Archive pour la catégorie ‘patrimoine’

L’usine sucrière de « La Mare » :sur l’ ancienne concession d’Augustin PANON

L’usine sucrière de la Mare est construite, en 1854, par M. Adam de Villiers, déjà propriétaire de plusieurs sucreries dans l’île. Elle remplace les petits moulins privés (à bras ou à mulets) devenues trop vétustes de la Convenance, l’Espérance, la Confiance, des Cafés, de la Ressource, du Chaudron, de la Rivière des Pluies et bien d’autres.

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la Mare – Huile S.T

Le 6 avril 1697, Joseph Bastide, commandant de la Compagnie des Indes Orientales, attribue à Augustin Panon, la concession de la Mare dont le nom vient du plan d’eau, formé dans la petite ravine qui traverse l’endroit. Cette concession est limitée à l’est par la ravine, à l’ouest par la Rivière des pluies. Augustin Panon, époux de Françoise Chatelain, y installe sa famille. Joseph, son fils sera appelé « Panon la Mare ».
La canne à sucre est amenée à l’usine pour être broyée depuis les hauteurs de Sainte-Clotilde et de pratiquement toute la commune de Sainte Marie depuis la Ravine des Chèvres, Flacourt, Terre Rouge, la Grande Montée, Gillot, Moka dont les plantations de café ont été remplacée par la canne.

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Embouchure de la Ravine Charpentier

Pendant près de 50 ans, le sucre est acheminé jusqu’à la marine située sur le littoral de Sainte-Marie, à l’embouchure de la Ravine Charpentier. La marine a complètement disparue, il n’en reste aucun vestige. Le transport se fait manuellement, à dos d’hommes en charrettes avec des animaux de trait.

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L’usine de la Mare n’a pas connu l’époque de l’esclavage. Cependant, dans les années 1860, les engagés en majorité indiens sont les travailleurs de l’usine. Certains d’entre eux logent dans des paillottes, à l’arrière de la maison du directeur. L’autre camp des engagés du sucre fait de moellons, de chaux et de sucre se trouve de l’autre coté de la ruelle. Les longères sont séparées, en habitations présentant à l’avant un petit jardin souvent fleuri, et à l’arrière une petite cour occupée par des clapiers et des poulaillers.

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Les sucriers s’organisent en établissant leurs entrepôts près des marines de Saint-Denis où ils résident. Même s’il faut traverser la Rivière des Pluies à gué jusqu’en 1935, ils passent leur temps entre leurs plantations et leurs bureaux de la capitale. A l’apparition du chemin de fer de la Réunion en 1882, le sucre est chargé dans des wagons. La voie aménagée qui dessert l’usine, est reliée au réseau de chemin de fer qui passe en contrebas de l’usine. Alors, les wagons sont rattachés aux convois et tractés jusqu’au Port de la Rivière des Galets. Les sucreries de Bourbon, en deviennent propriétaire au milieu du XXe siècle. En 1958, l’usine sucrière de la Mare équipée de centrifugeuses automatiques et les régulateurs de vitesse, est la plus moderne de l’île.

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maisons de fonction

Les employés et techniciens de l’usine logent dans les maisons de fonction dont les ruelles débouchent face à l’usine. Pendant la campagne sucrière, ils doivent être disponibles 24 heures sur 24 et intervenir dans l’heure Si nécessaire. En ce qui concerne les travailleurs et les ouvriers, ils sont installés dans des petites maisons individuelles plus à l’ouest de la propriété. Leurs horaires de travail sont planifiés selon la méthode des trois huit. En revenant vers l’usine, regagnant la plate forme, 3 citernes de mélasse, destinée à la distillerie de la Mare, se postent devant le long bâtiment de la première usine en moellons et pierre de basalte où les ouvertures en demi-lunes grillagées servaient d’aération.
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Allée de Flamboyants – la Mare – Huile S.T

Plus vers l’usine, les bureaux de l’administration et de la comptabilité portent fièrement « 1697 » sur la façade. Il s’agit de la date d’attribution de la concession de La Mare à son premier occupant. Les balances à cannes se positionnaient à 2 des 3 entrées de la plate-forme. Tous ces bâtiments, structures et machines ont disparus. Les ateliers longent le chemin de sortie qui mène à la route nationale qui passait elle aussi au pied de l’usine. C’est là, au début du XXe siècle que les cérémonies indiennes s’effectuaient avant d’être déplacées vers un temple hors de la « Cour La Mare ». Lorsque que la petite distillerie ferme, la mélasse est transportée à celle de Savanna. Fin des années 1960, une fabrique de panneaux d’aggloméré de bagasse est testée pour récupérer les résidus de cannes. Le résultat est médiocre et la technique est abandonnée.

 
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Plate-forme de l’usine de la Mare

Une « boutique chinois » est incontournable sur la route de Sainte-Marie, d’autres boutiques, une école marron, à l’ombre des flamboyants qui se laissent voler la vedette par les panaches de vapeur formés par les jets d’eau chargés de refroidir les tuyaux de l’usine. Dans l’angle formé par l’usine et le bassin des jets d’eau, le laboratoire effectue des analyses des taux de sucre aux différentes étapes de sa fabrication. C’est là aussi que se trouve la sortie du sucre, en balles de goni de 80 kg, fermées par des ouvriers munis de grosses aiguilles recourbées. Les dernières années de fonctionnement, les camions s’approchent du tapis où le sucre tremblant sur le tapis de séchage se déverse directement dans les bennes et les silos des camions.

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L’usine est formée de plusieurs bâtiments, le bâtiment des moulins lui-même est précédé d’une large plate forme où dominent deux grappins dont un grappin américain monté dans les années 50 et la maison du directeur, longtemps maison mère du Groupe Bourbon, est occupée aujourd’hui par CBO Territoria. Cette grosse maison coloniale donne sur la plate-forme où sont déposées les cannes amenées à l’origine par des charrettes, puis des petits camions et enfin par des tracteurs à remorques ou des cachalots jusqu’à peu avant sa fermeture en 1982.

On a du mal à s’imaginer aujourd’hui, la surface du « Battant des lames » à environ 500 mètres d’altitude, de la Ravine des chèvres à la Rivière des pluies en passant par Gillot, recouverte de champs de cannes à sucre et de vergers. Sainte-Marie est la porte du « Bon pays ». Le pays des bonnes terres copieusement arrosées par les pluies bénéfiques mais aussi subissant l’érosion et les méfaits du mauvais temps comme les avalasses et cyclones. L’usine devient vétuste à son tour et avec le progrès, les récoltes de cannes à sucre de toute la région nord-est alimentent Bois Rouge.

La vie, la sueur et le sang de plusieurs générations de travailleurs, descendants d’engagés de toutes origines, descendants d’esclaves et de petits blancs ont été réduits à néant, écrasés et broyés par des engins de démolition. Aucune ruelle ne porte le nom d’un ingénieur, d’un directeur, d’un technicien ou d’un ouvrier de valeur qui a travaillé là (sauf Marinié). Aucune pancarte ne raconte l’histoire de ces gens qui ont fait La Mare, son rhum et son sucre. Sur cet espace de mémoire se montent des structures modernes qui abritent des bureaux qui continueront à effacer l’histoire.

Sources : LAVAUX (Catherine), La Réunion, Du battant des lames au sommet des Montagnes.
-Le Patrimoine Des Communes De La Réunion.Auteur:Collectif- Editeur : Flohic- Collection:Le Patrimoine Des Communes De France- 2000

Sabine Thirel

Le cimetière marin de St Paul

Le cimetière marin situé entre ciel et mer, n’est plus uniquement un lieu de recueillement, au fil des générations, il est devenu aussi un site de mémoire. Nombre de ceux qui ont peuplé La Réunion y reposent

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ancre annonçant un cimetière marin

Vers 1788, le cimetière marin, le plus vieux de l’île, est fondé à l’extrême sud de la ville entre la plage et la falaise. Au détour des allées désordonnées, les noms de Bellon, Cadet, Caron, Damour, Launay, Lougnon, Nativel, Payet, Petit, Royer, Tessier, Touchard, Vergoz et de bien d’autres pères de familles créoles, y sont inscrits. Alexandre Monnet religieux catholique français combattant infatigable de l’esclavage, les naufragés du Ker Anna y reposent également. Certains pensent y trouver le caveau de Mme Desbassyns, mais en fait il s’agit de celui de son époux. Apolline, elle est inhumée dans la chapelle pointue à Saint-Gilles les Hauts.

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Tombe de Leconte de Lisle surmontée de son buste (devant)

Dans l’allée principale, les tombes de poètes et d’écrivains nés à Saint-Paul se côtoient Eugène Dayot (1810-1852), Charles Leconte de Lisle (1818-1894) de retour dans l’île en 1977 après avoir été enterré à Paris au cimetière Montparnasse. Il repose dorénavant avec son épouse, pas très loin de la Ravine du Bernica dont il a chanté les louanges dans ses Poèmes Barbares. En se déplaçant dans ce lieu chargé d’histoire, on peut lire des poèmes, un d’Eugène Dayot sur sa propre tombe, « Le Manchy » de Leconte de Lisle sur celle de sa cousine, Célimène Delanux …

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fausse tombe du vrai pirate La Buse

A l’entrée nord, une tombe plate d’Olivier Levasseur dit La Buse, célèbre pirate qui a écumé les mers du sud et en particulier la Mer des Indes, porte une croix en basalte taillée gravée d’une tête de mort. Mais bien que la croyance populaire l’y fasse reposer, il a été condamné à être pendu en 1730, presque 60 ans avant la création de ce cimetière. C’est juste avant sa pendaison qu’il a jeté une carte dans la foule en criant : « Mon trésor à qui saura comprendre ». Aujourd’hui, malgré l’ardeur des chercheurs de trésors (autorisés ou marrons), bon nombre d’indices et de repères ont disparus, le trésor de La Buse n’est pas pour autant mis au jour.

 
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A quelques mètres de là et d’ailleurs dans tout le cimetière, de nombreux petits caveaux gris et arrondis, sans aucune inscription seraient celles des huguenots, eux aussi débarqués au cours du premier siècle de peuplement et parfois de navires pirates. Ces flibustiers ont bénéficié de la clémence accordée à ceux qui faisaient serment d’abandonner la piraterie pour devenir d’honnêtes citoyens, avec leurs butins ils ont pu acquérir des concessions à Bourbon. Nombreux sont ceux qui ont fait souche (Huet, Le Baillif, Grimaud, Picard, Boucher…) et dont les noms sont courants dans l’île.

Le cimetière marin n’a pas de plan particulier, il peut être visité dans un sens comme dans l’autre, au hasard des allées. Cependant, construit sur le sable à quelques mètres à peines de la mer, il est rongé régulièrement surtout lorsqu’il subit l’assaut des vagues pendant les cyclones.

Sabine THIREL

Histoire du ti-train lontan

La construction d’un chemin de fer, moyen de transport en commun de personnes et de marchandises, s’impose à La Réunion du XIXe siècle. En effet son économie, essentiellement basée sur la production de canne à sucre, demande de nouveaux moyens de communication. Le sucre est jusqu’alors acheminé par des moyens archaïques à dos d’hommes, par charrettes et bêtes de trait, par les chaloupes des marines installées tout autour de l’île.

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un relief accidenté…

 

Plusieurs gouverneurs comme Vauboulon et Henri Hubert Delisle et des élus s’intéressent au chemin de fer dès 1858, puis 1865 mais les projets jugés trop onéreux, sont abandonnés. En 1872, Pallu de Labarrière et Lavalley qui a travaillé sur le chantier du Canal de Suez, prennent le relais. Les négociations et les accords avec le Conseil général et les Conseils municipaux durent 5 ans.

En 1878, La Réunion est toujours privée de port et de voies de communication suffisantes. Cette situation n’avantage pas le développement économique de l’île. Le Port de Saint-Pierre commencé depuis 1851, n’est pas encore livré et ne sera jamais adapté aux nouveaux navires à vapeur à fort tonnage qui veulent accoster à La Réunion. L’île connait une crise économique et ne peut s’en sortir qu’en exportant ses productions.
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La construction de ce moyen de communication présente de grandes difficultés dues au relief particulièrement accidenté de l’île, d’autant que les exploitations et les usines sucrières sont réparties sur toute l’île. Les chantiers du chemin de fer de Saint-Pierre à Saint-Benoît, couplé avec celui du port de la Rivière des Galets, sont déclarés d’utilité publique le 19 août 1876. La constitution de La Compagnie du Chemin de Fer et du Port de La Réunion (CPR) est établie le 28 février 1878. Les travaux commencent alors. M. Blondel ingénieur dirige les travaux, les ingénieurs marquent le trajet, de Saint-Benoît à Saint-Pierre, la construction du port et du chemin de fer bénéficie de concessions gratuites, pour 99 ans, à prendre sur les terrains des pas géométriques, réserves du domaine publique.

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Il longe le littoral, passe sous la Montagne par un tunnel de 12 kilomètres sous le Cap de la Marianne (3 m de large), surplombe, la Rivière des Galets, l’étang de Saint-Paul, la Petite Ravine, la Grande Ravine, la Ravine des Colimaçons dont nous pouvons encore voir l’ouvrage d’art, la Rivière Saint-Etienne (le plus long 520 m) et la Ravine des Cabris à Saint-Pierre. Vers l’est, le chemin de fer passe sur la Rivière des pluies, la Ravine des Chèvres, la rivière du Mât, la Rivière des Roches, et par un tunnel sous le Phare de Sainte-Suzanne. Le trajet total est de 126 km.

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un viaduc

La main-d’œuvre nécessaire à ces travaux gigantesques est de 15000 ouvriers créoles et des mineurs et artificiers italiens du Piémont spécialement engagés. Ces hommes travaillent jours et nuits. En plus des gares, des quais de voyageurs, des voies de garage et d’évitement , des leviers d’aiguillages, et des logements de chefs de gare,… les viaducs de pierres, les ponts métalliques et en maçonnerie, les aqueducs et tunnels entrecoupées de lignes droites ou courbes se succèdent. Les rails croisent souvent les voies de circulation existantes. En ville, le chef de gare précède le train, drapeau à la main pour signaler le danger.

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Locomotive et gare de la Grande Chaloupe

Un mètre sépare les deux rails alors qu’en France la distance est de 1,44m. Même si cette particularité du Chemin de fer local, limite le développement du train qui restera un petit train, le transport des marchandises et des récoltes gagnent en rapidité et en tonnages de plus en plus importants. La locomotive roule à une vitesse moyenne de 18 km/heure, elle peut pousser des pointes de vitesse à 28 km/h. Les déraillements réguliers dûs à l’étroitesse de ses rails et aux courbes trop brusques, ainsi que les visages recouverts de suie à la sortie des tunnels deviennent une part folklorique des voyages en « ti-train ».

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Entrepôt et gare de St-Denis

Le trajet de la Possession à Saint-Denis passant par le tunnel, percé de trous d’aération, est inauguré le 9 août 1881. Fin 1881, les gares de Saint-Leu et de Saint-Paul voient arriver la locomotive. Les Entrepôts et magasins des marines poursuivent leurs rôles pendant la période du « ti-train » qui amené par une locomotive à vapeur Schneider ou de type « Creusot » désenclave les écarts de l’île et permet de rejoindre Saint-Benoît à Saint-Pierre en 4 heures.

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Gare de Ste-Suzanne

Treize gares marquent l’itinéraire du chemin de Fer Réunionnais, un arrêt par ville au minimum de Saint-Benoît à Saint-Pierre, avec des haltes intermédiaires selon l’étendue géographique de la commune. L’inauguration par le gouverneur Pierre Etienne Cuinier se fait sur 2 jours, le 11 février 1882 pour la partie est de Saint-Denis à Saint-Benoît, et le lendemain le 12 février, pour la partie ouest jusqu’à Saint-Louis, le tronçon Saint-Louis – Saint Pierre, non terminé, est prévu quelques mois plus tard.

Ainsi, 4 ans de travaux (1878-1882) ont été nécessaires pour la mise en place de ce moyen de transport révolutionnaire. Son coût important de 9 millions de francs était en rapport direct avec la géographie particulière de l’île, 3 millions ont été utilisés uniquement pour le tunnel de la Montagne. Pendant 80 ans, il servira l’île et sera incontournable. Cependant, au fil des années, devenu vétuste, le tronçon ouest est fermé en 1957. La fermeture du tronçon Saint-Denis-Saint-Benoît est simultanée à la livraison de la Route du Littoral en 1963. Ce n’est qu’en 1976 que la liaison Saint-Denis-la Possession par les 11 km de tunnel est à son tour supprimée.

Sabine THIREL

Source : « Le petit train longtemps » par Éric Boulogne.

Le caveau des Anglais de Ste Suzanne

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Le Caveau des Anglais

Un espace n’existant nulle part ailleurs à La Réunion, se trouve dans le cimetière de Sainte-Suzanne : » un cimetière dans le cimetière ». Des sépultures entourées de murs blanchis à la chaux forme un caveau nommé « caveau des Anglais » par la mémoire populaire.
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Au début du XIXe siècle, les Anglais en guerre contre la France de Napoléon 1er, prennent possession de l’île Bonaparte (Bourbon). Cette prise de possession n’est pas faite aisément. On compte plusieurs morts de chaque côté. Ainsi ils occupent l’ile de 1810 à 1815. Les morts au combat et autres ressortissants anglais sont inhumés dans un caveau grandiose situé en haut de la bute de Bel Air.
Le premier cimetière de Sainte-Suzanne est implanté à l’arrière de l’église, le long de la rivière Sainte-Suzanne. C’est seulement à partir de 1830 que le cimetière de la ville se déplace à Bel Air, entourant le premier caveau de plusieurs autres plus petits. Le caveau des Anglais (1786 – 1873) forme ainsi un cimetière à l’intérieur de l’autre.

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Ce monument funéraire constitué de pierres de taille, de moellons est en maçonnerie. Il se compose d’un caveau initial datant du XVIIIe siècle, en forme de gros cube de béton, il mesure « 6,45 m sur 7,94 m et est haut de 3,60 m ». En 1786, Pierre Antoine Thuault de la Flocherie (1734-1786) est la première personne à y être inhumée.
Pendant cette période d’occupation, les Anglais sont partout mais ne s’investissent pas dans les décisions administratives ou politiques importantes. L’esclavage est maintenu. D’ailleurs, les esclaves ne sont pas enterrés dans les cimetières. Le statuquo est de mise. Les fonctionnaires français restent à leurs postes. Les règlements et la presse continuent à être publiés en langue française.

A la retrocession de l’ile en 1815, les dépouilles de soldats anglais sont emportées comme celle du Commandant Corbett inhumé à Sainte-Rose. Le caveau reste inoccupé jusqu’en 1829, (Dame Dejean). A son décès en 1873, Paul Sicre de Fonbrune l’occupe à son tour. Son épitaphe porte noms, dates et récompenses :
« Chevalier Paul Charles Auguste Sicre de Fontbrune
Ancien officier des armées du Roi
Chevalier de l’Ordre Royal et Militaire de Saint-Louis
Né à Saint-Denis le 21 mars 1759
Décédé le 25 mars 1840 »

Au XIXe siècle sont venus s’ajouter deux prolongements. Le premier, posé contre le caveau, tout en long, abrite deux petits mausolées surmontés de plaques en marbre blanc et deux plus grands surmontés d’un toit plat. A l’entrée se trouve une énorme dalle de basalte taillée et gravée manuellement. Un autre plus petit, abrite quatre plaques de marbre à même le sol.
Cette lettre de Chanvallon, inspecteur général en poste pendant l’occupation anglaise, adressée au Gouverneur général Farquhar pourrait peut-être donner un début d’explication à ces enclos :
«Déjà lorsqu’en 1785, j’étais administrateur en chef de cette colonie, j’avais été frappé par l’indécence des sépultures (…) Les églises tombant partout en ruine(…) ne prêtent que trop souvent au ridicule (…) le cimetière ouvert maintenant de tous côtés, laisse un libre passage aux chiens et à tous les animaux qui viennent déterrer les cadavres (…).

Le cimetière de Sainte-Suzanne en plus de la valeur patrimoniale du Caveau des Anglais mais aussi de nombreuses autres munoments, a une valeur historique certaine.
La restauration des monuments, mausolées, tombes et caveaux a été assurée pendant une dizaine d’années, par des étudiants de l’Université de La Réunion et des membres de l’Association pour la Sauvegarde du Patrimoine de Sainte-Suzanne. Le résultat est édifiant. La lisibilité comme la préservation sont assurées.
Le long des larges allées, le promeneur a le regard dévié vers le phare et la mer proches puis plonge dans une époque révolue mais pas si lointaine. Ce cimetière historique vaut le détour.

Sources :
Prosper Eve « Un Quartier du « Bon Pays » Sainte-Suzanne de 1646 à nos jours »
Le mémorial de La Réunion- T2- Direction Henri Maurin , Jacques Lentge
Le Patrimoine des Communes de La Réunion – Le Flohic

Sabine Thirel

Les sources thermales d’HELL BOURG

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« cirque de Salazie » lithographie d’Antoine ROUSSIN « habitation de M.Th CAZEAU »

1831

Elles ont été découvertes officiellement vers 1831 par Adrien Pignolet de Fresnes et Adam de Villiers .En chassant ils découvrent au lieu-dit « bé maho » sur la rive droite du bras sec ( 872 d’altitude), entre le plateau du futur Hellbourg et l’Ilet à Vidot, des sources aux propriétés thermales.

1841

La valeur thérapeutique et médicale de ces sources a été reconnue rapidement.

( 900 à 1300 litres d’eau par heure à une température de 32.5°)

Les premiers curistes s ’ installent dans des cases en bois ou des paillotes près des sources dans le Bras sec .

Progressivement, un village se crée autour des sources thermales, appelé au départ « village des sources » . En 1841 il deviendra district spécial de Salazie

1842

En novembre 1841 le nom d’Hell-Bourg avait d’abord été donné au village du « Petit Sable » (actuellement Salazie), Mais en mars 1842, c’est le village des Sources qui prendra le nom d’Hell-Bourg, En hommage au gouverneur de Hell qui exerça ses fonctions de 1838 à 1841 et qui favorisera le développement du thermalisme

1852

Le 13 juillet 1852 un arrêté colonial autorise une société anonyme Établissement thermal de Salazie à aménager le site, avec établissement de bains et casino.

De grands travaux sont entrepris sur le bras Sec afin de capter l’ensemble des sources et les réunir en deux canaux. Des Lieux de distraction jouxtent l’établissement de bains avec une salle de casino.

Les vertus des eaux thermales conviennent au traitement de nombreuses maladies :

lumbagos, paralysie, maux d’estomacs, problèmes génitaux, urinaires, vomissement, épilepsie, obésité et danse de Saint-Guy

« La température de l’eau au sortir des robinets est de 32°5 centigrades. Ces eaux sont claires, limpides, d’une odeur peu intense et qui rappelle celle de l’encre. Le dégagement de gaz acide carbonique, par petites bulles, est appréciable dans le verre qui vient d’être rempli. Leur saveur est aigrelette et laisse un arrière – goût austère. Après quelques instants de repos, elles déposent sur les parois du vase un sédiment ocracé d’un rouge sombre assez abondant ».

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Les Thermes
dessin de Antoine Roussin

1853

1 décembre 1853 une souscription de billets est lancée

1875

Effondrement

Le 27 novembre 1875, un vacarme considérable résonne dans le cirque de Salazie, une masse rocheuse de prés de vingt millions de mètres cubes s’abat dans la vallée et sur les habitations de Grand Sable. Le Gros Morne qui culmine à 3019 mètres vient de s’effondrer sur un de ses versants, on déplore 63 morts et une quinzaine de cases détruites. Les habitants sont pour la plupart encore ensevelis sous des tonnes de roches.

1879.

Cependant la société ne fait pas de bonnes affaires et l’établissement passe dans les mains d’une autre société qui ne fait pas mieux .Tout tombe en ruine et une crue du Bras Sec lors du Cyclone de 1879 emporte une partie des constructions, notamment le casino et endommage les sources

Le débit des sources diminue progressivement (environ 1,1 litres par seconde) comme sa température et une minéralisation plus faible à tel point qu’on est obligé de stocker l’eau puis de la réchauffer pour les bains.

Cette conjoncture accélère l’exode des curistes qui préfèrent ceux de Cilaos.

1905

En 1905 le Conseil municipal propose à l’administration de racheter les anciens établissements et de tout remettre à neuf puis d’en faire don à la colonie.

En contre partie la colonie s’engage à nommer à Hell-Bourg un médecin civil. C’est le docteur Jacob Cordemoy qui sera nommé médecin résident à Hell-Bourg

Pendant longtemps, le trajet des bourgeois jusqu’à Hell- Bourg se faisait par Chaises à porteurs mais du fait de l’activité thermale qui se développe, la route fut prolongée jusqu’au village.

Hell- Bourg connaît alors une belle période jusqu’en 1920.

Les classes aisées du littoral de l’île, attirées par les thermes viennent également profiter de la fraîcheur du cirque de Salazie dans un mouvement appelé « changement d’air ». Peu à peu, une vie mondaine s’organise : on assiste successivement à la construction et la location de villas (résidences secondaires), Un hôpital militaire, devenu hôtel des Salazes sera construit pour héberger les militaires de Madagascar. On y vient pour ses eaux, son cadre magnifique et son excellent climat. Hell- Bourg devient donc à la mode, et la dernière période brillante de la station est celle animée par le Docteur Manès, qui se partageait entre ses malades et une activité culturelle dont le centre sera le Grand Hôtel des Salazes.

Mais le faible volume d ’ eau disponible, ses variations rapides de température, et les éboulis causés par les différents cyclones font que la fréquentation des sources d’Hell-Bourg n’atteint pas celle du cirque de Cilaos

1948

les pluies lors du cyclone de 1948 entraînent un éboulement qui bouche les sources, et un dynamitage intempestif sonnera le glas des thermes .

À partir de 1948 la fréquentation d’Hell-Bourg s’atténue fortement.

LE 3 MAI 2010

Patrick AUJOULAT

L’oratoire Notre Dame et le mystère St Expédit

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L’oratoire Notre Dame et le mystère Saint Expédit

Situé en hauteur dans un creux naturel formé dans la falaise, le long de la R.N. 2, l’oratoire Notre Dame de Lourdes a eu comme maître d’œuvre, le père Dobenberger arrivé à Sainte-Anne en 1921. De nombreuses autres statues sont posées à l’avant et à l’arrière de cet oratoire. Ainsi, le Christ, la Vierge Marie et Saint Expédit cohabitent.
Sa construction fait suite à l’histoire qui s’est déroulée à cet endroit lors du cyclone de 1862. En effet, un énorme raz-de-marée s’est jeté sur la côte, balayant tout sur son passage. Les habitants de Saint-François, la petite bourgade située entre Saint-Benoît et Sainte-Anne, avaient trouvé refuge dans l’excavation surélevée. La mer ne les a pas atteints, ils ont été sauvés. Il faut noter que le même phénomène s’est produit un siècle plus tard, en 1962 avec le cyclone Jenny, qui à son tour, balaye le petit village situé en bord de mer. Cette fois 12 personnes périssent et le village est rasé par l’énorme vague. Comme à chaque fois où il se passe un évènement exceptionnel, les croyants de la Réunion sont venus prier à cet endroit. Le Père Daubenberger arrivé à Sainte-Anne en 1921 (Cf. Église de Sainte-Anne – Chef d’œuvre architectural) y établit un oratoire qui est fait de lave, de moellon, de pierre de taille et de béton et décoré de sculptures.

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Arrière oratoire Notre Dame de Lourdes

Initialement construit en l’honneur de la Vierge et du Christ, cet édifice abrite aujourd’hui, un autre personnage : Saint Expédit qui est aussi très sollicité dans l’île. L’histoire de ce saint est incertaine,

La « chapelle des forbans » de Ste Marie

 

La chapelle est établie en haut de la petite falaise qui domine la baie de Sainte-Marie. Selon la légende des pirates en danger avaient promis à la vierge Marie de construire une chapelle en son honneur s’ils s’en sortaient vivants avant de se jeter sur la côte.

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la « chapelle des forbans »

 

Chapelle de la Salette -Ste Marie. En 1667, l’ile est tout juste occupée par une centaine d’habitants centralisés dans la région de Saint-Paul. Des bateaux marchands ou pirates de passage s’y ravitaillent avant de reprendre la mer.
Un jour de février, un bateau pirate croise au large de l’île à la recherche de proies faciles. Mais il se trouve face à une flotte envoyée par le roi de France. Les pirates ne savent pas qu’il s’agit de l’escadre de Montdevergue, envoyée à Bourbon par le roi de France et la Compagnie des Indes Orientales.
Cette escadre est la deuxième que le Louis XIV envoie pour peupler et occuper l’île Bourbon. Il a désigné le chef de l’expédition. Il s’agit de François de Lopis, marquis de Montdevergue.

La flotte se compose de 10 navires sur lesquels se trouvent près de 1 590 hommes dont 3 douzaines d’orphelines à marier. Les hommes sont choisis selon leurs qualifications, des militaires qui forment 4 compagnies, des ouvriers spécialisés, des fermiers et des employés. Bien entendu pour un voyage assuré, se joignent à eux des officiers de marine, des hommes d’équipage et des matelots.
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L’escadre quitte La Rochelle en mars 1666 et arrive dans l’île en février 1667. C’est l’époque de la marine à voile. Le convoi doit suivre les courants et les vents favorables pour arriver à destination. Comme cela se passait souvent à l’époque, après avoir quitté les côtes européennes, les navires descendent plein Sud vert la côte occidentale de l’Afrique, puis portés par les vents, ils traversent l’Atlantique pour arriver à hauteur du Brésil avant de revenir sur le cap des Tempêtes. Une fois dans l’Océan Indien les vents portent les voiliers le long du 40e parallèle avant qu’ils remontent le long du fuseau 22 pour arriver à hauteur de Rodrigue et de se diriger vers Bourbon.

 

 

L’escadre est bien mal en point à la fin du voyage, un an plus tard. En effet, à son arrivée dans l’île, le convoi a perdu quatre navires et 400 hommes. De plus, 200 malades sont débarqués, mais seulement 60 d’entre eux survivront.
Les personnes qui arrivent alors à Bourbon sont : François Mussard, maître menuisier – Jean Bellon époux de Antoinette Arnaud – Hervé Dennemont époux de Léonarde Pillé – Michel Esparron, dit « Latour » sera l’époux de Françoise Chatelain une des grands-mères réunionnaises – Jeanne de la Croix, femme de Claude Mollet dit  » Labry  » – Marguerite Compiègne descendante d’une famille de cultivateurs picards – Jacques Compiègne et Marguerite Monteny et leurs deux filles – Antoine Royer qui épousera Marguerite Texere une indo-Portugaise – Anne Billard qui épousera Pierre Pau – Jean Mirebaudet sa femme Malgache Anne Randranar – Marie Baudry qui se mariera à René Hoarau (habitant de Bourbon à son arrivée) .

En effet, étaient arrivés en 1665 avec Etienne Regnault, semble-t-il : Pierre Collin, Hervé Dennemont, Jacques Fontaine, Pierre Hibon, René Hoarau, Gilles Launay, Claude Mollet, François Mussard, Pierre Pau, François Riquebourg, Athanase Touchard et François Vallée.

En 1667, au large de Sainte-Marie, les pirates se croient perdus, ils unissent leurs prières et promettent à La Sainte Vierge de lui construire une chapelle à l’endroit où ils toucheraient terre et où ils seront en sécurité. En effet, pourchassé par l’escadre, le navire essaye de le distancer et de lui échapper mais il se fracasse sur la plage de galets de Sainte-Marie.
Ainsi, tenant leur promesse les survivants du naufrage construisent une petite chapelle à Sainte Marie avec les débris de leur navire. La chapelle en bois dédiée à la Salette a complètement disparu; une autre en pierre, devenue lieu de pèlerinage, l’a remplacée. Elle abrite la dépouille du Frère Scubillion, le Bienheureux protecteur des esclaves.

Dans « le Patrimoine des Communes de La Réunion », c’est la Chapelle Blanche (l’église de l’immaculée Conception) de la commune de Sainte-Marie qui est construite à l’endroit où se trouvait de la première chapelle des pirates. On y apprend que Anne Mousse  » négresse créole et son second mari, font édifier a Chapelle Blanche » en 1829.
L’histoire ne dit pas qui étaient ces pirates, s’ils sont restés et ont fait souche dans l’île.

Sabine THIREL

Sources :
Revues Maritimes et Coloniales – « La vie quotidienne des colons de l’Ile Bourbon à la fin du règne de Louis XIV » de Jean Barassin – « Naissance d’une Chrétienté, Bourbon des origines jusqu’en 1714″ de Jean Barassin – « L’Histoire de la Réunion » de D. Vaxelaire, vol.1. Mémorial de La Réunion Henri Maurin, Jacques Lentge T.1- « Les Premiers Colons de l’île Bourbon » d’Alfred Rosset. – « Histoire Maritime de France – T. III  » de Léon Guérin – « L’épopée des cinq cents premiers Réunionnais » de Jules Bénard, Bernard Monge – Bulletin du Cercle Généalogique de Bourbon- Camille Ricquebourg, « Dictionnaire généalogique des familles de l’île Bourbon » – « le Patrimoine des Communes de La Réunion » Flohic.

Le père Daubenberger et l’oratoire Ste Anne

Situé en hauteur dans un creux naturel formé dans la falaise, le long de la R.N. 2, l’oratoire Notre Dame de Lourdes a eu comme maître d’œuvre, le père Dobenberger arrivé à Sainte-Anne en 1921. De nombreuses autres statues sont posées à l’avant et à l’arrière de cet oratoire. Ainsi, le Christ, la Vierge Marie et Saint Expédit cohabitent.

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oratoire Notre Dame de Lourdes Ste Anne Sa construction fait suite à l’histoire qui s’est déroulée à cet endroit lors du cyclone de 1862. En effet, un énorme raz-de-marée s’est jeté sur la côte, balayant tout sur son passage. Les habitants de Saint-François, la petite bourgade située entre Saint-Benoît et Sainte-Anne, avaient trouvé refuge dans l’excavation surélevée. La mer ne les a pas atteints, ils ont été sauvés. Il faut noter que le même phénomène s’est produit un siècle plus tard, en 1962 avec le cyclone Jenny, qui à son tour, balaye le petit village situé en bord de mer. Cette fois 12 personnes périssent et le village est rasé par l’énorme vague. Comme à chaque fois où il se passe un évènement exceptionnel, les croyants de la Réunion sont venus prier à cet endroit. Le Père Daubenberger arrivé à Sainte-Anne en 1921 (Cf. Église de Sainte-Anne – Chef d’œuvre architectural) y établit un oratoire qui est fait de lave, de moellon, de pierre de taille et de béton et décoré de sculptures.

Arrière oratoire Notre Dame de Lourdes Initialement construit en l’honneur de la Vierge et du Christ, cet édifice abrite aujourd’hui, un autre personnage : Saint Expédit qui est aussi très sollicité dans l’île. L’histoire de ce saint est incertaine, plusieurs thèses sont avancées. Même l’Eglise se pose des questions sur son authenticité. D’après la légende, ce personnage était un chef romain exerçant en Arménie. En l’an 303 du calendrier romain, il se convertit à la religion chrétienne mais Dioclétien, empereur de Byzance le fait exécuter.

Niche Rond Point de Pierrefonds Selon une autre version,Saint Expédit aurait été inventé par des religieuses qui auraient reçu un colis venant de Rome. Ce paquet contenait des statuettes de soldat romain sans qu’il n’y ait nulle part, le nom de celui qui était représenté. Sur l’emballage, il était seulement mentionné « in expedito ». D’après une autre version encore, lors d’une épidémie une réunionnaise se trouve retenue en France sans possibilité de rentrer dans son île. Elle prie Saint Expédit lui demandant de dénouer sa situation rapidement. Ses prières sont exhaussées, elle embarque à Marseille. Arrivée à Saint-Denis, sa ferveur pour Saint Expédit lui donne la force de persuasion pour qu’on accepte une statue de ce saint dans l’église de la Délivrance.

Oratoire à Saint Expédit Plaine des Cafres Saint Expédit n’a jamais été canonisé par l’Eglise catholique. Son nom est supprimé du martyrologue et ses représentations sont interdites dans les églises par le Pape Pie XI en 1906. Sa statue est accueillie dans les années 1920/1930 à la Réunion et prend une place considérable dans la religion populaire réunionnaise. D’ailleurs dans l’île, les autorités religieuses n’ont pas prohibé son culte. Sa fête est célébrée le 19 avril, sans qu’on en fasse grand cas. On le retrouve dans de nombreuses chapelles et petites grottes. Il est également dans l’église de la Délivrance. Il a encore une stèle entre le Col de Bellevue et le 27ème km à la Plaine des Cafres. Il est situé à 1800 mètres d’altitude surplombant toutes les zones habitées de La Réunion. Ces petits autels à peine capables de contenir une statuette fleurissent le long des routes. Ils sont presque toujours fraichement fleuris et souvent les nombreuses bougies sont allumées.

niche de Saint Expédit De couleur rouge, couleur de sang ou de pratique macabre, ils se remarquent aussi par les nombreux exvotos et les remerciements qui l’entourent. Ce qui est surprenant, c’est que la population se l’approprie le faisant cohabiter avec des icones catholiques. Ainsi, cette croyance est réalisée d’un syncrétisme religieux mélangeant aux rites catholiques ceux venus de Madagascar ou d’Inde. Les croyants fréquentent ces lieux dans la plus grande discrétion. Ils ont recours à Saint Expédit lorsque qu’ils se trouvent face à des problèmes qui s’étalent dans le temps. Il semble être le saint patron des écoliers, des hommes d’affaires et des candidats au permis de conduire. Quels sont les pouvoirs de ce saint ? Dernier recours, St Expédit apparait comme un sauveur énergique et efficace est prié pour des causes délicates parfois inavouables : problème affectif, bataille familiale ou de voisinage, dispute, travail, argent.… Il demande une compensation. Cependant, il est très exigeant sur le respect des promesses faites à son encontre et requiert qu’elles soient totalement respectés.

Saint Expédit/ Le Patrimoine des Communes de France – Coll. Le Flohic – 2000 – p.163, donne une explication un peu plus complète : « Bien que St Expédit ait été retiré du calendrier liturgique puisque son existence n’est pas avérée, il demeure vénéré dans l’ile. De nombreuses niches dédiées à ce saint jalonnent les routes et aussi les jardins des particuliers car, selon la croyance, Saint Expédit est également considéré comme protecteur contre les maléfices et les voleurs. L’usage est d’allumer une bougie dès 18 heures afin de signaler à ceux qui voudraient entrer la présence du saint. C’est en général le vendredi qu’Expédit est prié, dans un rituel au cours duquel camphre et bougies sont brûlés. Brûler du camphre dans une cérémonie religieuse est un rite indou, ce qui s’explique également par le fait de Saint Expédit a été assimilé à Karl, Mardévirin ou encore Salespédy. Son culte est par ailleurs souvent empreint de sorcellerie ». Ces divinités indiennes symbolisent la richesse et la force.

Saint-Expédit est montré en jeune soldat romain debout ayant à la main gauche la palme du martyre; dans l’autre main il présente une croix où est inscrite « hodie » (aujourd’hui). Sous son pied droit il retient un corbeau qui dit « cras » (demain).

Sources : Recherches de Prosper Eve parues en 1977 et de Christian Barat
Philippe Reignier Intervention au Colloque de l’ADFOI : Institutions et cultures. Les enjeux d’une rencontre », samedi 9 juin 2001 (chez L’Harmattan).
EVE P., 1985, « Le culte voué à Saint-Expédit », in « La religion populaire à La Réunion », tome 2, Université de La Réunion, ILA, pp. 36-43 « culte voué à ST Expédit, culte assez discret, est lui aussi validé. Son flux s’exerce pratiquement dans toute l’île. »

Sabine THIREL

L’église de Ste Anne : construite par ses paroissiens…

 

L’église de Sainte-Anne apparait au détour d’une route longeant le bord de mer de la côte Est. Le monument de style baroque est surprenant et inattendu à cet endroit verdoyant. La visite de cette église est un voyage dans le temps, un échange singulier entre l’art et la religion.

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En 1856, la commune achète un terrain à Armand Arthur. En 1857, la paroisse est érigée grâce à Mgr Desprez et l’abbé Cornet. L’église se construit pendant 6 ans (livrée en 1863), sur les mêmes bases que celles de toutes les églises de la colonie.

Elle évoluera à partir de l’arrivée du Père Georges Daubenberger (père Daubin). Ce fils d’architecte, est nommé missionnaire en Afrique où il construit églises, léproseries et écoles.

Dès son arrivée en 1921 à Sainte-Anne, il modifie la petite église. Il en décore la façade, installe le clocher à l’avant et bâtit une petite chapelle sur l’aile droite en l’honneur de Sainte- Thérèse qui sera canonisée en 1925. Le résultat est particulier.

L’église de Sainte-Anne s’est muée en église de style Baroque ornée de moulures, de statues et de gargouilles en ciment.

Inspirés par des ornements de catalogues religieux et des églises de France et d’Europe, les motifs dessinés et réalisés par le curé lui-même sont sculptés au couteau, moulés et peints. La transformation du bâtiment se fera avec l’aide de la congrégation des Filles de Marie, des enfants du catéchisme, de bénévoles et d’un maçon. Les travaux de moulage, d’assemblage et de peinture sont réalisés dans les bâtiments de l’école des filles voisine (actuel Office du Tourisme de Saint-Benoît). Le maçon se charge de coller les motifs têtes d’angelots, feuilles de vignes, coquilles, fleurs et épis de blés regroupés par 4 ou 5 sur le ciment de la façade.

Chapelle Sainte-Thérèse A l’intérieur l’église est modeste. Un autel de dorures et de marbre fait face à la nef. De chaque côté des scènes religieuses entourées de guirlandes d’innombrables roses moulées et peintes sont représentées.

Dans la chapelle Sainte-Thérèse, les couleurs sont vives sous la voute couleur de ciel bleu. Une mappemonde montre La Réunion alors qu’une autre représente le Monde. Une autre encore, plus petite posée aux pieds de la Sainte, montre les départements français. La maquette de la Basilique de Sainte-Thérèse de Lisieux fait face à un reliquaire.

A l’extérieur, cette petite chapelle qui présente une succession de fenêtres en arcade se termine par une tourelle surmontée d’un lanternon rappelant le style de l’ensemble du monument.

Extérieur de la chapelle Sainte-Thérèse Le père Daubenberger meurt 25 ans après son arrivée à Sainte-Anne. Selon ses dernières volontés, il est enterré dans l’église auprès de l’abbé Cornet.
Depuis 1982, le clocher, la façade et la chapelle Sainte-Thérèse sont classés aux Monuments Historiques.

Les barrières posées à l’avant sous le clocher sont supposées protéger les gens des chutes intempestives de motifs de pierres et de morceaux de béton. D’ailleurs chacun peut constater qu’une des colonnes de la façade est déjà réduite de moitié.

une des colonnes de la façade est déjà réduite de moitié La scène du mariage entre Catherine Deneuve et Jean-Paul Belmondo dans le film  » La Sirène du Mississippi » de François Truffaut a été tourné dans ce monument en 1969.
La Sirène du Mississippi : Réalisation : François Truffaut Auteurs et scénaristes : Cornell Woolrich et François Truffaut (dialogues) avec : Jean-Paul Belmondo, Catherine Deneuve, Nelly Borgeaud, Martine Ferrière, Marcel Berbert, Yves Drouhet, Michel Bouquet et Roland Thenot.

Louis Mahé (Jean-Paul Belmondo) directeur d’une fabrique de cigarettes à La Réunion, répond à une petite annonce de Julie Roussel. Leurs seuls échanges sont épistolaires et il n’a recu qu’une photo d’elle lui permettant de la reconnaître. Mais, lorsque Julie Roussel (Catherine Deneuve) arrive dans l’île, elle n’a aucune ressemblance avec le portrait. Comme explication, elle dit lui avoir envoyé une photo d’une autre personne pour qu’il ne l’épouse pas pour sa beauté. Le mariage a lieu avec cette inconnue dans l’église de Sainte-Anne. Peu de temps après, elle s’enfuie avec sa fortune…

Le film a été inspiré d’un roman noir de l’Américain William Irish, auteur du roman sous le pseudonyme de Cornell Woolrish qui a également assuré le scénario de La Sirène du Mississipi aux côtés de François Truffaut. Cependant, à sa sortie, ce film de deux heures n’a pas le succès attendu.

Sabine THIREL

Sources :
Du battant de lames au sommet des montagnes – Catherine Lavaux
Carnet de route – Saint-Benoît et vous… Doc. Office du tourisme de Saint-Benoît
Patrimoine des Communes de France – Coll. Le Flohic –
http://www.cinemotions.com/modules/Films/fiche/2268/La-Sirene-du-Mississippi.html

Histoire de l’Eglise de Ste Rose

 

La ville de Sainte-Rose présente plusieurs lieux de prière particuliers. En effet, l’église elle-même construite dans le Quartier du Quai-La-Rose en maçonnerie, basalte taillé, date de la première moitié du XIXe siècle.

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intérieur de l’Eglise de Sainte-Rose

En 1750, une paillotte tient lieu de chapelle aux Lazaristes de Saint Benoît officiant au Quai-La-Rose. La paroisse est établie en 1789 – 1790. Les offices se tiennent alors dans une case en paille, avant de se dérouler dans un bâtiment en bois.
En 1843, le premier curé de la paroisse, le Père Richard et le maire Lenoir se réunissent pour construire une église en dur. L’église en maçonnerie, pierres de basalte taillées, est consacrée en 1858.

Intérieur de l’église de Sainte-Rose L’autel en béton et marbre blanc sculpté en bas relief, est un don de l’épouse d’un planteur et industriel de la commune, Arthur Lory des Landes.

Cet autel est partiellement cassé par la chute de la cloche lors d’un enterrement en 1925. Le clocher est reconstruit à l’extérieur de l’église.

La Statue de Sainte Rose de Lima est mise dans l’édifice dès sa consécration en 1858. D’autres représentations de saints entourent le chœur.

Croix Jubilée Sur la place de l’église qui tourne le dos au village, se tient une croix jubilée datant de 1829. Face au clocher, cette croix se dresse sur un socle en basalte taillé.

Sainte Rose possède trois de ces calvaires, nommés « croix jubilée » par les fidèles. Ils sont nombreux et souvent identiques. Ils jalonnent les routes et les cimetières de l’île comme pour rappeler la ferveur des Réunionnais. Ces croix sont la plupart du temps fleuries. On y trouve aussi des petits verres de rhum et des cierges déposés en offrande.

cimetière « Malbar » St-Louis A l’extérieur du cimetière sur le côté Est, des tombes datées du XIXe siècle, sont implantées ce sont celles des suicidés, d’accidentés ou encore celles d’anciens esclaves et engagés non baptisés. C’est seulement en 1930, que les tous les morts s’enterrent dans les cimetières.

Ces sépultures à peine entretenues tombent dans l’oubli et sont appelées à disparaitre progressivement. Il en a été de même des tombes du  » Cimetière Malbar  » de Saint Louis, situé lui aussi à l’extérieur du cimetière qui est aujourd’hui totalement recouvert de sable noir et disparait sous les détritus et les herbes folles. Dans l’île, de nombreuses tombes hors des cimetières abritaient les non chrétiens qui étaient la plupart du temps les engagés indiens non convertis, les condamnés à mort exécutés et les dépouilles de ceux qui étaient décédés de mort violente et qui n’avaient pas reçus l’extrême onction.

Chapelle Sainte Rita Sainte-Rose abrite aussi deux petites chapelles en pierres de taille enduites à la chaux, identiques. La première, la chapelle Sainte Rita, se positionne à l’entrée Nord du pont suspendu surplombant la Rivière de l’Est. L’autre se trouve de l’autre côté de la rivière à l’entrée Nord de la ville. Le Patrimoine des Communes de La Réunion, cite : « Cette chapelle (Sainte-Rita) est construite grâce à mademoiselle Cécile Robert, sans doute en remerciement à une grâce. »
Les deux chapelles étant similaires, la demoiselle est peut être aussi à l’origine de la deuxième.

Chapelle En contrebas de la commune, au lieu dit La Marine, le monument Corbett est un mausolée dédié au Commodore anglais tué dors de la bataille de Sainte-Rose en 1809. Le bâtiment ne contient plus aucune dépouille, les Anglais l’ayant emporté à leur départ en 1815. (cf. La bataille de Sainte-Rose- Zinfos974.com)
Les lieux de recueillement de la ville ne seraient pas complets si on n’y ajoutait pas les petites niches rouges de Saint Expédit, la vierge Parasol et Notre Dame des Laves…

 

Sabine THIREL

Sources :
Du battant des lames au Sommet des montagnes Catherine Lavaux
Le Patrimoine des communes de La Réunion – Le Flohic

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