Archive pour la catégorie ‘moringue’

la pratique du moringue : en chute libre ?

Qui ne connait pas ce sport de combat, cette danse, cette expression corporelle que René DREINAZA s’était évertué à faire renaître dès 1989 ?
Aujourd’hui avec 17 clubs et 281 licenciés, sa pratique semble en chute libre alors qu’en l’an 2000, on comptait 21 clubs et surtout 650 compétiteurs…

Alors qu’on croyait le moringue s’inscrire durablement en tant que redécouverte de cette tradition afro-malgache et de l’identité cafre, sa pratique semble s’essouffler à la Réunion. Alors désir de modernité, métissage, perte identitaire, oubli du passé et de ses traditions ? il est dommage que tout un pan de notre population oublie ce qui l’a soudée.

Rappelons que cette pratique clandestine durant l’esclavage, a été pratiquée durant l’engagisme non seulement par les noirs mais aussi par les « petits blancs » et les créoles de 1848 à la départementalisation de 1946, avant d’être effacée et de renaître en 1989 sous l’impulsion de Jean René DREINAZA

Aujourd’hui la relève n’est donc plus assurée et sa pratique s’essouffle même si on peut encore voir quelques
jeunes très motivés aux 4 coins de l’île. Alors, manque de nouveaux leaders ? insuffisance de subventions apportées
par nos assemblées et nos maires notamment lors de la « fête cafre » du 20 Décembre ? Absence d’une « fédération de Moringue » qui risquerait de « décréoliser ces rituels » selon certains ?

Comme les Hindous peuvent bénéficier lors de leurs fêtes
(Dipavali, Nouvel An tamoul) de subventions, il serait tout à fait normal que nos élus « mettent la main à la poche »
pour soutenir cet art ancestral qui représente toute une part de notre identité afro-malgache.

PL

à la découverte du MORINGUE

Le MORINGUE :art martial, danse guerrière ou pratique cultuelle ?

Art martial, pratique cultuelle ou encore danse guerrière, le Moringue fait-il partie du patrimoine réunionnais ?
Quoi qu’il en soit le Moringue remonte au peuplement de La Réunion. En effet, au début du XVIIIe siècle les hommes et femmes, main d’œuvre pour le café puis pour le sucre de canne, sont emmenés des pays d’Afrique orientale et de Madagascar. Ces esclaves Cafres sont arrivés avec leurs cultures et leurs musiques.
Venant au départ de contrées lointaines les unes des autres, ils étaient en plus séparés dès leurs débarquements. Par la suite, la vente et la répartition des esclaves les isolaient encore dans des plantations éloignées. Ces hommes d’origines différentes ne se connaissaient pas. Ils ne pouvaient pratiquer leurs coutumes. De plus, le travail des champs et des moulins à sucre leur laissait que peu de temps libre, pour danser et jouer de la musique.
Upload images

Cependant, les esclaves ont trouvé le moyen de s’extérioriser. Un arc musical muni d’une calebasse sert de caisse de résonance. Un fil tendu sur lequel tape le piqueur rythme les chants. Cet arc est un instrument de musique traditionnel originaire du Mozambique et de l’Angola.
Les colons peu nombreux et propriétaires d’un grand nombre d’esclaves craignaient à tout moment une révolte. Si cela arrivait, ils seraient vite débordés et abattus comme cela se passait déjà dans les colonies des Caraïbes. Il était important de garder le contrôle par n’importe quel moyen. Les esclaves devaient respecter un certain nombre de règles : Interdiction de réunion, interdiction de se battre, interdiction de dépasser les limites de l’habitation, interdiction de rencontrer les esclaves des autres propriétés…

Concentrés dans une plantation, les esclaves devaient gérer les problèmes relationnels d’une cohabitation difficile due à une surpopulation tout d’abord. Ensuite, leurs cultures différentes freinaient les échanges. Les femmes trop rares provoquaient aussi des jalousies et étaient causes de rivalités. Les conflits devaient se régler hors du temps dévolu au travail. Alors, pour les règlements de comptes, les hommes se rencontraient à la tombée du jour dans un endroit éloigné. Ils exécutaient alors une sorte de danse rituelle au son de percussions et du Bobre.
Un cercle se forme. Les esclaves attendent le début de la bagarre.

Upload images

Les adversaires au centre du « rond » se toisent, se regardent dans les yeux. Sans un mot, l’un se dirige vers la droite pendant que l’autre va aussi vers la droite. Ils se déplacent autour d’un point imaginaire, situé au centre du rond. Soudain, ils s’arrêtent, les jambes écartées, se penchent vers l’avant toujours en se regardant fixement. L’un d’eux ramasse une poignée de terre puis s’en jette sur le visage, sur la tête et sur le corps. L’autre en fait de même. Retour à la terre ? Purification vaudou ? Rite ancestral ? Les instruments traditionnels résonnent. Ils s’élancent l’un vers l’autre et se percutent au niveau de leurs poitrines nues. Alors les jambes s’élèvent balayant, faisant mine de chasser l’autre, chacun à son tour. Pas de bataille sanglante mais un échange de gestes précis, étudiés.
Le Moringue se fait danse au son des musiques afro-malgaches. Le large pantalon blanc se couvre de poussière. Les deux protagonistes se confrontent noblement jusqu’à épuisement de l’un d’entre eux. Les commandeurs ne voient que du feu. Croyant assister à une danse rituelle. A la fin du combat, chacun regagne son camp en silence.

Mais le Moringue disparait au XXe siècle dans l’île. Aurait-il été contrôlé, surveillé puis interdit. Les pratiquants se cachaient peut-être. Il est remis au goût du jour par des passionnés réunionnais dans les années 1990.
Aujourd’hui, reconnu comme sport, activité culturelle et pratique artistique, le Moringue connait un engouement certain surtout auprès des jeunes. Plusieurs clubs où les adhérents ne manquent pas, se sont créés dans l’île. Cependant, le djumbé a remplacé le bobre, pour donner le rythme.

Tillum Bernard – Plasticien contemporain – St-Joseph
Upload images

Jimmy Cambona – Plasticien contemporain St-Louis Le Moringue se pratique dans plusieurs pays de l’Océan Indien, comme les Comores (Morengue), (Moringy) à Madagascar et Maurice. Mais cet art se pratique aussi au Brésil sous le nom de Capoeira. Le cousin du Bobre réunionnais s’appelle Bérimbaü au Brésil. Notons que l’Angola et le Mozambique étaient colonies portugaises et par là même, fournisseurs d’esclaves du Brésil depuis le XVIe siècle.

article issu du site ZINFOS974.COM rubrique Patrimoine, écrit par Sabine Thirel et publié avec son aimable autorisation

Catégories
Archives