie sa mort.

Si bien qu’elle finit par être en difficulté avec celui qui n’a pas la bonne idée de mourir. Vu que tout est pensé à partir de la mort qui approche, si la mort ne vient pas, il arrive un moment où l’on ne sait plus comment aborder l’autre.

Donc le mouvement des soins palliatifs souhaite se démarquer de cette façon de considérer la personne malade qui l’enferme dans un statut de mourant.
Pas aidant si l’on se place du côté de celui qui sait. J’ai rencontré récemment une personne que je connais très peu (je l’ai croisé trois ou quatre fois dans ma vie). J’ai été amené à lui dire deux mots de problèmes de santé parce qu’ils
m’empêchent de pratiquer une activité dont elle pensait que j’étais capable.
Elle m’a alors dit cette phrase : « Mais il faut que je te vois en énergétique. C’est ce qu’il te faut ».
Quand je lui réponds alors dans l’espoir de mettre rapidement fin à discussion : « oh tu sais moi, je suis un esprit très cartésien… »

Elle me répond : mais tu sais, l’efficacité est prouvée…comme si j’étais le dernier des
ignorants, rétrograde… En moi-même je ressentais une colère lié au fait que cette personne ne connaissait rien de moi, de mon parcours dans la maladie, de ce que la maladie elle-même m’avait enseigné, de ce que j’avais déjà expérimenté comme traitement. Ce qui lui correspondait à elle en ce moment, comment pouvait-elle tenter de me l’imposer, sans aucune considération pour qui j’étais ? Ma colère est vite tombée parce que je sais à quel point on peut être enthousiaste des découvertes que l’on fait pour soi-même.

Mais cette histoire illustre que la relation d’accompagnement devrait avant tout être une attention à l’autre, un apprentissage de l’autre, une curiosité pour ce qu’il est, pour ce qui fait sa vie, avant de prétendre vouloir agir sur lui.

Ne pas vouloir transformer l’autre mais nous transformer à son contact :

Ainsi pour ceux d’entre nous qui ont la tentation de vouloir apporter aux autres, je leur
propose un regard totalement différent, qui est d’abord de prêter attention à ce que la personne malade peut m’apprendre parce qu’elle a vécu quelque chose d’exceptionnel. Nous pouvons nous transformer nous au contact de l’autre.

Comme pour beaucoup d’autres domaines, toute tentative de transformer l’autre risque de s’avérer vaine voire néfaste. Celui qui est malade a déjà à faire face à un nombre considérable de choses (la douleur, l’organisation de la vie quotidienne, une vie rendue plus difficile si survient un handicap, la baisse des revenus, ses propres angoisses, ses inquiétudes pour les autres).

Ce n’est pas le temps du changement mais celui de la révélation.

Révélation de soi à soi-même. Révélation par l’attention que l’autre nous porte.
Tenter de faire changer l’autre, c’est exercer un pouvoir sur celui qui est fragile.
Je pense à cette mère dont le fils adolescent exprimait une immense révolte en refusant de faire traiter un lymphome. Elle lui a renvoyé inlassablement sa maladie, le fait qu’elle
l’empêchait de faire des choses pour elle ou pour les autres, sa responsabilité dans ce qui lui arrivait, jusqu’à ces quelques jours avant son décès où elle a réalisé que tout était demande d’amour, et qu’elle a pu être transformée et vivre vraiment avec son fils, lui dire au revoir…

Ne pas être seul.

J’ai en mémoire une situation d’accompagnement qui m’avait mis en difficulté. Il s’agissait
d’une patiente pour laquelle nous attendions une amélioration parce que sa maladie
cancéreuse était en rémission. Mais voilà l’amélioration ne venait pas, la patiente restait
dans un état très précaire, faisait complication sur complication, et rien ne bougeait depuis des mois, l’élan vital n’y était plus. Nous avons bien sûr cherché une explication dans son histoire de vie, en espérant trouver ce qui la mettait en situation d’impasse. Nous avions bien des pistes pour lui venir en aide, mais tout était voué à l’échec. A un moment donné nous avons parlé de mélancolie ce qui correspondait d’ailleurs à un certain niveau de réalité.

Accueillir le possible et maintenir vivante la relation

Il m’est arrivé souvent de me dire que tout ce que nous faisions ne servait à rien.
Je me souviens avoir été très soutenu par les personnes de l’équipe qui n’ont jamais cessé de croire qu’une évolution était possible, qu’une étincelle de vie pourrait se rallumer, et qui ont permis à l’équipe dans son ensemble, de toujours aller à la rencontre du possible avec cette patiente. Je parlais de responsabilité, c’est là qu’elle intervient. Notre responsabilité n’était pas de la guérir voire même de l’améliorer, mais de veiller à accueillir le possible et à maintenir vivante la relation quelles que soient les difficultés rencontrées.

Ainsi, l’accompagnement, parce que c’est une aventure difficile, ne devrait pas être pratiqué totalement seul. L’accompagnant évitera de faire fausse route si quelqu’un de bienveillant lui offre une écoute, l’accompagne lui aussi.

C’est pour cela que les bénévoles d’accompagnement ont des « groupes de parole », des
temps de rencontres…

En conclusion

Pour conclure :
Nous aurions donc à considérer la dimension intersubjective comme un espace de création. Et mieux il y a création ensemble. L’autre n’est plus objectivable (dans le sens où l’autre ne devient pas objet de nos soins). Il participe dans une réciprocité.

En allant encore plus loin, on peut dire que le fait de chercher la rencontre véritable s’oppose, pas frontalement, mais s’oppose au processus de mort.

Le temps a un sens car il construit la relation, il inscrit le sujet dans son histoire.
Croire que l’autre peut encore créer est vraiment lui rendre une identité perdue.
Quand l’identité comme retour à l’identique, est perdue, l’identité peut se construire par la création.

C’est peut être pour cela que ce sont les soins palliatifs qui en parlent. Ils touchent à des personnes dont l’identité est très remise en question, donc ils doivent plus que les autres se poser la question de ce qui permet de s’autoriser encore à vivre.
Enfin, l’attention à celui qui souffre nous invite à une attention à nous même (mieux nous connaitre, accepter de changer soi même, …)

Il s’agit de ne pas en rester à ce que l’on connaît parce que s’il est vrai que cela limite
l’insécurité, cela représente le danger d’être fermé, de ne pas évoluer.
C’est donc dans cette même disposition d’esprit que nous pouvons porter un certain regard sur l’autre, un regard fait d’ouverture, de respect, de vigilance à ne pas prendre trop de place aussi, qui l’autorise à être et à devenir.

Cette disposition implique plus l’accompagnant parce qu’il s’approche de l’autre, il vient à
l’autre avec tout ce qu’il est et plus seulement son savoir, mais l’autre a accès à plus de
possibles.

L’accompagnement des personnes en fin de vie peut être très déroutant (peuvent en témoigner les personnes qui débutent dans le bénévolat), peut être frustrant, difficile.
Et pourtant il est un acte fondamental dans toutes les sociétés, il peut être d’une grande richesse, d’une grande beauté, il peut être porteur de grandes joies. Il est porteur de sens. Il est donc spirituel.

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