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Le MALOYA entre sauvegarde et transmission

Le MALOYA : entre sauvegarde et transmission

Lorsqu’on entend le mot « Maloya » pour la première fois, il sonne déjà comme une musique. Cette musique métissée dès son origine, issue des complaintes des esclaves n’est pas seulement une suite de sons spécifiques de la Réunion, c’est aussi la représentation de l’identité réunionnaise.

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Maloya au clair de lune -SVT- Peinture à l’huile

 Les esclaves amenés dans la colonie pour la culture de la canne à sucre et pour travailler dans les moulins à sucre, venaient de la côte Sud-Est de l’Afrique et de Madagascar. L’arrivée massive de ces hommes et de ces femmes d’origines différentes sur ce petit caillou de l’Océan Indien, a provoqué un brassage de cultures qui a amené en plus du métissage, l’apparition de musiques nouvelles, le Séga et le Maloya.

Pendant la période de l’esclavage qui a duré plus de 150 ans, le Tchéga se joue dans les Habitations entre les esclaves Mozambicains, Yanbanes, Zanbèz et Malgaches. Cette musique à 3 temps est essentiellement basée sur des percussions de trois instruments traditionnels : roulèr (houlèr), bobre et kayam (kayamb). Le roulèr est formé par un tonneau sur lequel est tendue une peau de bœuf, le percussionniste s’assied à cheval sur le tonneau et frappe des deux mains. Le bobre (bob) ressemble au berimbaù brésilien, arc à un fil sur lequel le musicien frappe avec un bâton en métal : le sati, ou en bambou : le pikèr. Le Kayam est fabriqué en mâts de chocas, en hampes de fleurs de cannes remplies de graines de cana.

Au fil de son évolution sont venus s’y ajouter le triangle et aujourd’hui le djumbé. Dans les propriétés, il arrivait aux esclaves lors d’évènements importants de faire un service Kabaré (d’origine Malgache). Ces services étaient voués aux ancêtres ou à la récolte. C’étaient des complaintes chantées par un choriste et repris par un chœur dans lesquels paraissent des mots de leurs anciens dialectes. Ils chantaient et pleuraient leurs peines et leurs maux, en se languissants ou en accélérant le rythme.

Cette musique est en plus des mots malgaches et africains, accompagnée d’onomatopées destinées à appeler les esprits. Musique de transe et de possession se joue au départ lors de services, en hommage aux ancètres. Cette musique est aussi le moyen de se moquer des maîtres quelques paroles sont en Français. Les colons craignent ces services kabaré jusqu’à les proscrirent dans leurs propriétés. Ces chants, danses et complaintes se pratiquent en cachette des maîtres après le labeur, le plus souvent le soir dans les camps ou à l’extérieur des cours d’usine. Ces chants et danses marquent aussi la fin des campagnes sucrières.

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Joueur de kayamb et de bobre- Acrylique SVT

Le Maloya « la danse des Noirs » est longtemps décrié par la population fortunée de la colonie qui ne jure que par le quadrille, la polka, la valse et d’autres danses européennes. Au début du XXe siècle, alors que le tchéga devient Maloya, le séga gagne les salons de la bourgeoisie locale. Des compositeurs comme Georges Fourcades, Jules Fossy ou encore Jules Arlanda, créent des chansons au son des instruments européens comme la guitare ou le violon en y ajoutant quelques rythmes locaux sans y inclure les percussions. Ils créent ainsi un folklore réunionnais copié par ses refrains et ses couplets sur les chansons européennes. D’après Stéphane Grondin, le « maloya est surtout lié au culte des ancêtres. » c’est le « Maloya lespri. » on distingue plusieurs autres sortes de maloyas. Le Maloya kabaré est « composé d’un pléré et d’un kasaz en maloya (question réponse); le Maloya valsé reprises de vieilles chansons françaises ; le séga Maloya « semble être l’ancêtre du maloya moderne ».

Dans les habitations, les esclaves ont laissé place aux engagés à majorité indienne, qui ne sont pas mieux lotis et considérés que leurs prédécesseurs dans les calbanons et dans les champs de cannes à sucre. Ils chantent en marmonnant quelques paroles que d’autres reprennent en chœur. Alors que les revendications sont réprimées sévèrement, les engagés épousent celles des « Caf » et les rejoignent dans leurs chants qui deviennent gémissements et plaintes se rapportant à leurs situations d’exploités. Cette tradition orale est ainsi perpétuée. Selon Gaston Hoareau , le terme « Maloya » a plusieurs significations suivant les dialectes de la zone. Au Mozambique Maloya signifie : sorcellerie ; au Zimbabwe : Grand sorcier ; à Madagascar Maloy aho : Parler ; et en Bambara, maloya veut dire : honte.

En 1946, La Réunion n’est plus colonie mais département français. Pour Stéphane Grondin : « Le maloya est prohibé par l’administration en place car le parti communiste avait repris les rythmes du maloya pour porter le message de la révolte contre l’ordre établi par la plantocracie au pouvoir depuis toujours. »
Il n’en sera pas moins joué dans les cours de particuliers descendants d’esclaves ou d’engagés. A chaque réunion politique du parti, le Maloya sera interprété. Cette musique porte en elle le poids de l’histoire de toute une partie de la population réunionnaise que ne se reconnait pas dans les canons véhiculés par le pouvoir colonisateur et esclavagiste, ce peuple uniquement blanc.

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Maloya -SVT -Huile Les années 1960-1970, le séga passe à la radio, est chanté et dansé dans toutes les fêtes alors que le maloya ne passe pas à l’antenne mais continue à vivre véhiculé par les chanteurs comme Gramoune Baba, Gramoune Lélé, La Rwa Kaf et des familles entières dévoués à cette musique devenue mouvement de revendication et de reconnaissance de leur histoire occultée. Au départ musique cultuelle et rituelle, puis contestataire, le Maloya se positionne aujourd’hui comme LA musique traditionnelle de l’unité réunionnaise. De nombreux acteurs dont Daniel Waro, Firmin Viry, Alain Peters, le groupe Ziskakan, entre autres ont participé à sa préservation et à son expansion depuis la fin du XXe siècle.

L’arrivée au pouvoir des Socialistes et du Président Mittérand en 1981, entrainent pour la première fois la fête du 20 décembre 1982 comme date anniversaire de l’abolition de l’esclavage à La Réunion. Cet évènement a donné au Maloya une reconnaissance officielle et la possibilité de paraitre enfin au grand jour.

Le 1er octobre 2009, le Maloya est classé au patrimoine mondial de l’UNESCO suite à un dossier présenté par la Maison des Civilisations et de l’Unité Réunionnaise, le Pôle régional des musiques actuelles et plusieurs artistes.

Sources :

- Monique Desroches et Guillaume Samson – ethnomusicologues – ouvrage collectif « Anthropologies de la Réunion » paru fin 2008 Sous la direction de Christian Ghasarian. Ont aussi participé à cet ouvrage : Hélène Paillat Jarousseau, Patrice Pongérard, Jean-Pierre Cambefort, David Picard, Laurence Pourchez, Philippe Vitale, Michel Watin, Barbara Waldis, Richard Lee Tin, Stéphane Nicaise, Laurence Tibère, Monique Desroches, Guillaume Samson, Françoise Vergès. – Benjamin LAGARDE. Doctorant en anthropologie à L’Université de Provence – France, il a publié en collaboration avec G. Samson et C. Marimoutou « L’univers du maloya. Histoire, ethnographie, littérature en 2008″ (Océan éditions, La Réunion) – Stéphane Grondin –président du maloyallstars – - Gaston HOAREAU « Explication succincte du maloya », (extraite de « Bourbon Maloya », triple CD Audio, Association les Chokas). Anon vwar an liyn : Blog d’André Robèr

article issu de zinfos974.com, écrit par Sabine Thirel et publié avec son aimable autorisation

le maloya : tradition réunionnaise d’origine africaine

LE MALOYA : une tradition d’origine africaine

Chacun sait que dans son désir de développer la colonie, l’Ile de la Réunion a fait venir de nombreux esclaves- puis des engagés- pour les remplacer dans les champs de café puis de canne à sucre. Ceux ci devaient travailler près de 12H/jour mais pouvaient heureusement se retrouver dans un coin de l’exploitation la nuit, dans le « camp des noirs ». Là, il leur fallait « évacuer » le tensions générées par les multiples brimades et contrariétés, vécues tout au long de ces dures journées de labeur. Et c’est tout naturellement à travers la musique et la danse qu’ils le firent…

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Gramoune LELE, un « grand » du maloya

Un peu d’histoire

Historiquement pratiqué durant l’esclavage- il aurait été dansé de force pour « faire de l’exercice » sur les ponts des bateaux esclavagistes interdit durant l’engagisme, pratiqué par les gens les plus simples et les plus défavorisés montré du doigt ensuite, (fin XIXe/début XXe siècle) le maloya renaît après 1970 avec Gramoune LELE, le roi KAF, Firmin VIRY, Patrick PERSEE, Daniel WARO, ZISKAKAN, BASTER, TI FOCK, CIMENDEF… Il va devenir un symbole fort: celui de l’identité réunionnaise, celui de tous les opprimés.

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Des gars de ZANZIBAR le chantaient et le dansaient toute la nuit avant d’enterrer leurs morts. (Service Kabaré)

Aujourd’hui encore quelques familles malgaches organisent du côté de Rivière St Louis et de Paniandy un « servis malgas » : cérémonie funéraire faite en l’honneur de leurs ancêtres. Des offrandes sont déposées sur un autel

ou sur des feuilles de banane consacrées puis consommées.

Le maloya est alors joué toute la nuit.

On partage aussi un repas communautaire.

Le chant du MALOYA

Alors le maloya : chant ou danse ? en fait les 2, chant et danse ne devraient jamais être dissociés. Le chanteur lance des invectives, donne des instructions aux danseurs pour les encourager et orchestrer la danse.

Souffrance, haine, joie… C’est à la fois un chant d’espoir et de douleur. Interprèté par les colons comme « une preuve que les esclaves étaient heureux puisqu’ils chantaient »,le maloya évoque la mélancoliela lascivité, le chagrin de la patrie perdue. On chante donc le pays des ancêtres, les traditions perdues, on rend hommage aux morts et on dialogue avec les esprits…

Les thèmes abordés peuvent aussi concerner l’amour, la misère, la reconnaissance, le travail, des revendications… et de façon générale la joie, la peine, la douleur, le bonheur d’être ensemble..

Dans le maloya chanté, un soliste va lancer une phrase par exemple : « A semin granboi ca le long ». Les autres chanteurs vont répondre en chœur « A tipa tipa narivé » Cela s’apparente aux chansons françaises de cabaret du XIXe siècle.

LES INSTRUMENTS « MODERNES » DU MALOYA

Aux origines, les esclaves utilisaient des objets de récupération : caisses en bois, tonneaux, vieux bidons métalliques, boites de conserves vides… Puis les instruments devirent plus sophistiqués ; Il s’agit de :

1)le kayamb : instrument plat fabriqué à partir de tiges de fleurs de canne à sucre clouées sur un cadre de bois léger. remplies de graines sphériques très dures de safran sauvage

2)le rouleur : gros baril monté à partir d’une barrique sur laquelle on tend une peau de bœuf (origine Afrique de l’Ouest)

3) le bobre : corde végétale tendue sur un arc et doté d’une calebasse pour servir de caisse de résonance. Il est frappé par une tige, appelée Kouti ( origine :Madagascar, Afrique de l’Est, Inde du Sud)

4) le DJEMBE : petit tambour en forme de vase creusé& dans du bois dur et sonore, recouvert d’une peau de chèvre ou de gazelle tendue par des cordes très solides

5) le PIKER : 2 entre-noeuds de gros bambou de 10 cm de diamètre. Longueur 80 c. Son très aigu. Frappé à l’aide de 2 baguettes très dures.

Ces instruments se voient souvent complétés par un triangle.

Le chanteur invective les danseurs et les encourage. Proche de la transe ce rythme accéléré permettait de libérer les esprits et les corps jusqu’à l’aube.

Une danse de séduction ?

Ils forment au départ un cercle dans lequel ils entrent progressivement. Le cercle s’organise autour ou face aux instruments. Avant cela se passait autour d’un feu…

Les danseurs se relayent au centre du cercle, ne se touchent jamais : il s’agit en fait d’une sorte de parade amoureuse, d’une danse de séduction. Les positions sont lascives, souvent à caractère érotique. Chez l’homme il s’agit surtout d’un piètinement permettant le roulement du bassin et des hanches, le danseur tournant sur lui même. Les femmes portent des robes longues qu’elles remontent jusqu’ aux genoux…Elles peuvent se mettre à genoux invitant le danseur à se pencher au dessus d’elles… Il n’ y a pas de figures imposées.

Le Séga, lui était dansé dans les salons huppés de la colonie.

Ami internaute : vous faîtes partie d’un groupe de maloya ? nous aimerions des photos de vos instruments et pourquoi pas une interview sur votre groupe ? Contactez nous sur « laissez un commentaire »

P.L

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