Archive pour la catégorie ‘Assoc. "Les Amis de l'Histoire"’

Et pourquoi pas un « musée de la mer » à la Réunion ?

Eric Venner est le Président de « la Confrérie des gens de la Mer », une association très dynamique qui après avoir recensé les épaves situées autour de notre île, élargit ses recherches à l’Océan Indien… et ambitionne de nombreux projets, tels un colloque et même un « musée de la mer ».

La découverte de 65 épaves

La découverte de 65 épaves ou vestiges de navires des XVIIIe et XIXe siècle, tel est le trophée de la « confrérie des gens de la mer » à ce jour. La plupart de ces bateaux étaient-on s’en doute- des bâtiments de commerce transportant des vivres et marchandises au bénéfice à la Réunion ou des bateaux au départ, chargés de café et de sucre. Quelques bateaux militaires et navires pirates aussi.
tous les types de navires sont représentés de la chaloupe au paquebot en passant par la goelette.

Pourtant tout ces trésors restent au fond de l’eau faute de filière structurée. Il faudrait d’abord les sortir de l’eau, mais elles sont souvent à de fortes profondeurs. Puis disposer de moyens de traitement par électrolyse pour sauvegarder ancres, ferrailles et hublots. Ensuite, il faudrait créer un « musée de la mer » pour en mettre les vestiges accessibles au grand public.

Des débuts prometteurs…

Un livre sur les navires négriers, des recherches sur les batteries côtières de St Paul, une exposition  » avant les lazarets, voyages maritimes »…
Aujourd’hui l’association s’ouvre à des recherches dans l’Océan Indien et après avoir établi un contact avec Madagascar (plongées sur 3 épaves situées au nord de Tuléar, à Salary dans le canal du Mozambique) lorgne ainsi sur les Seychelles (recherche du navire l’Utile à Tromelin) et Maurice (campagne archéologique sur les épaves de la bataille navale du Grand Port, le  » Sirius » et « la Magicienne ».

D’où l’idée d’organiser un colloque à la Réunion en 2011 pour tous les passionnés et chercheurs d’épaves de l’Océan Indien afin d’envisager une coopération entre les différentes équipes qui s’intéressent au sujet.

5e sortie des « Amis de l’histoire » sur l’Ouest

Historiens invités : Bernard MAREK et Olivier FONTAINE de la « Confrérie des Gens de la Mer »

Thèmes abordés : le cimetière marin puis les batteries côtières de St Paul

Le cimetière marin

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tombes chinoises

Un peu d’histoire

Bernard MAREK aborde tout d’abord les étapes successives du peuplement de l’ile: 1646 puis 1654 : mutins envoyés de Fort Dauphin.

1663 : Louis PAYEN, un autre francais dont on ne connait pas le nom et 10 malgaches

1665 : installation de la colonie avec Etienne REGNAULT et 19 colons venus de Brest. Ceux-là s’installent derrière l’étang, entre l’usine de Savannah et la Ravine Bernica dans des cases qu’ils construisent en bois. Une première chapelle est construite en 1666 ainsi qu’ un premier cimetière (1709-1788).

1729 : épidémie de variole : mort de 400 personnes en 4 mois et demi (sur 1500 présentes sur l’ile). Elles seront enterrées en bord de mer.

Les cimetière « marin » est créé en 1788 puis ouverture du nouveau cimetière de l’étang. Une proposition est faite de déposer dans le cimetière marin les blancs « sans foi ni loi » et les esclaves, pour ne mettre dans le nouveau que les blancs et les noirs-libres. Celle-ci est heureusement refusée.

Ce cimetière-agencé de façon anarchique- a été en partie détruit par de nombreux cyclones et raz de marée (1825/1835/1863/1883…puis 1932/1944/1948/1962 et 2007) d’où arrivée de tonnes de sable, tombes emportées… Il est pratiquement abandonné de 1948 à 1972.

1973 : transfert du cimetière Montparnasse de la tombe du poëte Leconte de Lisle qui avait émis le souhait d’être enterré ici face à la mer.

depuis 1980 : réhabilitation du cimetière. Toutefois, on y enterre plus que les propriétaires de concessions, les personnalités de St Paul et les gens du quartier.

descriptif

Les tombes situées à l’entrée droite sont les plus anciennes, le plus souvent anonymes. Elles ont été recouvertes de sable de 1948 à 1972. Jusqu’en 1789, il fallait pour être enterré ici être en règle avec l’Eglise et la Justice.

tombe de « La Buse » : est-il seulement enterré là ?. Quand il a été pendu, (1730) le cimetière actuel n’existait pas (créé en 1788) . Cependant, il y avait là un cimetière non consacré.

La croix, avec tête de mort a été retrouvée par un certain De Villèle sur la plage au lendemain d’un cyclone (1944). Le canon est une pièce en bronze qui servait à tirer les feux d’artifice du 14 Juillet. La dalle, elle se trouvait à l’intérieur du cimetière : il y a une inscription derrière : « A la mémoire de Delphine Elhaude. sa bonne conduite lui a valu la liberté : tombe d’une esclave affranchie en 1845.

derrière cette tombe : l’enclos Desbassayns : Y ont été enterrés Henri Paulin (le mari franc-maçon et coureur de jupons), Mme Desbassyans, environ 10 ans avant qu’elle ne soit transférée dans sa chapelle. Cette inhumation a été acceptée dès lors que ces tombes étaient isolées par un mur clos.

bloc à droite : la famille Desjardins : grande famille saint pauloise,-arrivée au début du XVIIIe- de maires et notaires. (présence de briques)

,Millet de Fontaraby : , médecin de Dordogne (2e moitié du XIXe). Maire puis sénateur. On lui doit la 1e voie ouverte pour gens à pied et à cheval précédant notre route en corniche. En tant que maire, il a proposé des séances ouvertes au public qui pouvait ainsi regarder les séances de Conseil Municipal par les fenêtres.

Noyés de l’embouchure de l’Etang : enfants du maire de l’époque, Mr Chauvet.

Naufragés du Ker Anna : en Décembre 1894, sur des récifs au large de la pointe des Aigrettes. Sur une douzaine d’hommes d’équipage, 5 ont pu être repêchés et enterrés. Le bateau transportait madriers, goudron, rhum, matériel de quincaillerie ainsi que 2 cochons sortis indemnes vendus aux enchères. L’ancre n’a rien à voir (trouvée au lendemain d’un cyclone, face à l’hôtel Laçay qui servait alors de caserne de pompiers.

Squelettes retrouvés après le cyclone Gamède / En Février 2007, on a retrouvé une dizaine de squelettes alignés les uns à côté des autres, tête au sud, pieds au nord. Un expert en archéologie funéraire, Mr Bizot est venu 5 jours. Il y avait des hommes, femmes et enfants dont un de 3 ans. Positionnés dans des cercueils dont il ne restait que des clous. On a retrouvé un genre de boucle de cheveux encastrée dans la boite cranienne d’une femme.

Il pourrait s’agir de corps déposés là car « le 5/11/1860, le cimetière marin était plein ». N’y aurait-on pas mis les derniers morts avant l’ouverture du nouveau cimetière ? A moins qu’il ne s’agisse d’une certaine catégorie de morts ? des sans foi ni lois ou des malbars ayant refusé d’être convertis au Christianisme ?

(NDLR) ou encore de morts d’une épidémie de verette (variole)

dame Kermorvan (qui avait fauté) épouse un certain Gabriel Fontaine : en 1877 Fontaine la quitte et monte dans les Hauts. En Novembre 1877, il redescend de Trois Bassins, plante un coup de couteau dans le dos de sa belle-mère et 11 coups de couteau à son ex-épouse.; Aux Assises en 1878, il est condamné aux Travaux Forcés à perpétuité.

Leconte de Lisle : poëte parnassien bien connu du XIXe siècle. Il n’a vécu qu’une dizaine d’années à St Paul et a été selon son désir déplacé du cimetière Montparnasse sur le cimetière marin face à la mer.

Erasme Feuillet : Capitaine au long cours : lors d’une escale, il séjourne à l’étage de l’hôtel de Laçay, y fait sa toilette avant de jeter les eaux usées par la fenêtre selon la coutume. Un passant, outragé, un officier de la caserne de St Paul, les reçut sur la tête. Un attroupement s’étant formé, il descendit voir et accepta la provocation en duel de celui-ci.

Lors du duel, l’officier vit son arme s’enrayer. Fair play, le capitaine lui prêta un de ses pistolets ce qui lui valut d’être abattu par sa propre arme.. Un peu plus tard, l’officier pris de remords, finança la tombe et l’épitaphe; Avant la fin de l’année, l’officier décéda et fut enterré à une dizaine de mètres de lui.

« Les batteries côtières de St Paul » avec Olivier Fontaine,

Historien (Confrérie des Gens de la Mer)

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La baie de St Paul est « la moins pire des baies pour l’accostage » jusqu’en 1738 quand Mahé de la Bourdonnais désigna St Denis comme accès principal…et le port de la Rivière des Galets beaucoup plus tard.

Au début, la Réunion constituait une escale lors de voyages longs et difficiles vers la route des Indes. Les îles servaient alors de ré-approvisionnement, permettait de soigner les malades, et de réparer les bateaux endommagés.

Les français avaient jeté leur dévolu sur le comptoir de Fort Dauphin, pensant y commercer, avant qu’ils ne s’en fassent chasser et de débarquer à la Réunion : l’eau y est pure, il y a du gibier mais malheureusement pas d’abri sûr-comme à Maurice- pour les bateaux.

Ainsi, commercera t’on longtemps avec les pirates- l’approvisionnement de la colonie étant rare- de 1688 à 1730. C’est alors que 33 pirates vont s’installer à Bourbon. Ils sont français, anglais, hollandais et on leur propose amnistie et une bonne terre s’ils rentrent dans le rang. Ce sont les premiers Huet, Naze, Duchemann, Picard, Clain, Welmant…

Vers 1722, on va ériger un système de défense pour protéger l’ile. Ainsi érigera t’on un système de batteries côtières : petites fortifications en terre ou en maçonnerie pour protéger les canons des tirs de bateaux, et pouvoir tirer tranquillement sur les assaillants.

Pourtant l’ile de France (Maurice) sera toujours privilégiée à Bourbon en terme de batteries comme de soldats pour la défendre. A la Réunion, on va compter sur la population pour défendre l’ile. Les habitants sont censés s’exercer au tir et aider les rares soldats situés à St Denis et St Paul.

0n a aussi armé des esclaves (il faut en effet 7 hommes pour armer un canon). De même qu’on enverra des esclaves se battre en Inde.

La Réunion va toujours être armée par la Marine qui aura la charge de la défense des côtes. On va acheter de l’artillerie à l’Angleterre et à la Suède)

Avec les canons, on peut tirer un coup toutes les 2 minutes, à 3000 m avec une certaine précision. On pouvait tirer sur la coque,(préférence anglaise) les voiles

( préférence française) ou l’équipage avec une portée utile de 600 m

La mairie de St Paul fut utilisée en 1809 comme caserne militaire car les Anglais avaient incendié l’ancienne. Face à la mairie (côté gauche), il y a un canon obusier (pour tirer des obus / boulets creux à tir droit) de 1842, fondu à Nevers d’un poids de 1524 Kgs posé sur un affut en métal.

Patrice Louaisel (selon les exposés de Bernard Marek et d’Olivier Fontaine)

PS Vous êtes vous-aussi passionné d’histoire de l’île, habitez l’île et aimeriez nous rejoindre pour bénéficier de nos sorties mensuelles. Ne manquez pas dans ce cas de nous téléphoner pour vous inscrire et participer à la prochaine sortie au 0262 58 02 50 Celles-ci sont libres et gratuites.

A la recherche du trésor de « La Buse »

 
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combat naval dans le canal du Mozambique litho de Roussin

        

 lls sont 4 Possessionnais à faire une demande de fouilles archéologiques en Préfecture. C’est qu’ils pensent être sur la piste du « trésor de « la Buse »…

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 En fait, ils ont été nombreux à se pencher sur l’histoire mais surtout sur le « cryptogramme » laissé par le pirate Olivier LE VASSEUR dit « La Buse » : Bibique, à la Réunion, John Cruise Wilkins aux Seychelles et bien d’autres…

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le cryptogramme de la Buse

 Mais, les Possessionnais, Loïc, Damien, Simon et Julien, à l’étude du cryptogramme sont persuadés d’avoir trouvé où était enfoui le fameux trésor. Et comme tout se fait ici dans la discrétion, ils n’ont pas donné leur identité, sauf en Préfecture, pour leur demande de fouilles. Ils auraient pu faire leurs recherches « en misouk » comme c’est le cas d’une dizaine de groupuscules actuellement sur l’île, mais ils ont préféré rester dans la légalité.

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tableau du peintre Howar Pyle sur la flibuste

 C’est en 2005 qu’ils ont commencé leurs recherches, méthodiquement, en passant au crible toutes les recherches faites jusqu’à présent.

 Au départ, ils se sont essayés à reconstituer les faits historiques relatifs au pillage  du navire portugais  » La Vierge du Cap » en 1721 par le pirate Le Vasseur en baie de St Denis. Et, ils sont tombés sur le fameux cryptogramme lancé à la foule avant son exécution en 1730.

 Après avoir essayé avec l’alphabet utilisé par les Templiers, ils ont »constaté que le cryptogramme avait, tout compte fait, une fonction de carte géographique correspondant au relief de l’ile de la Réunion ».

 C’est ainsi qu’ils auraient découvert-sur la commune de St Paul- le site supposé.

 Espérons qu’ils échappent à la malédiction qui tombe sur les chercheurs de trésors qui se permettent de dérober ce qui ne leur appartient pas sans compensations..

 

A propos du fameux cryptogramme…

 

Celui-ci est redécouvert en 1923 aux Archives de la Réunion. Envoyé aux Seychelles, il est placé entre les mains d’un notaire de Mahé. 11 ans plus tard, Charles de Roncière l’étudie à la Bibliothèque Nationale. Une version de 15 lignes est publiée en 1934 dans « Le flibustier mystérieux, histoire d’un trésor caché »

 Entre 1954 et 1963, une copie complète de 17 lignes est en possession de chercheurs de trésors. En 2007, on perd sa trace…

 D’après l’écrivain, Patrick Hoffschir, le trésor de la Buse serait caché à Madagascar, et le cryptogramme ne lui appartiendrait pas… Il serait selon lui soit sur l’ile Ste Marie, soit dans une des nombreuses grottes de la baie d’Antongil.

Avant les lazarets , le voyage maritime

D’un point de vue maritime, pour recevoir les navires venant de la Métropole, l’île ne dispose pas encore de port. Il faudra attendre 1883 pour la livraison du port de Saint-Pierre et 1886 pour l’ouverture du port de la Pointe des Galets situé dans la future ville du Port. Des rades foraines, ouvertes aux vents, et des barachois aménagés dans certaines de ces rades servent d’escale aux navires. L’activité de batelage permet, par l’intermédiaire de diverses embarcations, de décharger les navires stationnés en rade. Ce système est lié à l’installation de Marines, structures associant un pont débarcadère, jetée généralement construite en bois sur structure métallique.

L’augmentation du mouvement maritime autour de l’île est liée à celle des exportations de sucre et permet de répondre aux besoins de main-d’oeuvre. Un nouvel espace de quarantaine sanitaire est aménagé à La Grande Chaloupe à partir de 1860, prenant le relais de celui de La Ravine à Jacques. Ce nouvel espace est utilisé pour la mise en quarantaine sanitaire des migrants libres et des Engagés. Les passagers arrivent jusqu’à un pont débarcadère situé dans l’anse de la Grande Chaloupe. Le pont est régulièrement balayé par les cyclones et à partir de 1875, on débarque directement de la chaloupe sur la plage. A l’ouverture du port de la Pointe des Galets, les arrivées basculeront progressivement vers le Port. En 1924, les documents signalent encore la présence d’un pont (wharf) qui ne semble utilisé qu’épisodiquement à cette époque. La cartographie disponible aux archives ne permet pas de localiser précisément ces éléments. De plus
la lecture du site est également rendue difficile à cause des travaux de la première route en Corniche livrée en 1962 qui modifie complètement la configuration du site. Ainsi on n’arrive plus à situer certains éléments comme le mât des signaux permettant les échanges avec les navires stationnés ou le signalement de la quarantaine.

Les thèmes développés permettront de cerner les contraintes de la navigation et du stationnement dans l’anse de la Grande-Chaloupe, suivre l’évolution des navires transportant les passagers parmi lesquels les engagés, comprendre les conditions de transport et les routes maritimes empruntés. Le propos se placera aussi du point de vue de la connaissance des équipages et s’intéressera aussi aux migrants dans un rapport plus statistiques en soulignant également la richesse et la diversité des parcours individuels, liés à la variété des trajets maritimes

Les conditions de transport des engagés

Les engagés sont relativement entassés à bord, généralement installés dans
l’entrepont – comme les troupes et les émigrants européens – mais ils peuvent passer beaucoup de temps sur le pont pour échapper au confinement. Les conditions les plus dures sont subies par les Malgaches et les Africains dans les années 1850-1860 et encore jusque dans les années 1880 lorsque les engagements sont en fait des enlèvements. Ils sont littéralement parqués et ne reçoivent aucun soin. La mortalité est donc extrêmement élevée, surtout à cause de maladies contagieuses, et peut dépasser celle des navires négriers.

De ce fait, le voyage est mieux réglementé à partir de 1861-1862. On introduit la règle de 1,7m3 minimum par engagé au départ de l’Inde du Sud – 2m3 au départ de Calcutta puis, sur les vapeurs, il faut compter 4m3 mais cette mesuresemble surévaluée. Ces mesures sont ensuite étendues aux autres engagés, mais ne sont pas toujours respectées. A bord, il faut respecter une organisation stricte, chacun à sa place : les hommes d’un côté, les femmes et les enfants de l’autre, comme pour le reste des passagers du navire, les malades séparés dans une infirmerie et les bagages bien installés à part. Ceci est important car des engagés indiens ont pu mourir étouffés lors des chutes de bagages par gros temps. Les engagés dorment souvent sur une natte ou un lit de camp dans l’entrepont mais ils peuvent aussi s’installer sur le pont en cas de grosse chaleur, comme tous les autres passagers. On doit prévoir un lieu d’aisance pour 75 engagés, désinfecté à la chaux trois fois par jour. Ces cabinets sont placés aux extrémités du bateau. Des charniers d’eau sont également à disposition sur le pont.

En 1901, mille Chinois voyagent sur l’Erica, un vapeur équipé de l’électricité. Ils sont répartis en deux entreponts de 38 m sur 12 m et 2 m50 de hauteur. Chaque engagé possède 2,80 m3 pour s’installer, soit moins que la limite minimum mais le bateau est très bien aéré. Chaque engagé dispose en outre d’un lit, d’une natte, d’une couverture et de vêtements de rechange. Le bateau est lavé à grande eau matin et soir avec une solution de sulfate de fer et il est strictement interdit de jeter des déchets au sol afin de maintenir un bon niveau d’hygiène. Des cabinets d’aisance sont prévus mais il est parfois difficile d’obliger les engagés à s’en servir. Tous les jours, ces engagés chinois bénéficient en outre d’une alimentation équilibrée et abondante. Des interprètes et parfois des prêtres accompagnent les engagés pour faciliter la vie à bord.

Moutoussamy Madalamoutou, engagé indien arrivé à La Réunion le 16 octobre 1879 a effectué la traversée sur un voilier. La Créole est un trois-mâts de 320 tonneaux manoeuvré par 16 hommes d’équipage, qui a effectué plusieurs recrutements d’Indiens puis de Malgaches.
(Archives départementales de La Réunion)

Le rôle du médecin et les malades Pour tous les voyages en provenance d’Asie puis d’Afrique, un médecin se trouve obligatoirement à bord à partir de 1861, avec une pharmacie. Notons que ce n’est pas forcément le cas lorsque des pauvres d’Europe émigrent vers les Amériques ou l’Australie. Une petite infirmerie est souvent installée à bord. De ce fait, les morts deviennent de plus en plus exceptionnelles, même avec un seul praticien pour mille engagés. Cette amélioration vient aussi de la meilleure santé des engagés lors de l’embarquement. Le médecin effectue une visite quotidienne au cours de laquelle il soigne les plaies bénignes qui risquent de s’infecter. On profite aussi de la traversée pour vacciner les émigrants et les malades les plus graves peuvent être débarqués lors des escales. Au fil du temps, le mal de mer reste presque le seul problème et de nombreuses traversées ont lieu sans encombre. Malgré tout, des épidémies graves ont pu se déclarer à bord des navires. Rappelons ainsi le cas du Mascareignes qui apporta le choléra en 1859 en débarquant ses engagés africains et celui du Madona qui importa a grippe espagnole en 1919 avec les troupes coloniales rapatriées.

Ceux qui n’arrivent jamais à La Réunion : morts et déserteurs Au début de la pratique de l’engagisme et jusqu’en 1861 environ, les morts sont très nombreuses à bord. On peut compter jusqu’à 25% de décès en provenance d’Afrique à cette époque. Il s’agit la plupart du temps d’engagés qui ont été embarqués malades mais certains meurent aussi du manque d’hygiène, de l’absence de lieux d’aisance et du confinement qui favorisent la contagion, du rationnement de la nourriture. Les morts sont dues le plus souvent à la variole. A chaque traversée la mort prélève aussi son quota parmi les équipages des navires. Au XXe siècle, on impose la présence d’un ou plusieurs gendarmes à bord sur certains trajets, pour surveiller les engagés, notamment pendant les escales. En effet, sur la ligne de Djibouti, les arrêts à Madagascar sont nombreuxet l’on constate fréquemment des fuites d’engagés yéménites et de quelques Comoriens dans les ports de Diégo et de Tamatave. Ceci laisse donc penser que leur départ n’était peut-être pas entièrement consenti. En ce qui concerne les Tonkinois venus en 1863 sur le Christophe Colomb et en 1868 sur la Sarthe, ils sont encadrés par des soldats pour éviter les évasions car il s’agit de prisonniers. Deux policiers accompagnent également le voyage du Kilwa en 1901, au cours duquel la plupart des engagés comoriens embarqués sont d’anciens esclaves.

Lors de son voyage de retour vers La Réunion, du 14 aout au 1er septembre 1852, le voilier Loterie perd 26 engagés africains. Ils succombent tous à la variole sauf un qui décède d’apoplexie. Cette forte mortalité est caractéristique des recrutements en Afrique à cette époque.

Les routes maritimes Est

De 1848 à 1860-61,   le nombre de navires abordant La Réunion augmente régulièrement pour
décroître progressivement et de façon irrégulière à partir de 1862-63. Ce sont essentiellement des navires qui viennent de France, les ports d’armements les plus importants sont Nantes, Bordeaux, Marseille et Belle-Ile. Cette situation est héritée essentiellement de la pratique, jusqu’au début du XIXeme siècle du régime de l’exclusif aussi appelé pacte colonial qui règle les échanges (importation-exportations) et stipulent que le marché colonial est fermé aux marchandises étrangères. Les produits coloniaux ne peuvent être écoulé qu’en métropole. Dans la perspective d’une liaison avec La Réunion, deux schémas de déplacement sont alors possibles : une liaison pour se charger de productions locales mais aussi amener des marchandises ; une fois touché La Réunion, une liaison avec l’Inde pour acheminer les Engagés. Les navires qui amènent des engagés la plupart du temps ont une cargaison en plus (riz,
boeufs, …) Ce type de navigation entre La Réunion et l’Inde constitue ce que l’on appelle le grand cabotage, terme qui fait surtout référence, malgré la distance relativement importante de l’Inde et de La Réunion, à la fréquence importante des échanges entre les deux destinations en constante augmentation entre 1848 et 1860.

Malgré l’absence d’un véritable port à La Réunion, les relations maritimes entre La Réunion et la France sont définitivement assurées en 1864 lorsque la compagnie des Messageries Impériales créée une ligne directe Suez-Réunion-Maurice pour le transport de la malle et des passagers. L’ouverture du Canal de Suez en 1869 permet d’étendre cette ligne jusqu’à Marseille, d’une part, l’Australie et la Nouvelle Calédonie d’autre part. De 1870 à 1890, La Réunion avec ses liaisons mensuelles avec Marseille et l’Australie, sa liaison trimestrielle avec Montevideo, fait figure d’important noeud de communication dans l’océan Indien. Pour cette période son cabotage avec l’Inde et Madagascar reste important.

Autour de 1895, le trafic maritime à La Réunion prend son aspect actuel : une liaison mensuelle ou bimensuellel avec Marseille via Madagascar. Les liaisons régulières avec l’Australie et l’Amérique du Sud ont progressivement disparu; ainsi que le grand cabotage avec l’Inde. Les relations avec Madagascar sont assurées par la ligne Réunion-
Marseille.

Les salaires de l’équipage courent du 1er février 1879 au 30 août 1880.
Il apparaît intéressant de comparer l’augmentation du mouvement maritime vers la France qui traduisent l’augmentation de la production de sucre à La Réunion et le mouvement migratoire lié à l’Engagisme. Le premier graphique permet de suivre l’évolution générale des échanges de 1850 à 1877. Pour établir plus facilement la correspondance avec le graphique ci-dessus nous isolons une partie de ce dernier (Tableau 3) pour composer le second graphique qui permet un effet de focalisation sur la période 1850-1860. La courbe des populations épouse pratiquement celle des navires entrants

Les routes maritimes Ouest

Les navires transportant des engagés sur les routes Ouest effectuent rarement des trajets directs, qu’il s’agisse de bateaux armés pour l’engagement ou de navires de ligne. Jusqu’en 1862, les Africains, Comoriens et Malgaches – il s’agit surtout d’esclaves africains des Comores et de Madagascar – sont très nombreux à être engagés pour La Réunion. Ils viennent essentiellement des grands ports de traite négrière (Nosy-Bé, Majunga, Maïntirano et Tuléar pour Madagascar, Inhambane, Quelimane, Mozambique, Ibo pour le Mozambique, Lindi, Quiloa, Zanzibar pour les Etats du Sultan et des quatre îles Comores). Les recruteurs réunionnais effectuent souvent une escale dans l’archipel des Comores puis se dirigent vers les côtes du Sultanat de Zanzibar ou du Mozambique et terminent par la côte Ouest de Madagascar. Parfois ils effectuent une circumnavigation autour de Madagascar. Malgré la relative proximité avec La Réunion, ces voyages peuvent donc durer plusieurs semaines et s’avèrent très pénibles pour les engagés. En effet, les recruteurs cherchent à faire le plein et n’hésitent pas à se dérouter, notamment pour remplacer les engagés morts à bord. N’oublions pas que cette route maritime occidentale a également vu venir des engagés en provenance de France et d’Europe dès le début de l’engagisme. Dans les années 1850, ces engagés européens naviguent de longues semaines autour de l’Afrique avant d’atteindre La Réunion. A la voile, le voyage prend jusqu’à trois mois. Ces engagés peuvent également transiter par l’Egypte mais doivent alors débarquer à Alexandrie et prendre le train jusqu’à Suez avant que le Canal ne soit percé, en 1869.

De 1860 à 1887 le recrutement à Madagascar, aux Comores et en Afrique est officiellement interdit mais des recrutements mineurs ont lieu dans les petites colonies françaises de Nosy-Be et Mayotte. Quelques navires pratiquent aussi plus ou moins discrètement des enlèvements ou des achats d’esclaves dans les ports négriers malgaches. En 1887 le recrutement est réautorisé au Mozambique, principalement dans les ports du Sud comme Lourenço-Marques. Cependant, à cause de la concurrence avec l’Afrique du Sud qui recrute pour ses mines, cette source se tarit rapidement.

De 1888 à 1908, les plus gros convois viennent des Comores – Grande Comore surtout et Anjouan. Il s’agit pour partie d’esclaves libérés lors de la colonisation française, comme sur le Kilwa, affrété pour l’occasion. Les autres arrivent sur des navires des Messageries Maritimes. La traversée en vapeur depuis les Comores dure environ 8 jours avec les escales mais le Kilwa met 11 jours sans escale à cause du mauvais temps.

A partir de 1900 et jusque dans les années 1920, des engagés du Golfe d’Aden sont embarqués sur les vapeurs réguliers qui font escale à Djibouti. En effet, depuis 1882 il existe une ligne régulière Marseille-Djibouti-Mahé-La Réunion- Maurice-Australie-Nouvelle-Calédonie de la Compagnie des Messageries Maritimes. En 1887 est ouverte la ligne Marseille- Djibouti-Madagascar (Majunga, Nosy-Be, Diégo-Suarez, Tamatave)-La Réunion-Maurice. Mais dès les années 1850, quelques Yéménites, Arabes et Somalis sont embarqués à Aden, Mascate ou Obock pour venir travailler à La Réunion
De 1922 à 1925, on fait venir des Antandroys du Sud de Madagascar. Ils sont tous embarqués à Fort-Dauphin sur des navires de la Compagnie Havraise et Péninsulaire. Le trajet vers La Réunion est direct car les navires sont affrétés spécialement pour eux.
Le Charles, grand trois-mâts nantais de 456 tonneaux transporte 272 Africains de Quiloa vers La Réunion en février 1859 avant de rapatrier 21 Indiens à Pondichéry en mai 1859.
Il transporte aussi des marchandises européennes vers La Réunion et Mayotte.

Connaître les migrations et voir se dessiner La Réunion d’aujourd’hui Les statistiques permettent aussi de cerner la catégorisation ethnique des populations migrantes. Après 1848 et jusqu’en 1881, les catégories d’immigrants indiquent les lieux d’origine sans référence précise pour les pays. Ils sont « indiens », « chinois », « africains », ou « indigènes ». On trouve également des indices de statut comme « domestiques », « immigrants » et, en 1877, une étonnante catégorie mixte « engagés indigènes » terme que l’on retrouvera en 1892, 1902 et 1907.

A partir de 1866, malgré la volonté de procéder à un recensement identique à celui organisé en Métropole, on continue à fabriquer une ethnicisation de la population immigrante à partir des origines et du statut occupé dans l’île.
De 1881 à 1936, les catégories renvoient davantage à l’origine, réelle ou supposée, des individus : Indiens, Malgaches, Cafres, Chinois et Arabes. Les Cafres désignent dans ces statistiques la population d’origine africaine en lien direct avec cet ethnonyme regroupant au cours du XVIIe et XVIIIe siècle les nations sauvages. Aujourd’hui le terme de « Kaf » revêt une connotation identitaire forte le rapprochant plus du terme de « négritude » qui rassemble la population noire ou africaine et malgache de l’île. Quant au terme « Chinois », il rassemble très largement les populations venant d’Asie, en dehors des Indiens. Dans le sens créole, « Sinoi », cette catégorisation regroupe les populations chinoises et vietnamiennes, quelle que soit la date de leur arrivée dans l’île.

Dans le recensement de 1887 apparaît le terme « Arabes » qui désigne en fait des populations indo-musulmanes qui arrivent dans un premier temps de la région du Gujerat comme engagés ou volontaires. Par extension, le terme de « Zarab » désigne aujourd’hui la totalité des Musulmans de l’île, quelle que soit leur origine.

Ainsi, durant les premières décennies du vingtième siècle, la société réunionnaise se trouve dotée des composantes humaines fondamentales qui vont être les siennes aujourd’hui. Toutes issues d’un voyage, d’une migration.

Le démantèlement des grands domaines sucriers et la généralisation du colonat partiaire met fin à la recherche de maind’oeuvre extérieure et donc aux mouvements migratoires. La départementalisation fait disparaître la plupart des spécificités administratives de l’époque coloniale ainsi que la catégorisation ethnique qui était encore utilisée fréquemment dans les recensements.

La Confrérie des gens de la mer tient à remercier toutes celles et ceux qui se sont associés de près ou de loin à la réalisation de l’exposition « Avant les Lazarets, le voyage », et tout particulièrement :
Catherine Chane-Kune, Sylvie Réol, Jehanne Émmanuelle Monnier, Michèle Marimoutou-Oberlé, Marie Venner de Sigoyer, Jean Barbier, Laurent Hoarau, Stéphane Aubert, Olivier Fontaine, ainsi que les équipes de la ville de La Possession ainsi que celles de la Direction de la promotion culturelle et sportive et du service technique du Conseil général de La Réunion.

La Confrérie des Gens de la Mer est une association loi de 1901 dont l’objet est le recensement, l’étude et la préservation du patrimoine lié à l’histoire maritime de La Réunion et de la zone sud de l’océan Indien. Créée en 1996 par Eric Venner
de Bernardy de Sigoyer, elle se compose de bénévoles qui ont tous passé des qualifications techniques en archéologie subaquatique. L’association mène des opérations de sensibilisation à cette histoire maritime auprès du public, des
médias et des décideurs politiques. Les éléments de ce patrimoine maritime de La Réunion se trouvent sur le littoral de l’île, dans la zone qui a été la plus touchée par l’urbanisation depuis les années soixante et surtout depuis la fin des années quatre-vingt.

Les opérations archéologiques subaquatiques ont essentiellement pour objet de localiser des épaves de navires naufragés, mais également des infrastructures immergées telles que des ponts débarcadères. Les opérations archéologiques terrestres ont pour but de retrouver et de délimiter les sites des anciennes fortifications côtières qui s’échelonnaient autrefois sur tout le littoral de La Réunion aux endroits de débarquement. Au terrestre comme au subaquatique, les deux types d’opérations archéologiques effectuées par la Confrérie des Gens de la Mer, consistent en prospections et en sondages. Elles ont lieu après accord de la DRAC Réunion.
Les opérations archéologiques terrestres ont notamment impliqué des sondages archéologiques effectués sur deux sites présumés d’anciennes batteries côtières de la baie de Saint-Paul, datant respectivement du XVIII e siècle et du début du XIXe siècle. L’activité archéologique sous-marine de la Confrérie jusqu’à présent, comprend des prospections archéologiques sur de vastes zones, telle la rade de Sainte-Rose, sur des vestiges d’appontement comme ceux de la Possession et de Saint-Paul et sur des épaves de navires, parmi lesquelles celle du Warren Hastings à Saint-Philippe, du Keranna aux Aigrettes, et du Limpopo à Sainte-Marie. Des sondages archéologiques ont été également effectués sur une épave non encore identifiée de la baie de Saint-Paul. Ces opérations archéologiques permettent, en complément des sources d’archives souvent lacunaires, de mieux connaîtrel’ancienne activité maritime de La Réunion et l’histoire de sa défense qui sont étroitement liées.

La Confrérie des gens de la mer tient à remercier toutes celles et ceux qui se sont associés de près ou de loin à la réalisation de l’exposition Avant les Lazarets, le voyage, et tout particulièrement :

Catherine Chane-Kune, Sylvie Réol, Jehanne Émmanuelle Monnier, Michèle Marimoutou-Oberlé, Marie Venner de Sigoyer, Jean Barbier, Laurent Hoarau, Stéphane Aubert, Olivier Fontaine, ainsi que les équipes de la ville de La Possession ainsi que celles de la Direction de la promotion culturelle et sportive et du service technique du Conseil général de La Réunion.

 

La Confrérie des Gens de la Mer

domaine Panon Desbassayns : un lieu de rencontres culturelles

 

Trois ans avant l’abolition de l’esclavage, à St Gilles, le 20 Juin 1845, Madame DESBASSAYNS rédige son dernier testament, à l’âge de 90 ans. Ce document nous donne à voir une description des esclaves attacés à la propriété de Saint Gilles les Hauts, aujourd’ »hui devenu le « musée historique de Villèle, et le métissage qui en résulte.

le domaine Panon Desbassayns

Henri-Paulin DESBASSAYNS et son épouse Marie-Anne-Thérèse Ombline ont fait construire un domaine sur leur ancienne propriété, à partir de 1755. Cette riche famille de planteurs y a vécu presque 50 ans. Ce domaine fut majoritairement consacré à la canne à sucre cultivée par un grand nombre d’esclaves originaires d’Afrique, de Madagascar et d’Inde.

Le testament de Mme Desbassayns

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En effet, le testament déclare 295 esclaves attachés à la propriété de Saint Gilles dont la répartition des types est la suivante : 224 esclaves de type créole, 41 de type cafre, 17 de type malgache, 12 de type non identifié et 1 de type indien. Ils sont désignés par leurs prénoms, castes, âges, professions et une indication de la prisée faite par des experts y est précisée. A partir de 1843, les mariages furent l’occasion d’attribuer officiellement des patronymes aux esclaves auparavant désignés, pour la quasi totalité, par des prénoms tirés du calendrier chrétien ou de la littérature classique. Cette attribution arbitraire montre la volonté de Mme DESBASSAYNS de donner une identité française à ses esclaves mais aussi de les ancrer dans la foi catholique.

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Le seul indien…

Le seul indien, « Ozone, Indien, Soixante sept ans, cuisinier, estimé mille francs », témoigne du précoce métissage sur le domaine. On lui attribue la paternité de plusieurs enfants répertoriés comme créoles, car nés dans l’île. Tel est l’exemple de sa fille Léocadie qui reçut un patronyme indien signifiant « domestique », fonction qu’elle exerçait effectivement chez Madame DESBASSAYNS, et qui fut mariée à Paulin, fils de Véronique, une créole âgée de 71 ans.
« Paulin, créole, charpentier et sa femme Léocadie, domestique, invalide, et leurs 4 enfants : Marie-Gertrude, Pierre St Lys, Pierre Paulin et Alfred, le tout estimé à 6000 francs ». C’est certainement aussi en raison de son origine indienne que l’esclave dominique est décrite comme « malabare » :

L’esclave Dominique, décrite come « malabare »

Dominique, malabare, créole, âgé de 38 ans, charpentier, sa femme Daride, créole, âgée de 38 ans, pioche, leurs enfants Adèle, âgée de 14 ans, Marie Jeanne, 12 ans, Marie Laurencine 10 ans, et Marie Nathaie , 10 ans, estimés cinq mille francs »

tous logés au « camp Villèle »

Par ailleurs ces esclaves, suivis par des engagés étaient logés dans un ensemble de petites paillotes. Aujourd’hui, un grand nombre de leurs descendants habitent encore ce village nommé « camp Villèle ». Le camp Villèle est par conséquent un lieu de mémoire et de métissage. Cependant le brassage de la population est si ancien dans ce village qu’il serait aujourd’hui impossible d’établir une répartition ethnique basée sur des critères patronymiques.

On y constate un véritable mélange culturel

Nous remarquons également qu’il n’y a pas de distinction entre les communautés dans le camp Villèle mais plutôt un véritable mélange culturel. La présence de l’hindouisme n’a pas entraîné le rejet du catholicisme et d’ailleurs, aujourd’hui, un grand nombre d’habitants ont une double appartenance religieuse. Cela résulte tout d’abord de l’attitude de Mme DESBASSAYNS, qui, après la mort de son mari, prit soin de ses esclaves en leur donnant une éducation, notamment religieuse. Ainsi, en témoigne la construction en 1843 de la chapelle pointue sur son domaine dans laquelle les mariages entre esclaves furent fréquemment célébrés à partir de cette date. Le catéchisme aussi leur était enseigné dans des salles que Mme DESBASSAYNS avait mise à disposition. Le domaine devenait donc un centre de diffusion de la religion catholique qu’on imposait à toute la population esclave, puis engagée qui lui a été rattachée, malgré les fonds culturels et religieux que les premiers esclaves d’Afrique, de Madagascar, et d’Inde possédaient à leur arrivée à la Réunion. A cette époque, évangéliser les esclaves était un devoir important des colons. En 1860, Henri Frédéric de Villèle installa également une statue de la Vierge rapportée de France. Cependant, par la suite, les cultes se déroulant au camp Villèle s’adresseront aussi bien à la Vierge qu’aux déesses Marliémin et Karli (avec la fondation de la chapelle « La misère »
en 1967 à l’intérieur du Camp) qu’aux St Michel et St Expédit tous 2 assimilés par certains à Karli) ainsi qu’aux ancêtres.

La maison de la famille Panon Desbassayns peut être considérée comme un lieu de résidence typique des riches propriétaires de l’époque mais aussi comme un lieu de rencontre entre les cultures provenant de l’Europe occidentale, de l’Ine, de l’Afrique et de Madagascar. Cette interculturalité se retrouve aujourd’hui au « musée de Villèle », au camp du même nom et plus évidemment à travers la diversité culturelle réunionnaise.

Mylène Catouaria

sources bibliographiques :
Miranville A, Villèle village réunionnais, 2001, ed L’Harmattan
Revue l’Oeil, hors-série Avril 2004, ed Artclair
Testament de Mme Desbassayns de 1845
Recueil de documents et travaux inédits pour servir à l’histoire des iles françaises de l’Océan Indien, 3e série n°3 Archives Départementales de la Réunion. Juillet 1978

La dynastie KERVEGUEN

La famille Kerveguen arrivée à Bourbon à la fin de la Révolution Française, modifiera pendant un siècle le paysage agricole, économique et financier de l’île. Au fil des générations, son empire s’étendra par le biais de mariages avec de riches héritières, de plus elle s’alliera aux puissantes fortunes locales dont les De Mahy, Desbassayns, ou encore Adèle Ferrand. Le nombre d’acquisitions foncières, d’activités commerciales de l’empire Kerveguen, les unes plus lucratives que les autres, en donnerait le tournis si on devait toutes les nommer.

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Estuaire de la Rivière d’Abord – St Pierre

Le premier Kerveguen ou K/Veguen, arrivé dans l’île en1796 s’appelait Denis-Marie le Coat de Kerveguen. La Révolution pousse ce fils de bourgeois ruiné, à fuir la Révolution française et à faire fortune dans les colonies. Bourbon est une colonie, grenier des Mascareignes, habitée depuis à peine 150 ans où tout est encore à faire. Débarqué dans l’estuaire de La Rivière d’Abord, il s’installe à Saint-Pierre même. Il ouvre un commerce de détail, avant de se lancer dans l’import-export et le commerce d’épices.

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Fleurs de Giroflier-Ecomusée Au Bon Roi Louis

Quelques années plus tard, il se marie à une créole fortunée, Angèle-Césarine Rivière qui lui apporte une dot : les propriétés de Manapany et Saint-Joseph. C’est le départ
d’ une nouvelle aventure, celle du sucre, en cultivant également des épices comme le girofle. De ce premier mariage naissent 4 enfants, dont Gabriel et Augustin mais leur mère décède en février 1815. Denis tente alors plusieurs expériences commerciales, tissus, boulangerie, prêts avec intérêts tout en développant ses activités agricoles.

Déjà fortuné, Denis se marie pour la deuxième fois à une riche héritière, Geneviève Hortense Lenormand qui lui apporte une dot encore plus conséquente que la première épouse dont le domaine des Casernes. Les terres à cannes et à épices s’étendent et le nombre d’esclaves sous sa coupe augmente, il sera père de trois autres enfants dont Denis-François.

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Vestiges de l’usine des Casernes St-Pierre

L’ainé des garçons, Gabriel se révèle bon commerçant et doué pour les affaires. Il seconde efficacement son père dès 1820, lorsque celui-ci meurt en 1827, il laisse une
« fortune solidement établie », une centaine d’esclaves (comptabilisés dans la succession), 330 hectares de champs cultivés en cannes à sucre et en épices et une fortune de plus de 1,2 millions de livres.

Gabriel à 27 ans gère les affaires de la famille de main de maître, fait construire une usine sur le domaine des Casernes où il édifiera le premier alambic et la première distillerie. Trois ans plus tard, il est propriétaire d’une maison à St-Louis, de l’ensemble des terres de culture partant de Saint-Louis et au Tampon, où il s’installe pour gérer les nombreux hectares de terres. Il exploite et commence à spéculer sur le café.

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Port de St-Pierre

En 1829, avec son frère Augustin, Gabriel développe son entreprise d’import-export en achetant un premier navire « Le Renard ». D’autres suivront. Concessionnaire d’une marine, ils se lancent dans le commerce avec les pays de la zone Océan Indien jusqu’en Chine et en Métropole. Les prix pratiqués sont élevés pour les autres commerçants et planteurs qui doivent eux aussi exporter leurs marchandises. Pour faciliter encore plus ses échanges, Gabriel pense déjà à un projet de port pour Saint-Pierre et propose des plans au Gouverneur Darricau.

A 31 ans, Gabriel se marie avec Anne-Marie Chaulmet qui lui apporte le Domaine de la Ravine des Cabris. Il a un fils Denis-André et une fille Emma, qui deviendra la Marquise de Trévise en épousant le grand Chambellan de Napoléon III. Les deux frères Augustin et Gabriel se lancent dans la politique, ils sont élus à St Joseph et St Pierre

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Usine centrale de Kervéguen à Quartier Français-Roussin 1884-Album de La Réunion

Gabriel fin stratège, investit dans le foncier. St-Louis, St-Pierre, St-Joseph jusqu’au Baril, les limites géographiques ne le gènent guère, il achète l’usine de Quartier- Français à Ste-Suzanne, en 1834. Spéculation encore, à cette époque les banques et organismes de prêts, n’existent pas. En plus de ses revenus assurés, Gabriel va emprunter de l’argent à un faible taux et le prêter à un taux plus élevé. Rien n’est fait à la légère, les biens sont hypothéqués et les colons bientôt face aux difficultés financières doivent quitter leurs propriétés.

Vers 1840, la fortune des Kerveguen dans le Sud est aussi puissante que celles des Desbassayns ou des Rontaunay. Les hauts de St-Louis, de St-Pierre, le Bras de Pontho, Montvert tombent dans leurs escarcelles.

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Usine du Baril -St-Philippe

Dans chaque ville, des magasins d’import-export, présentant un choix de marchandises au détail, quincaillerie, produits de première nécessité, affaires de toilette et même des soieries sont en vente et deviennent incontournables. Encore une manière de gagner de l’argent, à l’approche de l’abolition de l’esclavage, les petits planteurs tentent de se défaire de leurs esclaves, bien informés des indemnités qui seront versées par l’Etat, Gabriel les rachète globalement.

Lorsque le demi-frère de Gabriel, Denis-François est élu à la mairie de St Pierre, Gabriel met à disposition des esclaves et les moyens financiers pour faire construire des routes, des canaux d’irrigation (canal Saint-Étienne) et d’alimentation en eau pas seulement pour lui mais aussi pour leurs environs.

En 1855, il possède en plus de l’usine de Quartier-Français, celles de Piton St-Joseph, la Chapelle Cocos de St-Louis et Casernes à St-Pierre.

Pour payer ses nombreux engagés sur ses propriétés, usines et distilleries du Tampon, de Mon-Caprice, de Saint-Louis, d’Etang-Salé, de Quartier-Français ou des Casernes refusant papiers et bons, fort de sa puissance financière, Gabriel de Kerveguen utilise des Kreutzers, pièces autrichiennes démonétisées qui s’appelleront Kerveguen.

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Kreutzer ou Kerveguen-Ecomusée Au Bon Roi Louis

Il donne des terrains et des sommes importantes aux autorités religieuses avant son départ pour Paris où il décède en 1860. Il laisse à son fils Denis-André et à son petit-fils Robert, un domaine extraordinaire qui couvre les hauts entre 150 et 1000 mètres d’altitude depuis Saint-Louis, de St-Pierre jusqu’à St-Joseph et 16 usines.

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L’entrepôt Kerveguen au siège des Taaf St Pierre

Les héritiers investiront encore dans le foncier à Vincendo, Ravine des Cabris ou encore Bras Martin. Mais en 1879, les pièces étrangères sont interdites sur le territoire et Denis-André doit rembourser à l’Etat 814 000 Kreutzers qu’il avait continué à introduire dans l’ile alors que l’autorisation n’ avait été donnée que pour 250 000 de ces pièces d‘argent.

Abandonnant la doctrine de la famille « ténacité et labeur », Robert paie les dettes et liquide les propriétés les unes après les autres avant de gagner définitivement la France où la famille a une propriété.

Sources :

Histoire d’une dynastie insulaire les K/Veguen avant les de K/Veguen- Philippe Pluchons/dir.Wanquet- Université de La Réunion

Etude de géographique et humaine “L’île de la Réunion”, Jean Defos du Rau

Sudel Fuma, dans « Une colonie île à sucre » « L’homme et le sucre à La Réunion »

Sabine THIREL

L’histoire de St André du XVIIIe au XXe siècle

 

    L’île était déserte avant 1663, année de l’arrivée de Louis Payen et de Pierre Pau. Lors de l’installation de la colonie de 1665 à 1667,  les colons durent obéir aux ordres du gouverneur, Etienne REGNAULT. Les premières communes à être peuplées furent St Paul puis Ste Suzanne et St Denis.

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1879 centre ville/environs de l’école des Frères

 La commune de St André restera célèbre comme le bastion de la contestation contre-révolutionnaire.

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ancienne minoterie de Cambuston

 En 1779, projet de révolte pour la « Pentecôte » : but : éliminer tous les blancs réunis dans l’église. Les soldats de la garnison viennent affronter la révolte : 13 esclaves arrêtés seront détenus au bloc : (en fait des voleurs), 2 brûlés, 2 pendus puis brûlés

 En 1790, il y aura les camps Welmant (populaire qui rejette le nouveau régime) contre Brunet (notables, « honnêtes gens.. ») . Sera alors établie la « garde nationale ». Un conciliateur, le curé Rollin s’essaiera à réunir les 2 partis.

 Le bruit court alors que les esclaves ont le désir d’égorger les blancs. A vrai dire ils sont largement majoritaires, et les intentions de révoltes sont nombreuses.

 1792 : élection de Pignolet comme maire

 1793 : on foule au pied la cocarde tricolore. Mathurin Robert est alors à la tête de la « garde nationale » Il sera ensuite accusé d’être le chef d’un mouvement contre-révolutionnaire.

 1830 : 1e crise sucrière dûe à un endettement excessif et aux cyclones.

1832 : journaux clandestins

 20 Décembre 1848 ; journée très calme à St André

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maison Bellier à Bois Rouge/J.P Saint Aubin

 24 Août 1912 : St André est alors le foyer de la contestation ouvrière. Un syndicat défend alors les intérêts professionnels. Il voudrait l’ouverture d’un bureau de placement, refuse l’exploitation des travailleurs et est porteur d’un projet de démocratie sociale.

1914 : grève à l’usine de Ravine Creuse pour une augmentation de salaire

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Usine de Ravine Creuse/Coll Boulogne, Patel et Bazin

20/03/1915 nouvelle grève (renvoi de journaliers)

 1926 Renaissance du mouvement syndical sur l’usine sucrière de  bois Rouge : toute journée d’absence est considérée comme une démission, toute pièce ratée est facturée aux ouvriers…et il n’ ya alors aucune protection sociale. Le responsable du syndicat est licencié

1928 Le sucre se vend mal. La contestation reprend au niveau des planteurs.

1930 nombreux syndicats agricoles

 1935 : 1500 planteurs se regroupent (baisse de production et trop d’impôts). Ils décident le 9/03/1936 de faire un syndicat d’exploitants agricoles, dont le Président sera Maurice Bédier

Un autre syndicat s’occupera des journaliers sous la responsabilité de Gabriel Virapin

 1936 Mise en place du front populaire :

Avril 1936 Election, avec beaucoup de blessés de Lucien Gasparin

20/12/1936 : Vivre le front populaire ! A bas le maire  Martin Léopold

 

P.L

Découverte historique à St Paul

Après les ancres, canons et squelettes découverts en 2007 devant le cimetière marin à la suite du cyclone « Gamède », des ouvriers de la SBTPC occupés à la réfection de la chaussée de la rue François Lenormand ont senti une résistance sous leur pelle mécanique…
Emmanuel Metro, le chef de chantier, a alors décidé de tout arrèter et de poursuivre la reconnaissance de « l’objet » par une fouille manuelle.

C’est ainsi qu’a à peine un mètre de profondeur, fut mis à jour un ouvrage circulaire sur 2 niveaux en pierre de taille.L’historien Bernard MAREK diagnostiqua qu’il pouvait s’agir de l’axe d’un moulin vu la proximité du magasin de la « Compagnie des Indes », situé à l’emplacement de l’actuelle mairie, où on entreposait café et coton. Il formule aussi d’autres hypothèses possibles : et s’il s’agissait du socle d’une fontaine ? ou encore d’un puits ? Une chose est sûre : cette trouvaille date d’au moins 150 ans ce qui la ferait exister autour des années 1850 et son état de préservation est remarquable sans doute grâce à l’environnement sablonneux. Mais comment se fait-il que cet ouvrage se soit autant enfoncé se dissimulant aux regards ? Serait ce le résultat des multiples inondations et autres raz-de-marée de la zone ?

En tout cas, la député maire Huguette Bello et les représentants de la DRAC décident alors d’interrompre les travaux ébauchés à la grande déception du chef de chantier et de poursuivre les fouilles. C’est alors qu’on va faire apparaitre des anneaux métalliques
scellés sur la partie supérieure ce qui pourrait laisser penser cette fois à un puits, avec un couvercle de pierre…

Place aux recherches donc : des mesures topographiques et stratographiques s’imposent et peut être un petit tour aux archives pour en avoir le coeur net.

Patrice LOUAISEL

Salazie : un cirque légendaire…

 

Certaines légendes ont la vie dure. Salazie en connait quelques unes et pas des moindres.

 

 
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Eglise de Salazie

La Paroisse de Salazie est créée en 1838 et la première pierre du soubassement de l’église en bois, est posée le 11 octobre 1840 par le Contre Amiral De Hell. L’église est construite par Louis Cazal, sur la propriété de Jean-Baptiste Malvoisin. Les murs de la deuxième église sont montés autour de l’ancienne par les habitants. Les caractéristiques du monument sont ses deux tours en béton et maçonnerie. A chaque agrandissement, les murs sont montés à l’extérieur

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la cathédrale de Reims

L’église est copiée sur l’architecture de la cathédrale Notre Dame de Reims. La personne à l’origine de cet édifice est Méry Payet (décédée en 1971, à 78 ans), fille d’Yvrin Payet, notable bien connu dans le village et futur propriétaire de l’usine de Quartier Français. Cette jeune habitante de Salazie a été infirmière à l’hôpital de Chateau Thierry, près de Reims. Très croyante et pratiquante, elle fait un pèlerinage à la Cathédrale de Reims où ont été couronnés les rois de France. Elle souhaite entrer dans les ordres mais divorcée cela lui est refusé. Lors de ce pèlerinage Méry Payet fait un vœu et celui-ci est exaucé.
De retour dans l’île, elle demande à son père de construire une nouvelle église qui ressemblerait à celle de Reims. Ainsi, elle aurait l’impression de continuer à prier dans un univers connu. Son père lui accorde ce privilège. Il donne le ciment et la main-d’œuvre et avec les moyens de l’époque, la construction commence vers 1920 d’après une photo que la jeune femme a rapportée de son voyage. La durée du chantier est indéterminée. Il semble que Méry soit également l’instigatrice de l’inscription « Chez nous soyez reine» apposée sur la façade de l’église.

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Le Père Bourasseau bénit l’actuelle église de Salazie, le 2 octobre 1941.
Le Père Gabriel Charles Octave Bourasseau de la Congrégation du Saint-Esprit est né en 1902 à Luçon (Vendée). Ordonné prêtre en 1933 puis missionnaire à Madagascar, il arrive à La Réunion en 1935. Nommé à Salazie en 1936, il bénit l’église en 1941. Décédé le 4 mai 1957, le Père Bourasseau repose dans une tombe située derrière l’église. Elle est couverte d’ex-voto et remerciements. En effet, plusieurs personnes y viennent pour demander des grâces et remercier pour les vœux exaucés.
D’après Prosper Eve, dans « La Religion populaire à La Réunion » Université de La Réunion, « Hormis les Saints, un autre culte perce (…) voué à des personnages (religieux) non canonisés. (…) Dès qu’un prêtre meurt, les messes sont demandées pour le repos de son âme »

D’autres tombes connues se trouvent au cimetière d’Hell-Bourg, celles du poète Auguste Lacaussade, du poète écossais William Falconer et du brigand Volcenay Zitte . La tombe de Volcenay Zitte est facilement identifiable, par la grosse pierre surmontée d’une croix qui y est mise. Cette tombe contient le corps du terrible bandit. En 1919, le bandit Zitte sévit dans l’ouest de l’ile. Il agresse, vole, assassine et brûle tout ce qu’il veut. Les Réunionnais sont terrifiés. Recherché par les forces de l’ordre, il se cache chez sa sœur. Cependant, de connivence avec les gendarmes alors qu’elle le reçoit chez elle à Marla, une embuscade est tendue, il est blessé et arrêté.
Transporté par brancard, Zitte déchire son ventre avec ses ongles et décède à Grand Sable. Son corps est ramené à Hell Bourg pour autopsie, il y sera enterré.

Mais sa tête est portée à Saint-Denis pour identification. Elle est enterrée dans une des trois tombes qui forment le petit espace hors du cimetière de l’Est à Saint-Denis, au carré des condamnés à morts. Condamnés par la justice des hommes, ils ne reposent pas avec leurs concitoyens. Ce carré des condamnés est toujours fleuri. « Selon la légende, l’âme de Zitte est condamné à errer, ne retrouvera pas le repos tant que sa tête ne sera pas réunie à son corps. La tombe de Zitte fait parfois l’objet de rituels nocturnes au cours desquels les adorateurs déposent un verre de rhum, des cigarettes et des cônes d’encens ». Pour Prosper Eve dans la croyance populaire « L’âme de celui qui ne reçoit pas de sépulture est donc condamné à errer et à influer néfastement sur les vivants. Tous ces africains, ces malgaches venus à la Réunion ont l’habitude de professer un culte à leurs ancêtres. Pour eux, le mort est sacré. Qu’il ne soit pas admis dans le concert des ancêtres, en étant inhumé de manière digne est inadmissible : L’outrage suprême est bien de malmener le cadavre, de le priver de sépulture, de désacraliser le mort. »
Après sa mort, Zitte est devenu un mythe à Salazie, dans les hauts de Saint-Paul et dans toute l’île.

Sources :
Posper Eve « La Religion populaire à La Réunion » Université de La Réunion
La cause des victimes, approches transculturelles : Ile de la Réunion et … Geneviève Payet, Jean-Loup Roche
Patrimoine des Communes de La Réunion. Flohic Editions- septembre 2000

Sabine Thirel

L’attaque anglaise de Ste Rose

En 1806, les Anglais sont bien décidés à s’emparer des Mascareignes. Croisant au large, ils se rapprochent de plus en plus des côtes, s’enquièrent des forces présentes et attaquent Sainte Rose.

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Débarcadère de Ste-Rose fin XIXe siècle (photo Famille Du Mesgnil)

En Europe, Napoléon Bonaparte étend son territoire mais sa flotte se fait écraser à Trafalgar. Les Anglais prennent un à un, les comptoirs français de la côte indienne et les Seychelles. Forte de sa place de première puissance maritime mondiale, la Marine anglaise du général Baird prend le Cap de Bonne Espérance au Hollandais, en 1806. L’île Bonaparte (La Réunion) peu armée, sujette à un blocus des anglais peut difficilement communiquer avec sa voisine l’île de France (Maurice), une importante flotte croise au large de ses côtes. Ils constatent la précarité des installations militaires, seules quelques batteries sont entreposées sur le littoral et peu de moyens humains. Le blocus séparant les îles, amène le gouverneur Des Bruslys à revoir les points stratégiques de l’île, il sait que les moyens de défense sont trop faibles. Decaen, gouverneur général établi à l’île de France met à sa disposition quelques milliers d’hommes armés dont des miliciens, quelques civils blancs pauvres et libres de couleur inexpérimentés.

Jusqu’en 1808, les forces en présence s’observent. L’ennemi profite de l’escale commerciale d’un navire arabe pour franchir le pas. Menacé dès qu’il quitte le port, le capitaine arabe veut se mettre à l’abri des deux batteries de Sainte-Rose. Mais il se positionne entre la batterie principale et les navires anglais. Les militaires à terre ne peuvent tirer sans le mettre en péril. Les Anglais à l’abri des tirs des canons, entrent à leur tour dans la baie sans être inquiétés. L’équipage du navire arabe est exterminé et des marins se jettent à la mer pour échapper à la mort. On ne repêche qu’une vingtaine de survivants. Les Anglais depuis le navire arabe mitraillent la Marine de Sainte-Rose et les batteries avant de reprendre le large.

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La Batterie face à la mer

Le 4 août 1809, les forces anglaises occupent Rodrigue, en font un port d’attache qui va leur permettre de regrouper leurs forces et d’attaquer les Mascareignes. Le gouverneur général Decaen sait que les forces dont il dispose ne sont pas suffisantes pour affronter l’escadre Rowley (huit navires). L’île Bonaparte est de plus en plus isolée et commence à manquer de provisions. Les guetteurs et les sentinelles remarquent des allers et venues de navires anglais rodant au large des côtes. Une autre bataille se prépare à Sainte-Rose.

Le 8 août, la frégate, « La Néréide » et la corvette, « Le Saphir », sous les ordres du jeune commandant Corbett s’approchent de Sainte-Rose. Le petit port essuie les premiers coups de canons. Le 11 août 1809, les deux navires contournent l’île par le nord et reviennent à Sainte-Rose puis disparaissent. Le 16 août, ils réapparaissent et s’approchent plus des côtes jusqu’à jeter l’ancre dans la baie. Le coup de semonce lancé depuis la batterie ne change pas la situation. Les chaloupes sont mises à la mer. La petite douzaine d’hommes armés riposte devant Sainte-Rose avant d’abandonner les positions. L’ennemi s’empare du village et détruit la batterie. Le maire est fait prisonnier. La lutte est inégale, malgré les pièces de mitrailles dont disposent les forces françaises. La population terrorisée par le nombre d’assaillants et le peu de moyens de défenses qu’elle détient, n’intervient pas. Les combattants se retrouvent à deux contre cent et les Français abandonnent bientôt le combat. Aucune intervention de la Garde-Nationale n’est constatée. Les Anglais dont l’équipage est atteint de scorbut réclament des vivres, des fruits et de la viande, en échange de la vie sauve. Les Anglais, maîtres de la situation, restent au mouillage face à la Marine. Le 17 août, une centaine hommes de la garde de Saint-Benoît arrive à Sainte-Rose mais regagne leur base.

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Le Mausolée de Corbett domine la Marine Le 18 août les militaires de la garde de Saint-Benoît sous les ordres d’Hubert-Delisle reviennent. Les Anglais encore dans la rade tirent sur eux mais ces derniers s’installent le long de la falaise qui surplombe la baie et mettent en échec les assaillants. L’équipage anglais, toujours malade, demande à acheter des vivres et Hubert-Delisle refuse de leur en vendre. Prenant le large vers Saint-Benoît, l’ennemi mitraille la vigie de Petit Saint Pierre sans l’endommager. Par un messager, il menace de bombarder toute la côte si les forces armées continuent à progresser. Finalement un accord est trouvé. Des vivres dont une grande quantité de citrons, sont livrés sur les navires et à terre les hommes armés se séparent.

Les renforts qui arrivent encore de Saint-Jean et de Saint-Denis, rejoignent la Garde nationale de Saint-Benoît. Le Capitaine Corbett depuis « La Néréide » et le « Saphir » ordonne de tirer sur la colonne qui progresse encore. Les Français ripostent et font beaucoup de dégâts sur les navires anglais qui lèvent l’ancre et quittent la baie.

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Magasins et Tour de Corbett – Début XXe siècle (photo Famille Du Mesgnil)

Mais ce n’est pas terminé, au fil des jours, le nombre des navires anglais augmente au large de la zone Est. Le 22 août, ils se positionnent encore une fois au large de Sainte-Rose. Les forces terrestres françaises combattent férocement et réussissent à repousser l’ennemi qui ne peut pas mettre pied à terre. Du 23 août au 12 septembre, les Anglais bloquent Sainte-Rose et s’acharnent à vouloir débarquer. A terre, plusieurs troupes se regroupent sous les ordres de Bouvet, pour les repousser et les forcent à ré embarquer. Le capitaine Anglais Corbett touché de plein fouet par un boulet de canon perd ses deux jambes et avant de mourir, il demande à être enterré à Sainte-Rose. Le monument Corbett se dresse au-dessus du débarcadère qui domine la Marine. Puis, les navires anglais quittent les eaux françaises. A la fin de l’occupation anglaise, lorsque les Anglais prennent le corps de Corbett, ils laissent le mausolée intact que les habitants de Sainte-Rose nomment la Tour de Corbett.

La Marine de Sainte-Rose est jusqu’au début du XXe siècle, le poumon du Sud Est de l’île. Des magasins de stockage sont construits. Des ponts sont installés surplombant entre autre la Rivière de l’Est. Les marchandises sont transportées à Saint-Benoît, puis par le chemin de fer jusqu’au port de la Pointe des Galets, nouvellement livré. Au fil du temps, les cyclones successifs emportent les embarcations, le débarcadère et les bâtiments des magasins dont il ne reste que peu de traces.

Sources :

-Dictionnaire Biographique de la Réunion n°2, Editions CLIP, 1995. L’Album de la Réunion, Antoine Roussin, 1860 à1869 …

-Mario Serviable-Histoire de La Réunion.1990.ed-OCEANS

-Daniel Vaxelaire : Le grand livre de l’histoire de La Réunion – Le grand livre de l’histoire de La Réunion – Ste Clotilde (La Réunion) : Orphie, 2003. – 2 vol.

Sabine Thirel

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